Revision [17359]

This is an old revision of patrox made by JeanLouis on 2019-06-26 15:29:59.

 

"Grand ou petit, il n'est point d'homme si ignoré qui n'ait reçu un nom au moment où sa mère l'a mis au monde".
Homère, "Odyssée" , VIII, 552-553.

HISTOIRE DE LA NOMINATION SELON LES PEUPLES :
Des origines aux processus et les raisons de leur étude :
Nous avons souvent oublié le sens primitif du nom que nous portons, et ce depuis combien de générations ? Si le prénom est choisi par les parents suivant la consonance qui plait ou pas, pour le nom de famille, le nom patronymique, la question ne se pose pas: nous en héritons à notre naissance sans l'avoir choisi, ni nous ni nos parents. Protégé (encore) par la loi, seule l'autorité civile, souvent judiciaire, peut le modifier dans certaines conditions et encore faut-il un motif valable pour en présenter la requête. Bien entendu il n'en fut pas ainsi dès l'origine. Et l'on peut même certifier que le supposé 1er père, dans la nuit des temps passés, qui donna à son fils le nom d'Amiel, savait très bien l'importance de cet acte que, de nos jours, nous trouvons assez banal. Le 1er hébreu qui, au cours du 2ème millénaire de l'ère qui précède la notre, donna à celui qu'il procréa le nom individuel d'Am-i-El soit "le dieu El est mon oncle" en ce temps-là, savait très bien qu'il glorifiait ainsi ses origines, mettait sa progéniture dans la protection divine de son dieu, pensait respectueusement à ses ancêtres ou plutôt son ancêtre comme à sa divinité (qui deviendra unique et nationale). Le 1er grec qui appela son fils Nicolas (Nikolaos) soit "le vainqueur des peuples", une signification qui a bien perdu de son lustre, ce grec avait en ce temps-là conscience des espérances qu'il mettait en lui. L'étymologiste doit se placer, en pensée, dans l'état mental où étaient ces pères si lointains lorsqu'ils inventèrent pour leurs enfants des noms, puis il essaiera de déterminer le sens de ce nom, en étudiera l'histoire, les évolutions, les variations de forme, d'orthographe et de signification, les composés et les dérivés éventuels, ses applications etc... Et cette étude est passionnante car il est prenant de chercher à connaitre l'origine de son nom. Et le public s'intéresse avec juste raison à ces questions de langue, d'étymologie, de sémantique, aux travaux sur les langues dites régionales, notre folklore, nos beaux et si vieux noms de lieux....Et puis il faut avouer que les noms propres, dignes d'une majuscule, présentent un grand intérêt linguistique. Témoins d'âges révolus, fossiles présents de langues ou parlers disparus ou en voie de l'être, ils permettent souvent de reconstituer des formes et types qui ne sont plus actuellement dans nos langues modernes. Enfin ces noms présentent un immense intérêt psychologique et social. Leur étude reconstitue une des trames de notre société, de notre civilisation, de notre histoire comme de notre géographie, c'est une étude pleine de nuances, de variations, en somme de poésie.
Résumé de la nomination humaine :
* La nomination est liée soit à l'aïeul paternel, c'est l'agnation, soit à l'aïeul maternel, c'est la cognation. Chez les hébreux comme chez les grecs ou les romains ce sont toujours les pères qui donnent le nom. Si les hébreux ne connurent pas le nom patronymique avant l'ère moderne par contre grecs et romains ont porté dans leur nom celui de leurs pères depuis des temps immémoriaux.
° Chez les grecs on aura par exemple Achille Pelidès, soit Achille fils de Pelidès, bien que la forme du suffixe ne signifie pas systématiquement cette qualité héréditaire; Socrate se nommait "Socrates fils de Sophroniscus du dème d'Alopece" ce qui indique que Socrate ne fut que son prénom, celui de son père constituant son nom et il résidait dans la circonscription administrative d'Alopèce (voir ce qu'on a dit en conclusion sur l'onomastique, cf. introduction générale). Ce sont aussi les grecs qui ont les premiers employé les diminutifs mais seulement pour les petits enfants, les esclaves ou les personnes de faible extraction. Souvent, curieusement, ces diminutifs étaient augmentés (!) en quelque sorte par des terminaisons bien connues comme -idion, -asion, -illos ou -inna, -ulla, -ion etc....Ils emploieront aussi des dénominatifs dérivés de noms appellatifs communs comme Philon qui vient de 'philos', l'ami, ou Leanena, de 'leo', le lion; des noms verbaux tels qu'Ida qui vient de 'idaeus, ideus', du verbe voir. Chez eux comme dans les langues latines, les surnoms (qui deviendront chez d'autres peuples patronymiques) sont soit des relations à des actes mémorables soit des particularités individuelles physiques, morales, psychologiques de ceux qui en étaient pourvus. C'est dans les surnoms que les grammairiens grecs classaient les noms appelés "gentilitia", des noms qui, alors, se tiraient du lieu natal, de la ville où l'on avait reçu le droit de cité (donc de citoyen) par exemple Denis le Thrace qui pourtant était natif d'Alexandrie et que l'on connait mieux sous le nom de Denis le Rhodien ! Bizarrement ils employèrent aussi une lettre de leur alphabet pour les surnoms; on peut citer Pythagore, le mathématicien bien connu que l'on surnomma Gamma, G, ou le célèbre astronome d'alors Apollonius que l'on appela simplement E, Epsilon, car il fit des recherches curieuses sur cette lettre qu'il disait "tourner avec la lune". Un mot sur l'évolution de l'alphabet...
° Elles tournent bel et bien: Il faut quand même remarquer que Apollonius avait un peu raison, non qu'il y ait eu une quelconque relation entre nos lettres et les astres bien que les astres semblent tourner en raison du mouvement perpétuel mais parce que la comparaison des alphabets depuis les premiers jusqu'à celui que nous utilisons ici montre effectivement que de transcription en transcription de peuple en peuple, certaines lettres ont bel et bien changé de dessin dans leur écriture, en raison du sens des écritures et lectures, non seulement le E mais aussi le A pour ne citer que ces deux lettres qui se trouvent dans notre nom AMIEL. La lettre A représentait une tête de bœuf à l'origine, les cornes sont de nos jours en bas; la lettre M a toujours été de cette forme, bien que plus réduite à l'origine, elle représentait les vagues de la mer depuis le hiéroglyphe égyptien, le mouvement, la vie, puis a servi de symbole de quantité, de nombre d'où peut-être sa signification de peuple en hébreu; citons le cas d'Abram dont Dieu changea le nom en Abraham, la signification changeant elle aussi, passant de "père de mon peuple" à "père de la multitude"; la lettre I a peut-être pour origine un hiéroglyphe égyptien dessinant un avant-bras et signifiant la mesure de la coudée, lequel, représenté couché, prit progressivement la verticalité; la lettre E est la plus intéressante car elle représente le hiéroglyphe dessinant l'homme, les bras à demi-levés et les jambes écartées, stylisé par la suite à l'extrême par les phéniciens qui n'en retinrent que trois lignes se détachant d'une verticale, leur lettre ouverte vers le bas comme l'homme sur ses jambes, vira sur la gauche puis se mit ensuite à regarder à droite !; la lettre L a aussi bien changé dans ces évolutions, elle dessinait un crochet ou une crosse chez les égyptiens puis un bâton de berger chez les hébreux, c'était donc un symbole de commandement, ce symbole dont je parle en plusieurs endroits qui a tant tourné qu'il s'est enfin écrit en une représentation d'un angle droit, ouvert à droite; le commandement joint à la rectitude pourraient-ils résumer le Dieu des hébreux dont il est le (résumé) du nom ?
° L'influence des stars : Mais revenons aux noms en général; chez les grecs puis chez les romains, tous férus de célébrités en tous genres, on ne s'étonnera pas de voir chez eux l'influence de la popularité dans leurs nominations; tout comme de nos jours, déjà on adulait beaucoup ceux qui gagnaient, que ce soit chez les politiques ou les athlètes mais aussi chez les généraux, en un temps où l'on n'hésitait guère sur les conduites à tenir devant certaines situations ou ambitions, sans oublier le pouvoir de la religion. C'est une dimension à considérer donc conjointement avec le système plus traditionnel de nomination, surtout chez les romains, si ordonnés en tout et chez les peuples qu'ils ont colonisé.
° Chez les romains : Les auteurs latins anciens avaient coutume de dire que c'est en raison du rapprochement initial entre latins et sabins que les individus prirent la coutume de porter deux noms, l'un leur étant propre à la naissance et l'autre donné en affirmation de ce rapprochement et pris donc chez l'autre peuple. Pourtant on sait aussi que les Albains, le grand peuple voisin de la future Rome avait préalablement déjà cette habitude; il n'y a qu'a citer Rhéa Sylvia la mère des jumeaux Rémus et Romulus qui appartenait en effet à cette famille de rois dont furent son père et son oncle, Amulius dont je ne manque pas de parler, le nom des Sylvii indiquant le caractère aborigène, forestier donc quasiment primitif et immémorial de cette famille sur la butte d'Albe. Les sabins aussi tout comme les étrusques semblent avoir eu également deux noms, du moins les rois, Titus Tatius tout comme Numa Pompilius ou les Tarquins qui furent de l'une de ces deux origines. Varron peut bien indiquer qu'alors les romains qui suivirent eurent l'habitude de porter plusieurs noms, c'était en quelque sorte la carte d'identité du romain; le minimum c'est trois, la "tria nomina", avec le prénom (peu important) suivi du groupe du "nomen" qui comportait le nom principal, celui de la gens (nomen gentilicium) suivi du nom de famille dans cette gens, puis on pouvait ajouter non seulement un surnom (cognomen) à titre d'honorabilité supplémentaire personnel (victoire, triomphe) ou lié à ses immédiats et honorables parents, mais un deuxième surnom (agnomen) qui pouvait par exemple provenir de la gens d'origine pour les adoptés, ou un ancien 1er surnom, les esclaves affranchis prenaient dans cette position le nom de leur ancien maître également. Ce principe de base a cependant énormément évolué avec le temps et les mille ans d'histoire romaine. On trouvera par ex. aussi des noms qui font une référence à la tribu à laquelle le porteur du nom appartenait; ce qualificatif (plutôt) n'avait rien à voir avec l'origine agnatique mais constituait alors une sorte de carte d'électeur joint à un titre de citoyen de telle cité, étant donné que ce nom de tribu dépendait de la ville où l'on résidait et que l'on votait suivant sa tribu. On connait plusieurs villes dont les habitants citoyens étaient affectés à la tribu Aemilia; un habitant de l'une de ces villes, dont je ne manque pas de faire une rapide recension, pouvait donc se faire nommer par exemple "L. Sergius Paulus Aemilia Rufus" nom dans lequel L. désigne le prénom Lucius, Sergius la gens Sergia, Paulus la famille (c'était aussi le nom d'une famille de la gens des Aemilii, on voit là que ce nom de famille n'était pas exclusif à une gens mais "cousinable") Aemilia est le nom de la tribu d'affectation (ici nom de la gens, au féminin) et Rufus est le surnom.
° La nomination, acte social romain : Enfin tout comme chez les grecs cette nomination était bien marquée; c'était un acte solennel effectué le jour de la purification du nouveau-né (le 8ème jour pour les filles, le 9ème pour les garçons) appelé la "nominalia"; il en fut ainsi jusqu'au règne d'Antonin le Pieux qui ordonna de nommer uniformément les nouveaux-nés au 3ème jour, devenant une coutume qui traversera tous les siècles jusqu'à nous (en passant notamment par une ordonnance du roi François Ier de 1549 puis par le Code Napoléonien). Précisons que le prénom n'était attribué qu'aux garçons et lorsqu'ils devenaient hommes seulement, vers 17ans, quand ils prenaient le vêtement correspondant, la robe prétexte. Les filles portaient automatiquement le nom de leur gens mis au féminin et complété si nécessaire par un simple numéro d'ordre ! (par ex. Aemilia Secunda).
° Evolutions depuis l'Antiquité : L'histoire passée l'antiquité, verra les hommes un temps revenir à un seul nom individuel, puis ajouter un deuxième nom, pris de diverses façons, le prénom revenant à la mode avec le port du nom dit de baptême que l'église réussira à imposer; on verra en suivant le deuxième prénom devenir patronymique, souvent aussi c'est le surnom qui en fera office pour ceux qui n'avaient qu'un nom individuel. Bien entendu beaucoup d'héritiers du nom patronymique n'en seront pas satisfaits et voudront en changer; on peut comprendre ceux qui de nos jours se nomment (encore!) Lecul ou Bastard (bâtard).
Quoi qu'il en soit, le nom de nos pères, comme disaient les anciens, est un vrai trésor; voici comment Molière, dans "L'école des femmes" s'est moqué de ceux, qui, à son époque, et ils furent alors nombreux, parmi les bourgeois notamment, singeant les nobles qu'ils voulaient égaler, voulurent changer de nom :

"Quel abus de quitter le vrai nom de nos pères,
Pour en vouloir prendre un bâti sur des chimères !
De la plupart des gens c'est la démangeaison;
Et sans vous embrasser dans la comparaison
Je sais qu'un paysan qu'on appelait Gros-Pierre
Qui n'ayant pour tout bien qu'un seul quartier de terre,
Y fit tout alentour faire un fossé bourbeux,
Et de Monsieur de L'Isle en prit le nom pompeux."

(=> pour une grande part d'après le "Dictionnaire historique de l'Antiquité" F. Noël, 2ème édition, Le Normant, Paris, 1824).
Les études actuelles sur la nomination :
Il est donc devenu évident que la nomination et ses méthodes jouent un rôle fondamental dans la structuration des personnes et des sociétés. Nommer c'est signifier l'appartenance à une ou plusieurs entités, sociales, familiales, lignagères ou encore professionnelles et c'est donner tout autant à chacun la faculté d'y affirmer sa singularité et de la faire reconnaître, de marquer son rôle social ou une quelconque position hiérarchique. Souvent le nom renvoie bien sûr à une histoire onomastique et/ou généalogique, comme aussi à une aire géographique d'origine, plus ou moins déterminée. L'étude des noms s'avère donc un moyen de pénétrer et de comprendre la complexité des sociétés et leur évolution dans le temps et l'espace, vaste domaine des sciences humaines. Les ethnologues comme Lévi-Strauss (1962) ou Zonabend (1977, 1980), les historiens comme Jullian(1919), Bloch (1932) ou les sociologues comme Michel (1938) s'y sont attelés; tous se sont penchés sur le pourquoi ou le comment de la nomination, dans diverses sociétés et dans l'histoire. Et puis s'y sont également mis les généticiens.
Pour ces derniers venus des sciences dites exactes, le nom est un analogue du gène, dans la mesure où le nom se transmet de génération en génération par le père, tel un gène du chromosome Y, avec l'intérêt supplémentaire de présenter un polymorphisme très élevé. Dès la fin du XIXème S. Darwin (1875) ou Watson & Galton (1874) ont été interréssés par cette information patronymique et au XXème S. de nombreux chercheurs ont élargi ces études patronymiques dans le domaine de la génétique des populations, sur leur structuration et sur les flux migratoires qui les traversent de plus en plus, rejoignant en cela les travaux des démographes.
Ces derniers ont focalisé leurs études sur la question des origines dont témoignent les nombreuses et récentes études de l'anthroponymie médiévale impulsées notamment lors des Rencontres d'Azay-le-Ferron par Monique Bourin (1990 - 2002) et poursuivies depuis.
Et sur un sujet aussi vaste que l'anthroponymie, il serait encore vain de prétendre à l'exhaustivité...
(=> D'après l'introduction de "Patronymes et démographie historique" de P. Darlu in Annales de Démographie Historique 2004/2 (n°108) p.53).
L'homme vit dont le nom est prononcé. (Mythe de Ré & d'Isis, anonyme) :
La valeur magique attribuée aux mots dans les sociétés anciennes apparait avec une force particulière dans les noms qui désignent l'individu. Pour le primitif, le nom est rattaché invariablement à l'être désigné, on peut dire qu'il fait corps avec lui. En bonne comme en mauvaise part le nom influera sur celui qui le portera, d'où la protection des saints par le choix et le port de leurs prénoms ou les tabous de l'anthroponymie hébraïque qui exclue de porter le nom de Yahveh remplacé par El, ou encore le tabou du nom de Jésus dans celle des temps médiévaux, voire celui de l'usage du nom de Marie parait-il en Espagne jusqu'à l'époque contemporaine. Le nom est capital pour la vie de l'enfant puis ensuite pour sa vie d'adulte. On s'attachera donc aux vertus qu'il est censé lui apporter afin d'influencer favorablement son existence. Les romains par ex. dans la gens Aemilia utiliseront, de plus comme une exclusivité de leur clan, le prénom Mamercus car il fait référence au dieu Mars censé être à l'origine de leur lignée et qui leur garantit toute la force et le courage dont ils auront besoin pour tenir leur rang dans la République Romaine. De nos jours encore certains croient en l'action magique du prénom, on nomme cela l'onomancie, c'est une discipline qui a sa littérature et sa place dans l'histoire des croyances.
Des peuples imaginatifs ont synthétisé dans le nom de l'enfant leurs joies ou leurs sentiments, leurs espérances aussi. Les noms sémites, israélites en particulier ont souvent des significations sentimentales (dont Amiel) que les langues couvertes par la chrétienté s'approprieront. A un autre point de vue l'abondance des noms de gens latines comme ceux d'Aemilius, Caesar, Marcelinus dans les véritables patronymes gallo-romains (c'est vérifié dans la plupart des provinces de l'Empire) attestent la prééminence de l'aspect politique sur la nomination par la disparition locale assez rapide des dieux gaulois. Et la nouvelle religion chrétienne saura suivre cette voie : le christianisme triomphant d'après le IVème S. aura pour privilège le bouleversement de l'anthroponymie de la Rome polythéiste devenue païenne. Pourtant le culte des saints qui est plus tardif qu'on ne le croit généralement, ne se reflètera dans les prénoms (ou plutôt noms individuels, car les nouveaux envahisseurs, barbares ne se nommaient que par un seul nom, Amelius par ex.) comme dans les toponymes de localités (Amilly, Milhac...) qu'à partir de l'époque capétienne.
L'état social exerce des répercussions directes sur les noms de personnes. Les noms de famille qui donc étaient pourtant présents chez les gallo-romains à l'imitation des romains, vont être emportés par la bourrasque des grandes invasions barbares que connaitra l'Europe romaine à partir de la fin du Vème S. Et ces patronymes ne se reconstitueront que lorsque le nouveau régime politique et social féodal aura trouvé son assiette, quand le pouvoir royal sera fermement organisé (à partir du IXème S.). Ce que l'on appelle "l'ancien régime" n'aura à ce sujet comme innovation que le fameux Edit de Villers-Cotterêts de François Ier qui imposera la tenue des registres de l'état-civil par les prêtres (et accessoirement l'usage dans ces documents officiels de la langue françoise, le langue du roi), voilà une permanence qui s'ajoute aux autres permanences féodales plus connues. A la révolution on essaiera bien de chambouler les nominations des individus (surtout de ceux que l'on exécrait, les nobles ou ceux qui rappelaient l'église) mais seule restera finalement l'égalité de tous à ce propos; Napoléon Ier imposera la même forme patronymique : nom hérité du père + prénom(s) pris dans le calendrier avec un usuel, y compris à ceux qui n'avaient pas encore cette façon de faire, les juifs essentiellement.
Ce que l'on peut nommer l'influence de la mode vient s'ajouter aux motifs précédents religieux et politiques et cette dimension est aussi importante. C'est la mode qui fait quitter aux Gaulois puis plus tard aux peuples barbares destructeurs de l'empire romain, leurs vieux noms indigènes propres, et les incite à adopter les appellations romaines (l'imitation se joint à l'émulation, les deux étant la conséquence de l'irrésistible attractivité du vainqueur du moment); et lorsque les romains seront définitivement défaits (après 476) les mêmes populations adopteront les noms (et la forme nominative) en usage chez les aristocrates francs dans les régions où ces francs seront bien installés; ce n'est pas aussi rapidement le cas dans la région qui nous occupe, l'arc du Golfe du Lion où notre nom est si concentré; là les nouveaux venus ce sont les wisigoths, ils règneront encore en maîtres pendant un siècle et demi jusqu'à l'avènement des carolingiens; la Septimanie qui restera leur apanage nord-pyrénéen durant tout ce temps (et malgré les incursions et courtes installations arabes) verra ce peuple non seulement adopter les modèles sociaux des romains qui perdurent (leur droit par exemple) mais ils imiteront aussi leurs noms antiques, ils adapteront leurs propres noms à la mode romaine : les Amali qui sont le clan de leurs chefs se nommeront soit Amalric (et ses variantes) soit aussi par imitation de la langue latine, Amilius, Amelius, repris par la langue romane en gestation, lesquels deviendront enfin des Amiel par l'occitan, au moyen-âge central.
Tout comme bien plus tard le bourgeois copiera le noble, le vilain fera comme le bourgeois, la province imitera la capitale, et la campagne la ville. Exit alors les facteurs prépondérants ancestraux d'ordre sentimental, mystique, politique ou simplement traditionnel. La tradition familiale pourtant bien ancrée et puissante jusqu'à la fin de l'ancien régime va céder ses prérogatives au seul goût du jour pour les prénoms (et on voit à quoi on en arrive de nos jours par l'influence néfaste des séries télévisées, surtout américaines !); pour les noms là tout est réglé depuis très longtemps (en ce qui concerne leur orthographe depuis seulement un siècle et demi). Les surnoms qui il n'y a pas si longtemps étaient encore fréquents furent les fils de cette mode; beaucoup sont devenus des patronymes; quant aux pseudonymes l'individu qui se le forge par un acte volontaire et pour un but et des raisons qui lui appartiennent, obéit, bien plus qu'il ne le croit, aux suggestions du milieu et à l'esprit de son époque (nul besoin de donner d'exemples je crois).
On en reste donc maintenant à la juxtaposition de prénom(s) et d'un groupe patronymique; je dis groupe car souvent de nos jours, le patronyme n'est pas nécessairement constitué d'un seul nom, celui qui vient du père, mais de plusieurs, généralement deux, l'un venant du père, l'autre de la mère, du moins selon les nouvelles habitudes et possibilités du droit en France, ce que l'on peut comparer au droit espagnol par ex. Mais ici comme en bien de domaines, la mondialisation aidant, la nomination devient elle aussi universelle, c'est à dire platement uniforme, gommant dans ce domaine, les originalités régionales des peuples qui par leur diversité en faisaient la richesse. Il faut toutefois relativiser cela : Bien qu'en France, l'heure soit aux réformes sociétales (ça ne coûte pas cher à faire et ça peut rapporter gros ! quoique) la possibilité d'ajouter au nom du père celui de la mère décidée en 2005 n'a pas eu beaucoup de conséquences à ce jour: seulement 10 % des enfants nés depuis portent comme patronyme deux noms juxtaposés; comme quoi ce ne sont pas des lois qui peuvent inciter à changer des coutumes ancestrales. Cette pratique est semblable à d'autres décisions sociétales de nivelage par le droit quelquefois même par des obligations juridiques; ces décisions tendent souvent à imprimer subrepticement des inflexions comportementalistes aux autochtones vis-à-vis de cultures exogènes que ceux-ci n'auraient sans doute jamais eu, tout cela au nom d'une idéologie critiquable visant non l'intégration mais l'assimilation (on dit plus volontiers de nos jours "inclusion"!) par une uniformisation impulsée via une pensée unique, et présentée voire justifiée par un hypothétique consensus auquel la société est ainsi censée devoir parvenir, un accord sur une même note pour une société très bien contrôlée. Rien à voir avec ce qui se fait généralement et depuis longtemps, pour toute oeuvre musicale, chantée ou jouée, pour le seul plaisir de l'oreille, en étant "au diapason" et non en discordance....
On le nommait, ce diapason, encore à la fin de l'Ancien régime, "A-mi-la"; il donnait le "la" qui était le ton de tous les instruments d'un orchestre alors. C'est un mot parait-il qui venait de l'ancienne manière de désigner les notes par des lettres (au moyen-âge). Sans prétendre faire de même avec notre nom, malgré une certaine parenté homophonique qu'il m'a plu ainsi de souligner, dans toutes les pages qui suivent, je développerai pour chaque période, pour beaucoup d'origines linguistiques, par l'histoire homonymique encadrée par l'histoire générale, celles et ceux qui illustrent notre nom Amiel et en font l'embellissement culturel. Je n'oublierai ni l'histoire onomastique qui leur est liée bien évidemment ni l'histoire toponymique forgée sur leurs noms suivant les continents et les pays.
(=> d'après les premières pages de "Origine des noms de personnes" de Pierre Chessex. Ed. Guilde du Livre (Collection Gai Savoir) vol. n° 12; Lausanne, Suisse, 1946).
Amiel nom universel :
Ces noms propres d'hommes, de femmes, d'enfants, sont en effet souvent à la base de noms propres de lieux; c'est en tous cas le cas de notre nom Amiel (le contraire pour notre exemple n'existe pas à ce que j'ai pu voir); ils sont aussi la base de nombre de personnages en littérature, contes, romans comme poésie ou romans historiques, des œuvres de fiction modernes comme cinéma ou bande dessinée, et avec Amiel on est très bien servi sur toutes ces applications.
Nous allons donc découvrir par le détail les traces, suivre les jalons du parcours de notre nom sur plus de trois mille ans, comment il est passé de peuple en peuple, de langue en langue, de traditions en traditions ou de cultures en cultures, enfin d'histoire(s) en histoire(s)....en somme raconter l'histoire de l'héritage patrimonial du nom Amiel, une recension qui pourra à l'occasion prendre des airs d'un "cabinet de curiosités onomastiques", amusement délibéré de ma part ! Puissent-ils, tous ces noms, par mon écriture et par votre lecture revivre à nouveau.....
NB : J'ai suivi le conseil de Ronsard bien qu'il ne s'agisse pas ici de poésie, en créant les néologismes sur le nom Amiel, pratiques voire nécessaires pour parler d'eux et suivant les formes de ce nom : on trouvera par ex. les mots suivants : aemilien (pour la forme latine), amelien pour la forme romane, et amielien pour la forme moderne occitane et française. En effet Ronsard conseillait ainsi "Tu composeras hardiment des mots, à l'initiative des grecs et des latins....pourvu qu'ils soient gracieux et plaisants à l'oreille....". Et donc comme lui "Je fis des mots nouveaux, je rappelai les vieux...Je fis d'autre façon que n'avaient fait les antiques...", du moins j'ai essayé !
J'ai fait, à tort ou à raison, mon :
Devoir de mémoire
Enivré par le passé qui me submerge,
Je découvre ses souvenirs avec émoi,
En farandole d'émanations anciennes,
Comme effluves s'exhalant d'un vieil alambic.
Sitôt retrouvés, sous ma plume ils émergent,
En un devoir de mémoire de bien des mois;
Ainsi exhumés par ma prose, sans peine,
Vous les lirez ici, somme toute, en un clic !
Jean-Louis AMIEL
Et maintenant, comme disaient les vulgarisateurs de l'histoire autrefois à la radio : Approchez, rapprochez-vous, l'Histoire va vous parler !. Et pour commencer vous parler d'histoire mythique et symbolique si je puis dire, de ces antiques légendes et croyances du tréfonds de l'homme qui sont des racines cachées de notre nom; c'est seulement ensuite, que nous mettrons véritablement les pieds dans l'Histoire avec comme prémices d'Amiel le nom Amil dans les premières écritures de l'humanité.
There are no comments on this page.
Valid XHTML :: Valid CSS: :: Powered by WikkaWiki