"Si la gloire donne du prix à la vertu, elle ne saurait périr. Sans doute les propos de la postérité ne nous toucheront point, mais bien que nous n'y soyons plus sensibles, on nous honorera plus tard, on parlera de nous". Sénèque, Lettres 79, 14-17.

En guise de préface
Nous abordons ici une deuxième grande période pour notre nom et cela mérite une entrée en matière. Les députations étrangères étaient reçues à Rome au Sénat, exactement comme on le fait encore dans nos démocraties modernes pour les chefs d'état en visite officielle. Et comme de nos jours on se plaisait parmi le peuple à venir voir sur le Forum ces gens venus des quatre coins de la terre (enfin plutôt des pays autour de la méditerranée), des grecs, des asiatiques, des égyptiens, des illyriens, des gaulois aussi bien sûr, avec chacun leurs costumes étranges, et chargés de dons pour le Sénat surtout. L'on en vient à construire pour les accueillir et surtout pour les voir, comme en un défilé de mode de nos jours, un édifice particulier nommé la Grécostase que l'on plaça près de la Curie dont il forma la salle d'attente ou le vestibule. "In loculissimo loco", 'dans ce summum des lieux' qui n'était pas un endroit fermé, surtout pas, c'était une véritable plate-forme surélevée exposée aux regards pour assouvir la curiosité, pleine d'intérêt et d'enseignements, un spectacle enfin. Ainsi allons-nous, nous aussi, voir défiler les personnages de l'antiquité que nous ne connaissons souvent plus si tant est que nous les ayons côtoyés dans nos études, en un véritable défilé historique des plus révélateurs de la politique comme de la société romaine sur près de mille ans.

INTRODUCTION A LA LATINITE ROMAINE ET AUX AEMILII de la REPUBLIQUE :
Préambules :
- Avant Rome :
Il y eut avant Rome d'autres empires; les empires Assyrien, Mède, Perse et Macédonien selon les auteurs antiques et c'est chez eux un topos que de mettre Rome en cinquième position. Ce modèle d'interprétation de l'histoire universelle (occidentale) faite par Denys d'Halicarnasse dans le dernier demi-siècle qui précède notre ère est repris d'auteurs bien plus anciens, d'Hérodote en particulier qui vivait au Vème S. av. J. C. Ce modèle ressort au IIème S. lorsque la puissance romaine s'affirme nettement en Méditerranée, le grec romanisé Polybe plaçant même Rome au-dessus. Puis un certain Aemilius Sura, dont le témoignage nous est connu par Velleius Paterculus (I 6,6), énumère cet enchainement des empires qui met Rome en position ultime, couronnant le cycle et en constituant la perfection finale.
-La datation à la romaine :
Nous voici emportés dans un nouveau flot de l'histoire, et pour une aussi grande période de l'histoire des hommes que la précédente. Avec ceci en plus, la datation, un élément essentiel il me semble lorsque l'on parle du passé; on a beau ergoter sans fin, sans la datation il est bien difficile de situer les évènements, leurs liens entre eux qui dépendent de leur succession et de leur enchaînement le plus souvent. De plus lorsqu'il est nécessaire d'avoir recours aux vieux historiens, tous avant le XIXème S. n'utilisent que cette trame pour "raconter" l'histoire, souvent il est vrai en l'enjolivant ou en la minimisant, en mettant en avant ou en sourdine ce qui avantage ou désavantage leur discours; il suffit finalement d'en être averti pour mieux l'intégrer dans notre façon de "faire voir" cette histoire a nos contemporains, de naviguer sur ses flots souvent tumultueux.
Et s'il est une nouveauté pour cette période relativement encore lointaine, c'est bien celle de la datation; bien sûr il y a eu auparavant les Egyptiens, et les autres peuples du Moyen-Orient, puis les Grecs, tous férus d'astronomie, qui ont su compter le temps, tout comme d'autres peuples dans le monde...Mais peu de ces peuples ont daté leurs débuts et constamment les grands faits de leur histoire; les romains l'ont fait (à travers les Fastes notamment), et n'ont pas cessé ensuite de veiller à dater tous leurs actes, les évènements marquants de leurs politiques et de leur société, leurs monuments, etc...
Naissance de Rome :
Et tout commence pour eux, selon le décompte de notre calendrier, le 21 Avril -753 . C'est à cette date qui pour eux est celle de la naissance de leur nation qu'a été fixée arbitrairement l'action décisive de Romulus, creusant le fameux sillon avec une charrue, en forme de ligne fermée, délimitant ainsi la ville de Rome pour plusieurs siècles; c'est à cette date que commence leur (longue) histoire, et comme dit l'autre, "Quelle histoire!" Tout sera dès lors situé dans leur temps d'après cette date initiale, premier jour de la première année du premier siècle de l'existence de Rome, c'est la date AUC "Ab Urbe Condita" soit "à partir de la fondation de la ville".
Le premier site de Rome va se développer et s'organiser sous l'action de ses rois successifs jusqu'en -509 où le dernier roi Tarquin le Superbe sera renversé et la République instaurée, par son assassinat commis par un certain Brutus (ce qui rappellera un peu plus de quatre siècles et demi plus tard, un autre Brutus, assassin d'un certain César). Et là on commencera à voir la famille aemilienne, dont notre nom tire une de ses origines, se positionner assez rapidement comme l'une des plus grandes 'gens' et peu de temps plus tard, l'une des nouvelles tribus de la Rome républicaine.
Les bases de la République Romaine :
- Sur le plan politique :
Polybe, le grand historien de la fin de cette époque a résumé en quelques mots comment fonctionnait la république : "Si nous fixons notre attention sur le pouvoir des consuls le gouvernement apparait tout à fait monarchique...Si nous considérons le pouvoir du Sénat, il parait être aristocratique, et enfin si l'on observe le pouvoir du peuple, il semble être nettement démocratique." Ainsi pour lui, ces trois formes de gouvernement très différentes peuvent coexister et amenant un parfait équilibre, ce dont il se félicite. Mais en réalité c'est le pouvoir central du Sénat qui l'emporte; ses prérogatives sont bien supérieures à celles du peuple d'un côté et des deux consuls de l'autre. D'ailleurs sous l'Empire, le Sénat sera réduit à une chambre d'enregistrement des décisions impériales, car le système républicain ne sera pas pour autant aboli, du moins formellement.
- Sur le plan moral :
Les relations sociales et la conduite individuelle des citoyens respectaient dans les premiers siècles ce que l'on appelait le "mos maiorum"; on tenait à suivre les "mœurs des anciens", ensemble de règles de vie qui reposaient sur sept fondements : la fides (loyauté, confiance et réciprocité, fidélité et foi), la pietas (dévotion religieuse et patriotique), la majestas (dignité, conscience de supériorité de la culture romaine), la virtus (propre au citoyen romain, très importante, courage et sens politique ici), la gravitas (règles de conduite respectant la tradition et autorité), la constantia (stabilité des décisions individuelles), la frugalitas (modestie et tempérance). La pratique de ces mœurs était contrôlée par les Pontifes puis, dans les derniers temps sera intégrée dans le droit romain devenant le "jus maiorum" le droit des anciens, que le 1er empereur Auguste mettra au 1er plan pour redorer le blason romain, blason terni par les guerres civiles qui endeuilleront les derniers temps de la république.
Aemilii, nom de gens :
La gens est durant l'antiquité romaine, l'unité familiale et sociale par excellence. Nommée d'après le nom d'un ancêtre réel, probable ou plus souvent mythique, nom transmis uniquement de manière patrilinéaire ou agnatique, la gens sera soit d'origine prestigieuse et noble (patricienne) soit d'origine ordinaire mais tout autant citoyenne (plébéienne). Les unes devront souvent composer avec les autres pour assurer la vie et l'avenir de la République Romaine. On verra dans la page suivante ce qu'il peut en être pour asseoir la légitimité de ces 'gens' quant à l'histoire de leurs origines mais le terme de gens couvre une acception qui dépasse largement celui de la simple famille telle que nous la connaissons dans nos civilisations depuis des siècles; il s'agit alors dans ces temps-là de véritables clans familiaux, d'une parenté étendue à plusieurs branches familiales (le nom de famille suit dans la patronymie le nom de la gens) ainsi qu'à des personnes affidées ou affiliées qui les entourent, les soutiennent quand cela est utile ou nécessaire et qui, en contrepartie en tirent bien entendu un bénéfice, protection, des aides en retour. Sans être similaire le système social féodal de l'ancien régime peut y faire penser au moins par l'échange de 'services' entre le seigneur et ses paysans, entre travail, production et protection, sans oublier le poids de la religion. Ce nom de gens est véritablement le marqueur essentiel de tout citoyen romain; il oblige celui qui le porte à obéir au "pater", chef de sa gens, à effectuer les rites sacrés qui sont propre à celle-ci. L'histoire particulière, mythique ou pas, propre à chaque gens, lie tous ceux qui lui sont attachés, dont celle concernant les origines, et nous verrons que la référence à l'ancêtre supposé est difficile à cerner dans la gens Aemilia tant le besoin de légitimité parait avoir été essentiel pour eux mais seulement vers les débuts de l'Empire, alors que la société subissait une véritable révolution politique; l'histoire réelle, celle-là, des Aemilii de la République ne suffisant pas (ou plus) à les assurer de continuer à participer au gouvernement de l'état ou tout au moins à rester proche des nouveaux maîtres de la nation romaine.
Aemilii, un nom de Tribu :
Les tribus romaines sont une organisation capitale pour la vie démocratique. Elles sont créées par le roi Servius Tullius et ne concernent au début évidemment que la ville de Rome et la campagne alentour du Latium; des 3 originelles (Sabins, Etrusques et Ramnes du Latium) on fit 4 tribus pour la ville (tribus urbaines) et 10 tribus pour la campagne (tribus rustiques). Les conquêtes de la République des peuples de la péninsule vont nécessiter l'augmentation des dernières nommées. La loi Publilia de -471 va permettre la création de nouvelles tribus; la 1ère de cette extension fut la tribu Aemilia qui sera créée dès -467, ce qui indique une certaine puissance de ces Aemilii dès cette époque-là; en -241 il y aura 31 tribus rustiques mais le nombre de tribus urbaines restera à 4. Désormais ce sont les territoires de ces tribus qui augmenteront et non plus leur nombre; la tribu Aemilia sera bien présente en Romagne et Cispadane (cf. "Aemilia tribuim descripta" A. Donati, Fratelli Lega Ed. , Faenza, 1967, la Romagne sera jointe à l'Emilie, la province Aemilienne) et dans les villes plus ou moins éloignées de l'immense empire en constitution. Pourquoi une telle importance et à quoi servaient-elles ? La vie démocratique exigeait des élections; c'est le moyen d'organiser juridiquement, politiquement et pratiquement les multiples votes qui rythmaient cette vie, elles servaient administrativement aussi aux recensements des citoyens tous les quatre ans, à l'établissement de l'impôt et sans doute aux questions d'équipements publics un peu comme encore de nos jours !
Résumé des principaux Aemiliens de la République :
Parmi les études historiques consacrées à la gens Aemilia durant sa période faste, celle de la République, citons un exemple, celui du mémoire de maîtrise d'arts en latin dénommé "A study of the gens Aemilia in the Roman Republic" de K. L. Lamb, présenté au College of Arts & Sciences - Graduate School, de la Syracuse University en 1939. Nous ne ferons pour notre part que survoler ce vaste sujet.
C'est en effet au début du Vème S. av. J. C. (toutes les dates concernant la République sont avant J.C.) que certains membres de la gens Aemilia, famille patricienne romaine, commencent à jouer un rôle dans l'histoire de la Rome devenue républicaine après l'éviction de son dernier roi Tarquin le Superbe en -509. Beaucoup d'Aemiliens occuperont les fonctions prestigieuses de Consuls, Dictateurs Militaires, Sénateurs...seront de grands généraux vainqueurs de plusieurs peuples italiques, puis de peuples extérieurs à la péninsule durant les près de cinq siècles que durera la République Consulaire. Pour résumer ce qui suit en détail sur la grande famille des Aemilii, un survol de quelques uns de ses membres éminents et de leur action, de la trace qu'ils ont brillamment souvent laissée, me semble utile.
Comme beaucoup de gens majeures, la gens Aemilia eut avec le temps plusieurs branches familiales; les principales furent les Lépidi, (plus connus à la fin de la République et débuts de l'Empire), les Mamerci (dont elle tire selon des auteurs antiques son origine), les Pauli (dont le nom se perpétuera longtemps, devenant par un certain apôtre un prénom très courant encore de nos jours), et les Scauri (dont plusieurs membres furent éminents et l'un très riche). Si l'on considère l'apparition de chacune de ces branches, les premiers sur la scène sont les Mamerci ou Mamercini qui sont les seuls Aemilii jusqu'au IVème S. av. J.C puis vient celle des Pauli qui s'éteindront avec le plus grand, Aemilius Paulus Macedonicus. Il y aura quelques Barbulae ou Papii, ensuite surtout les Scauri et enfin les Lepidi, ces derniers subsistant tant bien que mal dans le 1er siècle de l'Empire, jusqu'au règne de Caligula. (cf. "Les origines du Sénat romain" M. Bloch).
1 Les historiens modernes mettent en avant celle des Lépidus, et parmi ses membres, quatre en particulier dont le nom reste attaché à l'histoire des guerres civiles qui ruinèrent la République. Cette triste période pour la latinité ouvrit la porte à la période plus connue parce que bien plus diffusée, de l'Empire; pourtant tous les fondements de l'état latin sont dans l'histoire de cette seconde période romaine, la République. Du premier des Lépides et qui fut consul en -285 on est très mal renseigné en raison de la perte de la 2ème décade de Tite-Live qui nous prive du récit continu des évènements d'alors. On sait qu'il connut pas moins de trois guerres contre les Samnites et sans doute le début du conflit avec Carthage, début des fameuses Guerres Puniques; son consulat se situe entre la fin de ces guerres Samnites et le début de la lutte contre Pyrrhus, roi d'Epire. A la fin de la république il faut noter Marcus Aemilius Lépidus qui, sans avoir été un grand général, fut au 1er tiers du Ier S. un grand orateur, admiré par le non moins grand Cicéron qui est une référence en la matière alors. Un autre du même nom après avoir été l'allié de Sylla, embrassera la cause du parti populaire et, à la mort de celui-ci, appellera les italiens d'Etrurie à la révolte contre l'oppression romaine ! Un saint homme comme dirait Jacquouille s'il avait été romain. Mais il sera battu à la course au Consulat par un certain Pompée et s'exilera en Sardaigne où il mourra en -77. Laissant deux fils, le 1er Paulus Aemilius Lépidus regagne le parti sénatorial et soutiendra Cicéron dans sa fameuse lutte contre Catilina dont le procès fit grand bruit à Rome, en -63. Le Sénat voulut le gratifier en lui offrant un poste dans ses rangs, mais il se laissera séduire par César et changera de camp! Ce qui ne l'empêchera pas, à la mort du dictateur éphémère, de revenir vers le parti des sénateurs et de voter même le bannissement de son propre frère Marcus. Mais inscrit sur la liste des proscrits, sorte de Terreur de ces temps incertains, il s'enfuiera et mourra en exil à Milet. Marcus quant à lui fera alliance avec Marc-Antoine et Octave, ce sera le Second Triumvirat, après avoir été Consul en -46, et avoir été en charge comme Gouverneur, de la Narbonnaise et de l'Espagne Citérieure (peut-être devons-nous à ce haut personnage l'une des précoces diffusions par admiration et imitation, de notre nom, sous sa forme latine bien entendu). Au Triumvirat il n'aura en charge que l'Afrique et s'y établira en -36 (de nombreux Aemilii autochtones ont été relevés par l'épigraphie dans cette frange de l'Afrique du nord). Il essaiera d'arrondir son territoire en pénétrant sur les terres de Pompée, en Sicile, mais Octave lui imposera la soumission à sa volonté, lui laissera la vie sauve et lui permettra de conserver sa dignité de Pontifex Maximus, la plus haute fonction religieuse romaine, essentielle à la vie des romains. Finalement il s'exilera à Circei où il mourra en -13. L'un de ses deux petits-neveux fut jugé "capable de gouverner l'empire" car la forme traditionnelle de gouvernement consulaire aura alors vécu (Tacite, Ann. I, 13). Désormais ce sera l'Empereur qui tiendra la haute charge de pontife, jusqu'à ce que l'un d'eux tardivement la transmette au Pape des chrétiens installé à Rome, le Souverain Pontife ne s'occupant plus alors des "ponts", radical à partir duquel le nom de pontifex soit 'qui fait les ponts' avait été forgé mais on pourrait aisément dire que par analogie, ce nouveau pontife chrétien a pour mission religieuse d'établir des ponts lui aussi mais des ponts entre les hommes, des relations fraternelles, belle métaphore linguistique.
2 La branche Mamercus étant la plus ancienne a aussi la plus prestigieuse des origines; elle se distingue déjà aux V et IVèmes S. au cours de la conquête des territoires de la péninsule de l'Italie et de la soumission des peuples autochtones de la botte. Le tout premier Aemilien qui ait laissé des traces historiques fut Lucius Aemilius Mamercus, premier Consul de la lignée en -484, un quart de siècle seulement après les débuts de cette période. Il sera à nouveau Consul en -478 et encore en -473, ce qui est déjà remarquable; lors de son 1er consulat il sera le vainqueur des Véiens et des Volsques (à ne pas confondre avec les Volques, peuplades du sud de la Gaule), ce qui permit de mettre fin à une sédition qui suivit son élection conjointe avec un Fabius qui ne plut pas aux romains; cette victoire permit aussi sa réélection au consulat. Son fils, Tibérius Aemilius Mamercus continuera l'œuvre paternelle, sera Consul en -470 et -467 et distribuera les terres conquises par son père sur les Volsques aux plébéiens (encore un saint homme!). Un autre Aemilius Mamercus dont on ne connait pas le prénom accèdera au Consulat en -438 et obtiendra la charge exceptionnelle de Dictateur plusieurs fois (elle durait chaque fois 6 mois) en -437, -434 et -426: les pleins pouvoirs qu'elle octroyait temporairement permit à cet Aemilius de réduire les communautés de Fidènes et Véies avec l'aide du célèbre Cincinnatus. Quant à Lucius Aemilius Mamercus Mamercinus, trois fois aemilien donc, c'est le dernier et le plus célèbre personnage de cette branche familiale: Il prendra le surnom de Privernas après sa conquête de la ville et habitants de Privernum sur les Gaulois, une victoire incroyable alors et qui eut un retentissement énorme à Rome. Et là ne s'arrêtent pas les exploits de ce fameux général qui, Consul en -341 puis en -329, Dictateur en -335, réclamera (et obtiendra) en -316, une seconde dictature afin d'écraser les Samnites!
3 La troisième branche familiale aemilienne, celle des Paulus, a donné principalement à la République deux Consuls de talent. Le 1er, Lucius Aemilius Paulus, Consul en -219, est nommé à nouveau en -216 avec un certain Varron (il y avait toujours deux Consuls, en principe l'un restant à Rome, l'autre s'occupant de l'extérieur). Malgré l'avis de Paulus, son collègue Varron va engager une bataille qui se révèlera en effet désastreuse contre le trop célèbre Hannibal, à Cannes, au sud de la péninsule; cette défaite fut enseignée dans les écoles de guerre jusqu'au XIXème S. tant elle fut incroyable: les pertes romaines furent considérables, aux soldats morts s'ajoutèrent des dizaines de sénateurs et le consul Aemilius Paulus lui-même ! Car celui-ci refusa de fuir et préféra se faire tuer au milieu de ses soldats, au cours de cette véritable catastrophe nationale, malgré ses avertissements. Son fils Lucius Aemilius Paulus, deux fois Consul, en -181 et -168 défait cette dernière année Persée, le roi de Macédoine à Pydna, permet à ses troupes de piller, comme il est de coutume, soixante-dix villes d'Epire, en Grèce, qui avaient embrassé la cause du successeur d'Alexandre. Cette victoire en Grèce ouvrira enfin les portes non seulement des conquêtes sur l'Orient mais permettra l'introduction bénéfique de la culture grecque chez les latins. Son triomphe d'un faste exceptionnel a été décrit magnifiquement par les auteurs antiques; il recevra le surnom de Macédonicus et meurt en -160. L'un de ses fils sera adopté par la gens Cornelia et deviendra Scipion le Second Africain, il détruira Carthage, revanche pour son grand-père tout en réalisant enfin le vœu du vieux Caton ou plutôt de son épouse. L'autre sera adopté par la gens Fabia et sera l'un des deux premiers à soumettre les peuples gaulois d'au-delà les Alpes, en vainquant les Allobroges dans la vallée du Rhône en -122, il aura pour nom Fabius Aemilianus Allobrogicus (lui aussi a peut-être servi d'exemple édifiant pour la diffusion latine précoce de notre nom dans le Golfe du Lion).
4 La branche des Scaurus ferme la marche aemilienne romaine. Avec elle s'éteindront doucement les Aemilii de la généalogie pluri-séculaire patricienne. Les Scaurus donneront quand même quatre Consuls à la République depuis cet aïeul qui n'était que marchand de charbon (d'après Aurèle-Victor & Valère-Maxime). Marcus Aemilius Scaurus, né en -163, est connu comme orateur et consul; comme diplomate aussi, à son retour d'ambassade il deviendra l'un des représentants du parti sénatorial. Il usera de son influence pour promouvoir des travaux d'utilité publique, comme la restauration du Pont Milvius et la construction de la Via Aemilia Scaura, avant de mourir en-89. Il me faut citer ici ce qui arriva dans cette famille entre le père dont je viens de parler et l'un de ses fils : Valère Maxime (V, 8,4) dit que le père condamna sa fuite car mêlé à la déroute des troupes romaines lors d'une bataille contre les Cimbres, disant qu'il eut préféré le voir mort au combat, et ce fils se suicida! Son fils aîné, Marcus Aemilius Scaurus sera adopté par Sylla puis servira sous les ordres de Pompée en qualité de Questeur dans la guerre contre Mithridate; il accèdera à la Préture en -56, gouvernera la Sicile pendant un an et la pillera (ça se faisait communément!). A son retour, accusé de concussion, il est acquitté grâce à ...Cicéron. Son fils Marcus Aemilius Scaurus, par sa mère, sera le demi-frère de Sextus Pompée : Il le trahira et le livrera aux généraux de Marc-Antoine en -35. Il laissera un fils, de même nom, Marcus Aemilius Scaurus, connu comme orateur et aussi comme poète; il se suicidera en +34 à la suite d'une accusation de lèse-majesté, d'adultère et de sortilège (pas moins) lancée par l'Empereur Tibère (Tacite VI, 29); il est le dernier de sa race (Sénèque, Suasor, 1.56).
Horace a réuni dans une de ses Odes (Ode I, 12) les Regillus, les Scaurus et les Paullus : "A Regulus, aux Scaurus, à Paullus, prodigue de sa grande âme, le jour de la victoire punique, ma Camène avec gratitude rendra un bel hommage" dans laquelle il honore spécialement le père du Macédonique qui laissa sa vie pour Rome le jour de la bataille de Cannes.
Résume des œuvres aemiliennes de la République :
C'est surtout au IIème S avant notre ère, alors que Rome devient une ville importante et riche, capitale de la péninsule italienne que des besoins d'équipements se font sentir. On a vu qu'un Aemilius Scaurus établit une Via sur la côté ligurienne permettant de relier Rome à l'ouest de la plaine du Pô; un Lépide fera la même chose dans la plaine du Pô elle-même, en suivant son cours au pied de la chaîne des Appenins, asséchant les marais situé vers son embouchure sur la Mer Adriatique, créant de nombreuses villes sur son passage, notamment celle qui portera le nom des Aemiliens, aujourd'hui Reggio de Emilia. A Rome ce sera la construction du Pont Aemilius puis de la Basilique Aemilienne sur le Forum Romain, juste à côté du Sénat, l'immense Porticus Aemilius, des villas bien entendu, un palais même par un Scaurus, un quartier d'immeubles de rapport derrière le mont du Capitole, près du Champ de Mars, une école de gladiateurs, des thermes peut-être aussi, pour ne citer que les œuvres les plus emblématiques mais il y eut aussi des temples, des statues... .
En conclusion :
La gens Aemilia rapidement devenue l'une des principales gens incontournables de Rome, puis un nom de tribu aussi ce qui renforce encore son prestige, a eu une aura remarquable durant toute la République. L'inévitable Plutarque résume très bien ce qu'elle représentait durant cette période fastueuse pour eux par cette phrase : Gens Aemilia, seu Aimilia, patricia fuit, antiquissima et clarissima, innumeris dignitatibus domi et militiae decorata, ita ut inter alias fere omnes occuperavit pontificatum maximum, dictatura, consulatus, censuras, magisteria equitum, tribunatus militum eum consulari potestate, demum triumviratum soit à peu près 'La gens Aemilia aussi nommée Aimilia, fut patricienne, très ancienne et clarissime, sa maison fut décorée, honorée de nombreux dignitaires et militaires, de sorte que presque tous furent soit grand pontife, dictateur, consul, censeur, maître de cavalerie, tribun militaire à pouvoir consulaire, ou enfin triumvir' . Sous l'Empire elle sera sous la dynastie augustéenne encore liée à la famille impériale mais ses membres appauvriront alors l'éclat du passé. Il y aura bien un (éphémère) empereur aemilien, encore des consuls de Rome de ce nom mais ils n'ont plus alors la puissance des temps républicains, seul l'empereur fait de sa volonté celle de l'Empire. La seule gloire véritablement durable de cet illustre nom sera de passer chez les colonisés, gallo-romains et hispano-romains pour ce qui concerne notre nom moderne d'origine latine, par imitation aussi via les barbares goths de Septimanie et enfin grâce à la nouvelle religion chrétienne il vivra sous de nouveaux cieux. Là, porté depuis plusieurs siècles déjà chez les peuples conquis autour de la Méditerranée comme nom individuel ou nom de baptême puis adopté comme patronyme, principalement en Italie, Gaule, Belgique, Hispanie et aussi en Afrique du nord (la Maurétanie romaine) voire en Bretagne, il s'épanouira, traduit en plusieurs langues sous la forme romane d'abord, Amelius, puis plus locale d'Amiel dans le sud de la France naissante, qu'elle soit languedocienne ou provençale, voire catalane et dans les autres contrées de l'ouest de la méditerranée déjà indiquées. Ces Aemilius antiques devenus par des voies très sinueuses de modernes Amiel, Amelio et autres Amiell ou Amel etc... sont toujours très présents actuellement dans ces mêmes régions de l'occident méditerranéen, autour du Golfe du Lion, plus de mille cinq cents ans après la chute de l'Empire Romain (en +476), depuis pour le moins deux mille ans !
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