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Le Wiki des AMIELs DENYS AMIEL, ECRIVAIN DE THEATRE:
-1- Denys Amiel est né le 5 Octobre 1884 à Villegailhenc, près de Carcassonne, dans l'Aude, dans une vieille famille de gens de robe, fonctionnaires et propriétaires terriens ayant eu le goût des lettres et des arts dans une grande maison familiale héritée par sa mère.André Amiel, son père, était originaire de Béziers apparemment, compositeur de musique et organiste de l'église de son village, sa mère, Augusta Amiel-Lapeyre écrivit deux recueils de poèmes et pensées (voir notice). Il fit ses études supérieures au Collège des jésuites de Toulouse, "le Caousou" puis à Cannes et enfin à Paris, à la Sorbonne et à la fac de droit où il obtiendra sa licence. Denys commencera par être le secrétaire d'Henry Bataille sur lequel il écrivit un essai en 1912 (voir ci-après). Il eut sa résidence parisienne rue de l'Assomption dans le XVIème et à la campagne une propriété près de Gambais (78) nommée "Les Chaumes". Amiel se retirera sur la Côte d'Azur, à La Gaude.
Issu d'une famille qui pratiquait donc l'art sous diverses formes (musique, poésie), il commencera sa carrière de dramaturge en écrivant des pièces qui, tout en restant dans la ligne traditionnelle du théâtre de boulevard, utilisent la technique du silence expressif dont il tire des effets subtils.
L'auteur s'est imposé au théâtre en écrivant avec André Obey une tragi-comédie bourgeoise "La souriante Mme Beudet" en 1921, jouée à l'Odéon, dans laquelle l'héroïne, mariée à un homme vulgaire cache longtemps sa détresse, cède un moment à une pensée criminelle, puis, contre toute attente, se réconcilie avec son époux à la faveur d'un malentendu. Cette pièce qui fut son plus grand succès fut créée par la troupe du 'Canard Sauvage' en 1921 et elle est entrée maintenant au répertoire de la Comédie Française, consécration magistrale.
Son théâtre relève du genre psychologique intimiste; avec Vildrac et Géraldy il est un des meilleurs représentants de cette esthétique intimiste, recourant à un dialogue bref, dont les répliques, souvent insignifiantes en apparence, révèlent la vie secrète des âmes.
Après le triomphe initial avec Obey, Amiel devient un auteur à succès de ce boulevard qui flirte avec l'avant-garde et le dramaturge sera attitré du Théâtre Saint-Georges à Paris où il sera joué quasi sans interruption tant ses succès furent longs et nombreux (cf. Dict. de la Litt. Française de Bouren & Rousselot). Humaines et vraies, ses pièces écrites dans un style nerveux, simple et géométrique, sont des études de psychologie familiale et sociale (Grand Larousse Encyclop. vol. I, 1960).Il analysera dans ses oeuvres les divergences sentimentales entre générations ("Décalage" 1931, "La femme en fleur" 1935), décrira la passion de l'indépendance chez une jeune fille moderne ("Ma liberté" 1936) ou montrera les aspects nouveaux des relations entre parents et enfants ("Famille" 1937).
Son oeuvre se rattache à l'esthétique de l'inexprimé même si, pour lui, cependant, "garder le silence ne signifie pas se taire", ses personnages parlent souvent beaucoup.
(=> "Manuel des études littéraires françaises" Vol. 2 P.G. Castex, P. Surer & G. Becker, Hachette Paris 1963).
-1b- Il semble avoir été chaudement soutenu par Henry Bataille pour ses débuts. C'est du moins ce qu'il ressort d'un commentaire journalistique publié à l'occasion de la première représentation de sa toute 1ère œuvre, "Près de lui" (le 24 Février 1912), pour laquelle le journaliste fait confiance à l'opinion du célèbre écrivain et le cite : "il y a dans ces quatre actes beaucoup d'excellentes choses, d'excellentes dispositions, de précieuses promesses". En effet ce fut un heureux présage pour la suite.
(=> "Le Figaro" n°57 du 26 Février 1912).
-2- Denys Amiel est, en 1926, l'aîné des jeunes auteurs dramatiques. Il a su s'écarter un peu de la voie suivie par ses devanciers et ouvrir des voies nouvelles. Il se rattache à la tradition du théâtre libre par son réalisme, l'intérêt porté à la vie des humbles et au quotidien.
Dans "Café-Tabac" c'est une vraie tranche de vie, sans intrigue, simple tableau d'un petit café parisien de l'entre-deux-guerres. Il y a chez lui un frémissement, une émotion contenue qui ne se trouvait pas dans le théâtre libre. Il voit les humbles dans leur profondeur, avec l'idée d'une vie double, banale au dehors, mystérieuse en dedans, se rattachant par là à la tradition d'Henri Bataille. A cet égard "Le Voyageur" est une pièce très significative mêlant maîtresse, amant, mensonge et jalousie, où bien des choses rappellent la manière brutale d'Henri Bataille, son dialogue volontairement brutal, troué de couplets lyriques et pailleté de phrases précieuses.
Sensibilité profonde mais aussi observation aiguë: Denys Amiel sait fixer un moment dans l'évolution de la psychologie et des mœurs; par exemple dans "Le couple", véritable chef d'oeuvre où il a marqué la nuance de désir, la curiosité malsaine qui saisit les êtres par ailleurs sincèrement épris, quand ils sont cultivés et vivent dans un milieu facile. Amiel reprend là le thème de l'inégalité de l'homme et de la femme devant la faute. Et à mesure que l'action se déroule, l'étude psychologique gagne en profondeur. Ce n'est pas finalement un couple de parisiens cultivés au lendemain de la 1ère guerre mondiale, ce sont des êtres de tous les temps qui se débattent sous l'empire de l'amour et de la douleur.
Denys Amiel a fouillé plus avant qu'on ne l'avait fait avant lui. Il marche en-tête de sa génération. On garde de lui une quarantaine de pièces qui eurent non seulement les honneurs de la scène, mais encore ceux de la radio et de la jeune télévision! Ses oeuvres ont fait l'objet d'une édition en 12 volumes chez Albin Michel et plusieurs d'entr'elles (outre son plus grand succès) ont été créées ou reprises à la Comédie Française.
(=> d'après l'article de L. Lemonnier in "La grande revue" d'Août 1925 in "Chroniques des Lettres Françaises" n° 20 Mars 1926 Paris).
Enfin il fut aussi traducteur et adaptateur : "Cette nuit-là" et "Tuzmadar" pièces de Lajos Zilahy; préfacier : "Les spectacles à travers les âges", "Retour à la ruche" de Pierre Amiel (son frère), "Pensées sauvages" de sa mère Augusta.
Il décèdera à La Gaude, domaine de La Condamine (06) le 8 Février 1977; le chemin bordant son lieu de résidence dans cette commune porte son nom.
-3- Le docteur Jean Girou, écrivain régionaliste, amoureux de son Aude, tout comme sans doute Bataille et Amiel, a publié en 1930 (chez Arthaud) un livre sur "Carcassonne, sa cité, sa couronne", la ville étant séparée en deux entités bien distinctes : la ville basse désignant le bourg fondé par Louis IX par opposition à la ville haute, la Cité située sur l'acropole carcassonnaise au pied de laquelle coule le fleuve Aude, séparant ces deux entités. Il y dédie un article à Denys Amiel, celui intitulé "Carcassonne, ville basse" dans lequel il parle de la ville bourgeoise aux rues orthonormées, ponctuées d'hôtels particuliers, commerçante et sérieuse, en rien d'esprit occitan: Son calme et sa réserve lui font penser à l'oeuvre de Denys, le voisin de Villegailhenc, "faite d'intimité, à cette curieuse recherche du "théâtre du silence" composé d'émotions inexprimées et de pathétique quotidien". Le Dr Girou était le correspondant local le la Société des Gens de Lettres et il suivait de près la vie littéraire audoise qui fut riche à son époque; dans une notice sur les publications des auteurs de son terroir édités "A la Porte d'Aude" (et ils sont nombreux alors, une cinquantaine environ!) il y a bien sûr Denys, et sa mère. En 1932, pour présenter le recueil d'Augusta il commence par la référence incontournable à son fils Denys, "l'auteur dramatique et le bel écrivain bien connu, successeur d'Henry Bataille, qui a fait applaudir cette année "Décalage" au Théâtre St Georges". Les deux hommes signeront tardivement un livre commun "Monsieur le Grand" publié en 1965 aux Ed. du Collège d'Occitanie.
-4- Une liste (non exhaustive) de ses pièces : 1920 : La Souriante madame Beudet, écrit avec André Obey; 1925 : L'Homme d'un soir, comédie en 3 actes & 4 tableaux écrit avec Charles Lafaurie, Théâtre Fémina ; 1931 : Décalage; 1932 : Trois et Une ; L'Age du Fer à la Comédie Française; 1934 : L'Homme ; 1935 : La Femme en Fleur, pièce en 3 actes au Théâtre St Georges; 1936 : Ma Liberté; 1937 : Famille co-écrit avec sa fille Monique Amiel-Pétry, au Th. St Georges; 1939 : La Maison Monestier ; 1946 : Le Mouton Noir , comédie en 3 actes au Théâtre de Paris ; 1961 : Confession.
(=> "Dictionnaire du Théâtre Français Contemporain" Alfred Simon; Lib. Larousse, 1970).
Aussi : Les naufragés - L'Âge du feu 1956; La dormeuse éveillée 1949; L'Homme 1934; Pol Quentin. La liberté est un dimanche 1952; Le nouvel amour 1948; Mr et Mme Untel 1926; Les pétards 1951; Tchin-tchin; Elle .. et elle; Café-Tabac 1925;
Et encore : Près de lui; Le Joueur 1931; le Couple; Le Voyageur; L'Engrenage 1928; L'Image 1928;La Carcasse; Duplicata....
-5- Denys Amiel fut Vice-Président de la Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques; c'est en cette qualité qu'il prépara un discours à Mr Louis Lumière, l'inventeur avec son frère Auguste, du Cinéma, pour son Jubilé le 6 Novembre 1935. Il lui fut décerné le grade d'Officier de l'Instruction Publique en 1932. Il fut aussi le Secrétaire Général de la Confédération Internationale des Sociétés d'Auteurs. Très actif sur le plan international avec les Etats-Unis, il fonda et dirigea pendant quelques années "La France: An American Magazine" premier organe de 'propagande ' française aux Usa de 1917 à 1919, alors que les armées de cette grande nation venaient de se joindre aux combattants de la 1ère Guerre Mondiale pour enfin écraser les allemands. Tout en délivrant un message culturel contemporain très complet, sur la littérature, le théâtre, le cinéma français et les arts en général, Denys Amiel y écrivit aussi des articles sur la civilisation de la vieille Europe, sur la France et son histoire, sur l'actualité du 1er conflit mondial puis sur la nécessaire reconstruction d'après-guerre. Il livra enfin des traductions d'extraits d'œuvres littéraires (de Marcel Proust par exemple), dans cette vitrine française publiée sous l'égide de la mission culturelle de l'Ambassade de France aux Usa. En 1950 il écrivit une pièce radiophonique, genre très suivi alors que la télévision n'avait pas encore beaucoup envahi les foyers, "Vivre ensemble", tout un programme de nos jours ! mais dont on était bien loin alors.
-6- Enfin il s'essaya au cinéma en écrivant les dialogues et en participant au scénario de l'adaptation de sa pièce "Trois et une" qui devint le film "Romance à trois" en 1942. Bien auparavant en 1923, son premier grand succès, "La souriante Madame Beudet" fut porté à l'écran par l'une des rares réalisatrices d'alors Germaine Dulac. Quelques mots sur ces deux films.
* Commençons par le plus ancien, "La souriante Madame Beudet" narre la vie ordinaire d'une bourgeoise de province. C'est encore un film muet, long de seulement 23 mn, dans lequel la réalisatrice donne là une des oeuvres les plus importantes, les plus achevées et sans doute la plus significative de ce que l'on a appelé l'Avant-Garde moderne de l'école dite "impressionniste" du cinéma, bien que souvent considéré comme un film expérimental. Deux aspects principaux sont à remarquer dans cette réalisation : L'utilisation quasi-permanente de toutes les ressources techniques d'alors et le truchement de procédés exclusivement visuels donnant l'impression voulue pour chaque sentiment évoqué (on sait que le trucage fut inventé par le génial Méliès); la proclamation du sentiment féministe de Germaine Dulac ensuite, faisant considérer ce film comme le premier film féministe de l'histoire du cinéma; un film qui influencera de nombreux cinéastes comme Salvador Dali ou Marcel Lherbier. Mme Dulac dit d'ailleurs elle-même que ce film est l'un des plus importants qu'elle ait tourné et l'un de ceux où elle a mis le plus d'amour (cf "L'influence de la peinture dans les débuts du cinéma" article de A. Cappelier du 20/04/2012 paru sur le site internet de WordPress.com). L'aspect oppressif de la mentalité bourgeoise est rendu à travers de nombreux non-dits, des silences expressifs; la vie intérieure de cette femme qui ne sourit pas beaucoup est rendu par l'articulation d'images subjectives et d'effets techniques nombreux et variés adaptés à chaque situation de l'histoire. Ces effets techniques 'parlants' sont de plusieurs ordres: ralentis, accélérés, gros plans, flous en bord d'image, images-doubles, suggestions visuelles et sonores, prismes déformants etc... C'est une véritable symphonie visuelle inspirée par l'école dramatique française de l'époque et sa "théorie du silence" complètement adaptée au cinéma muet (cf Ciné-Magazine du 11 Juillet 1924); et en même temps une sacrée critique de la vie conjugale petite-bourgeoise de province, complètement machiste, décrivant en termes très modernes "l'incommunicabilité du couple". Ce film a été projeté pour la première fois le 9 Novembre 1923.
* "Romance à trois" qui sort sur les écrans en pleine 2ème guerre mondiale est lui un film parlant, les films sont sonores depuis les années 1930. Et Amiel ne va pas ici se contenter de voir l'une de ses pièces mise en film, il va participer à l'écriture de ses dialogues adaptés pour le cinéma. Il est parmi les tout premiers avec Marcel Pagnol à collaborer ainsi à une production française de films parlants (cf. revue Cinéa Vol. 1, n°6-7 de Sept. 1930). L'adaptation pour le grand écran arrivant 10 ans après la pièce tiendra compte de l'évolution des mœurs de l'entre deux guerres. Dans la pièce c'est encore la virilité masculine qui a le dessus, dans le film c'est la 'vamp' cynique faisant souffrir les trois frères qui prendra les devants en s'éclipsant de son hôtel au moment où l'élu des trois viendra la trouver pour des explications (cf "La drôle de guerre des sexes du cinéma français: 1930-1956" G. Sellier, N. Burch; Fac. Cinéma, Nathan, 1996). A noter que le rôle masculin de l'élu est tenu par un grand de l'époque, Fernand Gravey, le rôle de l'un des deux autres frères fut confié à un tout jeune Bernard Blier (25ans) et la musique est d'un compositeur bien oublié de nos jours mais célèbre alors, Vincent Scotto. La durée de cette comédie est de 1h38 et la sortie est datée du 17 Juin 1942, en pleine occupation allemande.
-7- Sa descendance : Marié à Cécile ils eurent une fille, Monique; celle-ci se maria avec Jacques Petry, un industriel parisien, d'où son nom d'Amiel-Petry. Ceux-ci auront trois enfants dont Dominique Amiel-Petry, architecte bien connu dans les Alpes-Maritimes. Dominique Amiel-Petry s'installera comme son grand-père Denys à La Gaude, non loin de la rue dédiée à ce dernier et sera le père de Tanaquil Huchet-Petry (Huchet étant le nom de son épouse). Tanaquil bien qu'encore jeune, est déjà une peintre célèbre, exposant à Londres, Paris, New-York; douée aussi pour le cinéma, elle a travaillé chez Columbia, à Londres puis à Paris. Ceci pour vous montrer comment le nom Amiel s'est perdu dans cette famille : L'attribution du nom patronymique composé des deux noms des père et mère, autorisé depuis une loi somme toute assez récente, a fait passer ce nom, successivement, à chaque génération, d'Amiel à Amiel-Pétry, puis à Huchet-Petry, en raison du choix systématique qui a été fait chez eux de ne conserver pour la génération suivante que le nom du père. Si l'on ajoute à cela le fait que Denys avait définitivement quitté la région audoise de ses origines, on a avec ces Amiel un exemple de bouleversement dans ce qui a fait pendant des siècles le socle de nos racines, la stabilité; stabilité patronymique et stabilité géographique, mais il est vrai que nous vivons maintenant dans une société qui bouge beaucoup, beaucoup trop peut-être...
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