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L'apport du MAZDEISME ou ZOROASTRISME au JUDAISME :
Généralités sur l’histoire des religions du Moyen-Orient:
Pénétrer l’histoire des religions permet de mieux connaître les sociétés dont elles émanent, autant dans leurs craintes que dans leurs aspirations. Suivre leur développement et découvrir les différentes influences qui au cours de leur évolution les ont plus ou moins déterminées est tout autant intéressant.
Dans la sphère spécifique du monde méditerranéen qui nous occupe, on ne peut que constater combien les trois monothéismes, judaïsme, christianisme et islam, sont héritiers les uns des autres, chacun avec son caractère et sa propre spécificité. Le judaïsme étant de toute évidence au fondement des deux autres. Mais ce dernier a lui aussi emprunté à une autre religion antérieure très structurée et bien installée chez les Perses comme on va le voir et chez qui les juifs, lors du fameux exil à Babylone vont puiser pas mal de concepts religieux et sociétaux majeurs.

Genèse des religions au Moyen-Orient :
Les exégètes modernes de la bible hébraïque ont mis en évidence l'héritage suméro-akkadien, donc essentiellement asiano-sémitique des mythes fondateurs de la Genèse et de l'ensemble du Pentateuque comme on l’a vu. Dans ces ouvrages, on se trouve, essentiellement, en présence d'un hénothéisme construit autour de Yahvé, dieu jaloux et vindicatif et non d'un authentique monothéisme qui, lui, va se construire et s'affirmer seulement aux environs des IVe et IIIe siècles avant Jésus-Christ.
Dans les religions anciennes du Moyen-Orient, les dieux anthropomorphes ne sont ni bons ni parfaits. Ils n'imposent pas vraiment une éthique qu'ils sont d'ailleurs eux-mêmes loin de pratiquer. L'essentiel pour les hommes est d'essayer de comprendre leurs desseins et de leur plaire par des offrandes et des sacrifices. Cela n'implique pas que les sociétés anciennes n'aient pas eu de règles morales mais elles se comportaient selon une éthique non imposée par les dieux, conforme au contrat social de l'époque et qui, obéissant au pouvoir (civil et religieux, les deux pouvant se confondre) et puisant aux sources de la sagesse populaire, réglait la vie en groupe selon un droit qui, sans être naturel, faisait cependant l'objet d'un consensus accepté voire imposé.
Les religions monothéistes qui leur ont succédé en plusieurs étapes vont se construire selon une optique différente. Le Dieu unique, créateur et omnipotent sera parfait et agira en maître bien que plein de miséricorde envers sa création. Il est donc intéressant d'essayer de retrouver à quels moments charnières a commencé cette évolution qui nous mène du concept d'un dieu tout à fait indifférent vers un dieu qui se préoccupe du bien des hommes.

Si l’on met à part la religion précaire d’Akhénaton en Egypte dont nous avons montré qu’elle a probablement influencé la constitution d’une partie de la religion juive, il semble bien qu’une plus vieille et durable autre religion ait eu certaines fortes répercussions dans la région et particulièrement chez les hébreux, c’est le zoroastrisme D'après nombre d'historiens modernes dont André Dupont-Sommer spécialiste du Moyen-Orient " C'est précisément au VIème siècle", écrit-il, "quelque temps après Zoroastre, que se rencontrent les premières formulations explicites du monothéisme juif " ( in " L'Iran et Israël " ). On déduira aisément des bases du zoroastrisme exposées sommairement dans les § suivants, les principes fondamentaux retenus par les juifs.
Ainsi le Judaisme naissant sera conforté dans son penchant monothéiste et fera sien le principe cette fois zoroastrien d’un dieu unique à l'occasion d'un contact forcé avec ceux qui pratiquaient cette religion déjà ancienne et bien installée en Babylonie. Mais ils vont y ajouter un trait spécifique : ce dieu unique va, avec eux, "élire un peuple", le peuple juif, « son peuple », nous en savons quelque chose par notre propre nom Amiel et la fonction attribuée à la lettre 'i' de celui-ci, son dieu donc lui ordonne de retourner à Canaan et d’y refonder le temple de Jérusalem du temps de Salomon (Xème S. av. notre ère). Les textes bibliques dont les premiers livres, attribués à Moïse (XIIIème S. av. J-C.) comme on l'a vu dans la page hébreux, commencent effectivement à être écrits à cette époque de leur exil à Babylone (VIème siècle avant J-C). Il s'agit pour le moins de voir ici le fruit d'une longue tradition orale de quelques sept siècles dans laquelle se sont forcément amalgamés plus ou moins bien de nombreuses histoires et mythes régionaux très anciens (on les a vus) ainsi que ou avec cette religion monothéiste première dans ce même Proche-Orient.

La religion effectivement monothéiste la plus ancienne est le zoroastrisme ou mazdéisme. :
C’est ce que pensent les historiens aujourd’hui même si l’on ne sait pas trop quand son promoteur a vécu. L'exception égyptienne monothéiste de peu antérieure (~ fin du XIVème S. ou début du XIIIème S. av. J-C) n'étant qu'une parenthèse qui n'a pas survécu, du moins chez eux, au pharaon excentrique Akhenaton mais que Moïse comme on l'a vu a pu faire fructifier. Les judéens seront donc influencés bien plus tard par le zoroastrisme lors de leur exil imposé à Babylone au VIe siècle avant Jésus-Christ; c’est même en règle générale une influence majeure sur les orientations religieuses de l'époque dans la région. Ce le sera aussi pour l'islam bien plus tard, on l'a vu.
Zoroastre est présenté historiquement comme le réformateur de la religion des Aryens, ce groupe d'indo-européens qui va s'installer et se sédentariser petit à petit dans l'Iran actuel et les régions autour dès le XIIe siècle avant Jésus-Christ. A leur arrivée, ils semblaient avoir été polythéistes avec d'importantes traditions magiques et des démons à craindre. L'ensemble de leur mythologie est proche de la tradition védique comme d'ailleurs celle de leurs cousins éloignés que sont les Hittites et les Hurrites du Mitanni qui les ont précédés au Moyen-Orient. Probablement né au nord-est de l'Iran, il est difficile de préciser à quelle époque a vécu Zoroastre, Zarathoustra en grec. Les chercheurs avancent des dates qui vont du XIIe au VIIe siècle avant Jésus-Christ. La date la plus ancienne se base surtout sur l'idiome très archaïque utilisé dans les Gâtha, recueil de la littérature avestique où Zoroastre s'exprime. D'après ces textes, il paraît s'adresser à des peuples qui s'occupent surtout d'élevage et pas encore vraiment d'agriculture, ce qui pourrait confirmer l'ancienneté de cette date (XIIème S. av. J-C.).

C'est la première religion « révélée » :
Zoroastre, dans sa profonde réforme religieuse, s'oppose aux rituels magiques omniprésents et aux sacrifices trop sanglants et violents. Il veut donner à la religion une signification morale et spécifiquement religieuse. Il dit parler au nom du dieu Ahura Mazda, dieu de la lumière, symbolisé par le feu à qui il oppose un principe ennemi et dangereux, Ahriman (cf. la symbolique du feu, page sur le symbolisme). Ahura Mazda donnera son nom au mazdéisme. Cette religion a un livre sacré, l'Avesta, attribué en grande partie à Zoroastre. Il est truffé de mots mystérieux qui semblent avoir été intentionnellement utilisés afin de prouver qu'il s'agit d'une révélation par Dieu lui-même. Nous sommes donc en présence de la première religion dite révélée. Le livre sacré est d’ailleurs appelé " le livre de la révélation de la vérité ". De ce livre, ensemble de textes canoniques, ne nous est parvenu intégralement que le livre ("nask") "Videvdat" ou "loi contre les dey" (ou "daevesa", les nombreux démons, racine reprise pour les djinns de l'islam à la signification cependant bien différente) mais on a une série précieuse de textes liturgiques dont le recueil "Yasna" 'prières, célébrations, culte) et les "Gatha" (hymnes antiques où l'on trouve trace du dualisme) et les "Yasht" (prières). Le mot de "daevesa" vient cependant de l'indo-européen 'deiva' qui signifie céleste, brillant dont on fera dieu ou déesse dans nos langues modernes européennes. Les pré-zoroastriens les considéraient en effet comme des êtres saints et sacrés ! Mais Zoroastre pourtant les rejeta et les nomma 'mal'. Ahriman, dieu zoroastrien du mal dans l'Avesta, perd son identité originelle et est parfois représenté comme un "div" (daeva en persan). Le mythe unique de cette religion sera la lutte du bien contre le mal, lutte spirituelle et mystique de la lumière contre les ténèbres. Les fables iraniennes se conformeront à cette opposition et celle-ci sera bel et bien reprise dans les grandes religions ultérieures qui écloront au moyen-orient et dont nous avons hérité.

Principes de la religion de Zoroastre :
A côté d'Ahura Mazda, dieu bon et compatissant, sont des anges de lumière ou Amesha Spentas, et les Vazatu, sortes d'hypostases du dieu et réminiscences du culte védique. Parmi ces Vazatu, on retrouve Mithra, déjà invoqué par les Hurrites et les Hittites et dont l'importance grandissante donnera naissance au mithraïsme contemporain des débuts du christianisme, très pratiqué dans le monde romain.
Ahriman, lui aussi, a, on l'a vu, des assistants, les Devas, les diables qui dans les monothéismes subséquents seront appelés Satan, Chaïtan, Iblis, Belzébuth, Lucifer, etc. Il est d'ailleurs intéressant de savoir que dans l'hindouisme, religion cousine, les Devis sont paradoxalement des dieux bienveillants, ce qui confirme bien leur connotation positive .... comme quoi, dans ces transmissions mythiques orales, il a pu y avoir quelques 'erreurs' majeures !
Dans les Gâtha, recueil essentiel de l'Avesta, est affirmée l'immortalité de l'âme, une immortalité qui n'a rien à voir avec la géhenne ou shéol judaïque, celui-ci étant similaire au séjour des morts décrit dans les textes akkadiens (voyage d'Ishtar aux enfers). Dans l'eschatologie avestique, les âmes immortelles, après un passage discriminatoire, le pont Cinvat, qui correspond au jugement, seront dirigées soit vers l'enfer, le purgatoire ou le paradis (paradis vient du mot " paradesa ", qui veut dire " jardin " en vieux persan), séjour des bienheureux, qui aura sa réminiscence dans le "Jardin d'Eden" bien sûr. La résurrection des corps est également promise à la fin des temps dans un monde délivré du mal.
Le jugement qui décide du sort des âmes est lié au fait que dans le mazdéisme, l'homme est totalement libre de choisir " le bien ou le mal ", sujet essentiel qui occupera longtemps les théologiens. Pour Zoroastre et contrairement aux religions dualistes ultérieures, particulièrement on le verra le catharisme, il ne faut pas s'abstraire du monde mais considérer celui-ci comme une sphère de combat de la lumière contre les ténèbres et ce en accomplissant les bonnes actions dans un désir de bien.
L'homme, pour Zoroastre, est donc doué de libre arbitre et contrairement aux religions de l'époque, il n'est pas le jouet de la destinée, il peut choisir entre " la lumière et le mensonge ". Le code de morale est simple, seul est juste et bon l'homme qui ne fait pas à autrui ce qu'il ne juge pas convenir à lui-même. Il y a aussi une notion, nouvelle pour l'époque, d'intolérance, car pour Zoroastre, le pire des péchés est l'incroyance et l'apostasie. Comme dans le christianisme (d'une époque révolue heureusement) mais encore dans l'islam, l'apostat doit être mis à mort.
Il est également intéressant de parler du salut des femmes dans la société zoroastrienne. Alors que dans la Perse achéménide de Cyrus, elles jouissaient d'une situation égalitaire, possédant des biens et les gérant elles-mêmes, elles vont voir leur situation changer à partir de Darius, surtout dans les classes aisées. Il est très difficile de savoir si cela est dû au mazdéisme ou à l'influence sémitique mais ce changement de condition laisse présager la future et toujours prégnante réclusion musulmane. Par contre, ce qui est véritablement imputable au mazdéisme, c'est la naissance d'un grand puritanisme sexuel. La fornication et l'adultère ne peuvent être pardonnés. L'onanisme est puni du fouet. Ce puritanisme inhabituel pour l'époque va se perpétuer en grande partie dans les monothéismes ultérieurs, c’est une évidence.
Dans l'Avesta, on parle de " daena ", qui donnera le mot " den " puis " din " ; c'est la religion ou plus exactement le corps de croyance en l'âme qui touche au transcendant. Certains linguistes pensent d'ailleurs que le mot arabe " din " aurait cette origine et non pas la racine sémitique " dyn ", juger. Les "djinns" sont dans l'Islam des êtres "créés de feu" comme le note le Coran dans sa sourate Ar-Rahman, le "tout-miséricordieux", un nom désignant des créatures ou esprits surnaturels, Ar-Rahman étant un nom qui rappelle fortement le terme persan d'Ahriman et ramènerait à la 1ère conception de ces êtres ?
Le mazdéisme connaît l'existence d'un clergé, les mages, qui, comme dans le judaïsme, est le fait d'une tribu ; ceci est caractéristique d'un monde indo-européen qui divise les populations en castes aux fonctions sociales déterminées. Il est peut-être d'ailleurs utile de rappeler que les Judéens, le peuple juif, forment un peuple hétérogène avec des racines non seulement sémitiques mais aussi indo-européennes (cf. Ezéchiel). Les mages, qui ne s'occupaient pas principalement de magie et de divination, développaient une si haute spiritualité à ce point reconnue dans le Moyen-Orient de l'époque que les évangélistes chrétiens ont cru bon de s'y référer comme témoins de la naissance de Jésus. St Matthieu voit bien dans ces « rois mages » probablement des prêtres zoroastriens et non pas de simples rois selon une enjolivure très médiévale. Leur venue aux pieds de Jésus pouvant alors signifier théologiquement non seulement l’affiliation mais aussi l’allégeance du vieil monothéisme iranien au nouveau incarné dans cet enfant.

Le mazdéisme a enfin la notion d'un ordre cosmique. Le temps est divisé en douze millénaires avec quatre périodes de trois mille ans ; à la fin de la quatrième période, Zoroastre doit réapparaître sous la forme du " sauveur " qui amène le règne vainqueur d'Ahura Mazda. Ceci peut expliquer en partie le côté millénariste islamiste du chi'isme duodécimain qui a pris, progressivement, la place du mazdéisme et qui se caractérise par l'attente du retour de l'Imam caché. Dans le judaïsme c’est l’attente du Messie dont nous avons eu l'occasion de parler longuement quand dans le christianisme celui-ci est déjà venu, c’est Jésus bien sûr, et l'on en parlera longuement aussi.

En conclusion :
Ce très court et non exhaustif aperçu de la religion de Zoroastre montre combien cette doctrine a influencé les monothéismes qui lui ont succédé. Rappelons brièvement :
- l'Avesta est le livre révélé par Dieu;
- l'apparition des anges qui sont les intermédiaires entre Dieu et les hommes (cf. le large développement sur les anges et les démons page mythologie dédiée);
- l'existence de démons qui conduisent les hommes vers le mal;
- le jugement après la mort, conduisant soit à l'enfer, au purgatoire ou au paradis;
- l'immortalité de l'âme et la résurrection des corps à la fin des temps;
- l'établissement d'une éthique à suivre;
- la liberté du choix de l'homme qui dirige son destin vers le bien ou le mal.

Plus importante encore est la théorisation du mal et de la culpabilité des hommes qui se laissent entraîner par ce " Mal ". Cette vision induit la notion de péché qui va tellement influencer la vie des adeptes des religions monothéistes postérieures et conditionner leur comportement social et religieux. Cette notion de péché est également un ferment d'intolérance car peut-on, dans cette optique, pardonner à celui qui choisit délibérément ce qui est considéré comme " mal " ? Vaste question toujours actuelle, source de tant de conflits...et de maux.
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