LES AMIEL MARCHANDS D'ART et la CONTREFACON :
LE PATRIARCHE LEON AMIEL SENIOR :
Personnalité majeure du monde de l'art pendant une bonne partie du XXème S., ce personnage fut notamment éditeur de livres d'art dans les années d'après-guerre puis de lithographies de très grands artistes européens. Léon Amiel publiait à Paris et New-York; devenu incontournable dans ce secteur d'édition il fut décoré en France de la Légion d'Honneur et devint le représentant des Editions Larousse aux Usa. Parallèlement il devint le proche de plusieurs artistes modernes, entretenant des relations personnelles d'amitié avec des grands comme Chagall, Miro, Dali ou Picasso ! Il les incita à produire de nombreuses lithographies originales qui furent gravées; il édita par exemple douze gravures de Dali à la pointe sèche aquarellées destinées à illustrer le Cantique des Cantiques (voir partie hébreux) en 1971; c'est encore les Editions Léon Amiel qui éditeront l'Histoire de l'Exode de Chagall auparavant en 1966 ou des œuvres de Vasarely, Giacometti, Picasso, Marino Marini, Buffet, Kandisky. Léon Amiel assurait conformément avec cette pléiade d'auteurs la reproduction originale de leurs œuvres sur des feuilles dûment enregistrées et numérotées, signées par eux.
Pour ce travail éditorial et de reproductions artistiques Léon fonda une maison d'édition de livres d'art "Amiel Book Distributors Corp." puis "Leon Amiel Publishing Inc."; à travers ces compagnies il possédait et vendait une éventail substantiel d'éditions livresques et de lithographies d'art exclusives aux Usa. Léon Amiel Senior meurt en 1988 et il n'a pas été de ce fait touché par les soupçons de fraude qui, parait-il étaient déjà dans l'air dans les milieux spécialisés de la police américaine (cf. New-York Times du 22 juillet 1987). Ce ne sera pas le cas de sa veuve Hilda, de ses filles Katlyn et Joanne et même de sa petite-fille Sarina puis plus récemment de son petit-fils Léon Amiel Junior. Cette longue et importante histoire de faux en matière d'oeuvres d'art réalisées par reproductions lithographiques illicites n'a pas fini de gangréner le marché international étant donné son ampleur en nombre d'œuvres contrefaites et leur dispersion sur tout le monde occidental.
LA CONTREFACON D'OEUVRES D'ART :
Les œuvres d'art non originales, non certifiées par l'artiste, sont une mine d'argent pour les faussaires. Non seulement en ce qui concerne des peintures ou gravures qui peuvent être reproduites à l'infini bien qu'il faille être très habile ou disposer d'un artiste exemplaire dans la copie exacte et de temps, la signature, un numéro d'ordre ou un certificat d'authenticité relevant du b-a-ba. Mais ce n'est rien par rapport à la contrefaçon de lithographies : Dans ce domaine une pierre lithographique est gravée d'après une œuvre originale d'artiste; celui-ci décide avec l'éditeur d'un nombre précis de tirages conformes que lui-même signera, à qui sera affecté un numéro d'ordre dans l'unique série ainsi qu'un certificat d'authenticité correspondant, c'est ce que l'on nomme une "justification de tirage"; bien entendu le prix de chaque exemplaire, de chaque œuvre originale donc, va dépendre non seulement de la notoriété de l'artiste mais aussi de son implication lors du tirage et notamment du nombre de tirages qu'il autorisera et signera; c'est le rapport notoriété / rareté qui déterminera la valeur de chaque exemplaire. Bien entendu une fois tous les tirages effectués et approuvés, la pierre est effacée. On comprendra alors que la tentation de faire signer par avance l'artiste des feuilles "à tirer" vierges voire à faire des tirages en nombre plus grand que ce qu'il voulait (en continuant par exemple à utiliser la pierre gravée théoriquement effacée), voire encore à faire de vulgaires reproductions d'œuvres déjà tirées, soit grande. De plus ce genre de contrefaçon prit pour vitrine d'écoulement en nombre très important des sites de vente en ligne relayés par tout un réseau de revendeurs d'art peu sérieux non seulement aux Usa mais en Europe et jusqu'en Australie.
UN RESUME DE L'AFFAIRE :
Après un premier procès retentissant qui mit en cause Mme Veuve Amiel et deux de ses filles lesquelles furent reconnues coupables de contrefaçon d'œuvres d'art dans les années 1990, un nouveau procès mit en cause trois nouveaux accusés en 2011. les juges fédéraux américains condamnèrent Léon Amiel Junior, Michael Zabrin mais pas James Kennedy (voir plus loin) pour la vente à nouveau d'œuvres d'art fausses; encore des lithographies sur lesquelles figuraient de fausses signatures des artistes, de faux Chagall, Miro, Picasso, Botero, ... Il y aurait eu plusieurs centaines de milliers de faux tirages de ces grands noms mis sur le marché entre 1980 et 1991. L'ampleur de ces faux était si importante qu'ils continuent à circuler dans les réseaux des revendeurs véreux sur le marché occidental et surtout via internet. Les clients de ces sites étant le plus souvent de simples amateurs pensant faire de bonnes affaires ne prêtent pas garde comme des habitués à la valeur de ce qui est proposé pas plus qu'aux certificats d'authenticité si bien imités.
PREMIER VOLET :
Il est vrai que déjà du temps de Léon Amiel Senior son entreprise commercialisait beaucoup de lots de gravures et lithographies, il est possible qu'il y eut pas mal de faux qu'il aurait plaçé auprès de nombreux revendeurs peu regardants à travers les Etats-Unis; il est probable que sa propre notoriété d'éditeur très important et reconnu d'artistes européens renommés fut pour beaucoup dans cette diffusion; mais encore une fois il ne fut pas lui-même inquiété. Les enquêtes spécialisées de la police n'ont abouti qu'en 1992 avec la mise en accusation puis la condamnation de ses héritières, lesquelles avaient fondé une nouvelle société d'écoulement des faux nommée "Original Artworks Ltd". Le système de vente passait tout simplement alors par la prospection téléphonique et l'envoi via l'Us Mail (la Poste des Etats-Unis) en rouleaux, des reproductions incriminées; c'est par cette curieuse raison d'envoi postaux de faux que la justice sera saisie et condamnera les femmes Amiel (le droit postal étant précis à ce sujet). Piégées par des agents du gouvernement Leung & Hang qui se présentèrent comme des amateurs d'art, l'affaire passa entre les mains de l'inspecteur postal Jack Ellis qui prouva cet envoi illicite; furent également incriminés des complices hors de la famille nommés Coffaro, Wallace & Groeger. Il fut saisi alors pas moins de 300.000 fausses lithographies pour une valeur supposée de 2,5 millions de dollars ! Les femmes Amiel furent condamnées à diverses peines de prison; l'appel qu'elles sollicitèrent auprès de la Cour d'Appel des Etats-Unis confirma leur culpabilité par une décision de jugement définitive en 1996 seulement. Et ce qui est assez cocasse dans ce premier volet de l'affaire, c'est que la justice dut, pour rentrer dans ses fonds pour cette longue procédure, revendre ces faux saisis entre 1000 et 5000 dollars (alors qu'ils en valaient à peine 100 !) et l'on dit que, une fois encadrées les acheteurs les trouvèrent, finalement très authentiques et on les comprend. Des enquêtes similaires ont été opérées ailleurs dans le monde et des condamnations eurent lieu, notamment en Europe.
SECOND VOLET :
Mais tout ne fut pas saisi ou détruit alors : Le petit-fils Léon Amiel Junior a pu continuer à profiter de l'énorme manne créée par ses prédécesseurs qu'il se mit à vendre sur un site de vente en ligne bien connu avec la complicité d'un certain Zabrin, plusieurs fois condamné pour une infraction similaire et pour réaliser les fausses signatures et faux certificats, d'un certain Kennedy. Et, bis repetita, c'est en raison de l'envoi d'œuvres de contrefaçon que la nouvelle affaire fut ouverte : ce Kennedy n'était autre qu'un inspecteur de la Poste déguisé en faussaire ! Il y eut alors pas moins de 2500 contrefaçons de Calder, 600 de Chagall ("Exodus"), de Picasso ("Françoise Gilot", dessin), de Chagall ("Tour Eiffel"), et c'est l'une de ces "Tour Eiffel" qui perdit Léon Amiel Junior, faux tirage numéroté 10/90 pour être précis; il fut ajouté à l'inculpation une télécopie de demande de tirage de faux qui lui fut envoyé par Kennedy et un paiement par envoi postal de 10.000 $ pour un faux Picasso, en violation du titre 18 de Code Postal des Usa, envoyé par un acheteur au même inspecteur postal !
Toujours est-il que l'on a là la plus importante affaire de fraude d'œuvres d'art des USA, que les fausses œuvres continuent d'irriguer le marché de cet art sur plusieurs continents et que finalement c'est tout le secteur qui s'en ressent. La plupart des faux sont sans doute manifestes mais quid des faux aussi vrais que les authentiques ? ! Les conséquences n'ont pas fini de se faire ressentir dans ce commerce si particulier.
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