HISTOIRE PRATIQUE DE LA NOMINATION
L'homme vit dont le nom est prononcé. (Mythe de Ré & d'Isis, anonyme) :
La valeur magique attribuée aux mots dans les sociétés anciennes apparait avec une force particulière dans les noms qui désignent l'individu. Pour le primitif, le nom est rattaché invariablement à l'être désigné, on peut dire qu'il fait corps avec lui. En bonne comme en mauvaise part le nom influera sur celui qui le portera, d'où la protection des saints par le choix et le port de leurs prénoms ou les tabous de l'anthroponymie hébraïque qui exclue de porter le nom de Yahveh remplacé par El, ou encore le tabou du nom de Jésus dans celle des temps médiévaux, voire celui de l'usage du nom de Marie parait-il en Espagne jusqu'à l'époque contemporaine. Le nom est capital pour la vie de l'enfant puis ensuite pour sa vie d'adulte. On s'attachera donc aux vertus qu'il est censé lui apporter afin d'influencer favorablement son existence. Les romains par ex. dans la gens Aemilia utiliseront, de plus comme une exclusivité de leur clan, le prénom Mamercus car il fait référence au dieu Mars censé être à l'origine de leur lignée et qui leur garantit toute la force et le courage dont ils auront besoin pour tenir leur rang dans la République Romaine. De nos jours encore certains croient en l'action magique du prénom, on nomme cela l'onomancie, c'est une discipline qui a sa littérature et sa place dans l'histoire des croyances.
Des peuples imaginatifs ont synthétisé dans le nom de l'enfant leurs joies ou leurs sentiments, leurs espérances aussi. Les noms sémites, israélites en particulier ont souvent des significations sentimentales (dont Amiel) que les langues couvertes par la chrétienté s'approprieront. A un autre point de vue l'abondance des noms de gens latines comme ceux d'Aemilius, Caesar, Marcelinus dans les véritables patronymes gallo-romains (c'est vérifié dans la plupart des provinces de l'Empire) attestent la prééminence de l'aspect politique sur la nomination par la disparition locale assez rapide des dieux gaulois. Et la nouvelle religion chrétienne saura suivre cette voie : le christianisme triomphant d'après le IVème S. aura pour privilège le bouleversement de l'anthroponymie de la Rome polythéiste devenue païenne. Pourtant le culte des saints qui est plus tardif qu'on ne le croit généralement, ne se reflètera dans les prénoms (ou plutôt noms individuels, car les nouveaux envahisseurs, barbares ne se nommaient que par un seul nom, Amelius par ex.) comme dans les toponymes de localités (Amilly, Milhac...) qu'à partir de l'époque capétienne.
L'état social exerce des répercussions directes sur les noms de personnes. Les noms de famille qui donc étaient pourtant présents chez les gallo-romains à l'imitation des romains, vont être emportés par la bourrasque des grandes invasions barbares que connaitra l'Europe romaine à partir de la fin du Vème S. Et ces patronymes ne se reconstitueront que lorsque le nouveau régime politique et social féodal aura trouvé son assiette, quand le pouvoir royal sera fermement organisé (à partir du IXème S.). Ce que l'on appelle "l'ancien régime" n'aura à ce sujet comme innovation que le fameux Edit de Villers-Cotterêts de François Ier qui imposera la tenue des registres de l'état-civil par les prêtres (et accessoirement l'usage dans ces documents officiels de la langue françoise, le langue du roi), voilà une permanence qui s'ajoute aux autres permanences féodales plus connues. A la révolution on essaiera bien de chambouler les nominations des individus (surtout de ceux que l'on exécrait, les nobles ou ceux qui rappelaient l'église) mais seule restera finalement l'égalité de tous à ce propos; Napoléon Ier imposera la même forme patronymique : nom hérité du père + prénom(s) pris dans le calendrier avec un usuel, y compris à ceux qui n'avaient pas encore cette façon de faire, les juifs essentiellement.
Ce que l'on peut nommer l'influence de la mode vient s'ajouter aux motifs précédents religieux et politiques et cette dimension est aussi importante. C'est la mode qui fait quitter aux Gaulois puis plus tard aux peuples barbares destructeurs de l'empire romain, leurs vieux noms indigènes propres, et les incite à adopter les appellations romaines (l'imitation se joint à l'émulation, les deux étant la conséquence de l'irrésistible attractivité du vainqueur du moment); et lorsque les romains seront définitivement défaits (après 476) les mêmes populations adopteront les noms (et la forme nominative) en usage chez les aristocrates francs dans les régions où ces francs seront bien installés; ce n'est pas aussi rapidement le cas dans la région qui nous occupe, l'arc du Golfe du Lion où notre nom est si concentré; là les nouveaux venus ce sont les wisigoths, ils règneront encore en maîtres pendant un siècle et demi jusqu'à l'avènement des carolingiens; la Septimanie qui restera leur apanage nord-pyrénéen durant tout ce temps (et malgré les incursions et courtes installations arabes) verra ce peuple non seulement adopter les modèles sociaux des romains qui perdurent (leur droit par exemple) mais ils imiteront aussi leurs noms antiques, ils adapteront leurs propres noms à la mode romaine : les Amali qui sont le clan de leurs chefs se nommeront soit Amalric (et ses variantes) soit aussi par imitation de la langue latine, Amilius, Amelius, repris par la langue romane en gestation, lesquels deviendront enfin des Amiel par l'occitan, au moyen-âge central.
Tout comme bien plus tard le bourgeois copiera le noble, le vilain fera comme le bourgeois, la province imitera la capitale, et la campagne la ville. Exit alors les facteurs prépondérants ancestraux d'ordre sentimental, mystique, politique ou simplement traditionnel. La tradition familiale pourtant bien ancrée et puissante jusqu'à la fin de l'ancien régime va céder ses prérogatives au seul goût du jour pour les prénoms (et on voit à quoi on en arrive de nos jours par l'influence néfaste des séries télévisées, surtout américaines !); pour les noms là tout est réglé depuis très longtemps (en ce qui concerne leur orthographe depuis seulement un siècle et demi). Les surnoms qui il n'y a pas si longtemps étaient encore fréquents furent les fils de cette mode; beaucoup sont devenus des patronymes; quant aux pseudonymes l'individu qui se le forge par un acte volontaire et pour un but et des raisons qui lui appartiennent, obéit, bien plus qu'il ne le croit, aux suggestions du milieu et à l'esprit de son époque (nul besoin de donner d'exemples je crois).
On en reste donc maintenant à la juxtaposition de prénom(s) et d'un groupe patronymique; je dis groupe car souvent de nos jours, le patronyme n'est pas nécessairement constitué d'un seul nom, celui qui vient du père, mais de plusieurs, généralement deux, l'un venant du père, l'autre de la mère, du moins selon les nouvelles habitudes et possibilités du droit en France, ce que l'on peut comparer au droit espagnol par ex. Mais ici comme en bien de domaines, la mondialisation aidant, la nomination devient elle aussi universelle, c'est à dire platement uniforme, gommant dans ce domaine, les originalités régionales des peuples qui par leur diversité en faisaient la richesse. Il faut toutefois relativiser cela : Bien qu'en France, l'heure soit aux réformes sociétales (ça ne coûte pas cher à faire et ça peut rapporter gros ! quoique) la possibilité d'ajouter au nom du père celui de la mère décidée en 2005 n'a pas eu beaucoup de conséquences à ce jour: seulement 10 % des enfants nés depuis portent comme patronyme deux noms juxtaposés; comme quoi ce ne sont pas des lois qui peuvent inciter à changer des coutumes ancestrales. Cette pratique est semblable à d'autres décisions sociétales de nivelage par le droit quelquefois même par des obligations juridiques; ces décisions tendent souvent à imprimer subrepticement des inflexions comportementalistes aux autochtones vis-à-vis de cultures exogènes que ceux-ci n'auraient sans doute jamais eu, tout cela au nom d'une idéologie critiquable visant non l'intégration mais l'assimilation (on dit plus volontiers de nos jours "inclusion"!) par une uniformisation impulsée via une pensée unique, et présentée voire justifiée par un hypothétique consensus auquel la société est ainsi censée devoir parvenir, un accord sur une même note pour une société très bien contrôlée. Rien à voir avec ce qui se fait généralement et depuis longtemps, pour toute oeuvre musicale, chantée ou jouée, pour le seul plaisir de l'oreille, en étant "au diapason" et non en discordance....
On le nommait, ce diapason, encore à la fin de l'Ancien régime, "A-mi-la"; il donnait le "la" qui était le ton de tous les instruments d'un orchestre alors. C'est un mot parait-il qui venait de l'ancienne manière de désigner les notes par des lettres (au moyen-âge). Sans prétendre faire de même avec notre nom, malgré une certaine parenté homophonique qu'il m'a plu ainsi de souligner, dans toutes les pages qui suivent, je développerai pour chaque période, pour beaucoup d'origines linguistiques, par l'histoire homonymique encadrée par l'histoire générale, celles et ceux qui illustrent notre nom Amiel et en font l'embellissement culturel. Je n'oublierai ni l'histoire onomastique qui leur est liée bien évidemment ni l'histoire toponymique forgée sur leurs noms suivant les continents et les pays.
(=> d'après les premières pages de "Origine des noms de personnes" de Pierre Chessex. Ed. Guilde du Livre (Collection Gai Savoir) vol. n° 12; Lausanne, Suisse, 1946).
Amiel nom universel :
Ces noms propres d'hommes, de femmes, d'enfants, sont en effet souvent à la base de noms propres de lieux; c'est en tous cas le cas de notre nom Amiel (le contraire pour notre exemple n'existe pas à ce que j'ai pu voir); ils sont aussi la base de nombre de personnages en littérature, contes, romans comme poésie ou romans historiques, des œuvres de fiction modernes comme cinéma ou bande dessinée, et avec Amiel on est très bien servi sur toutes ces applications.
Nous allons donc découvrir par le détail les traces, suivre les jalons du parcours de notre nom sur plus de trois mille ans, comment il est passé de peuple en peuple, de langue en langue, de traditions en traditions ou de cultures en cultures, enfin d'histoire(s) en histoire(s)....en somme raconter l'histoire de l'héritage patrimonial du nom Amiel, une recension qui pourra à l'occasion prendre des airs d'un "cabinet de curiosités onomastiques", amusement délibéré de ma part ! Puissent-ils, tous ces noms, par mon écriture et par votre lecture revivre à nouveau.....
NB : J'ai suivi le conseil de Ronsard bien qu'il ne s'agisse pas ici de poésie, en créant les néologismes sur le nom Amiel, pratiques voire nécessaires pour parler d'eux et suivant les formes de ce nom : on trouvera par ex. les mots suivants : aemilien (pour la forme latine), amelien pour la forme romane, et amielien pour la forme moderne occitane et française. En effet Ronsard conseillait ainsi "Tu composeras hardiment des mots, à l'initiative des grecs et des latins....pourvu qu'ils soient gracieux et plaisants à l'oreille....". Et donc comme lui "Je fis des mots nouveaux, je rappelai les vieux...Je fis d'autre façon que n'avaient fait les antiques...", du moins j'ai essayé !
J'ai fait, à tort ou à raison, mon :

Devoir de mémoire

Enivré par le passé qui me submerge,
Je découvre ses souvenirs avec émoi,
En farandole d'émanations anciennes,
Comme effluves s'exhalant d'un vieil alambic.

Sitôt retrouvés, sous ma plume ils émergent,
En un devoir de mémoire de bien des mois;
Ainsi exhumés par ma prose, sans peine,
Vous les lirez ici, somme toute, en un clic !
Jean-Louis AMIEL

Et maintenant, comme disaient les vulgarisateurs de l'histoire autrefois à la radio : Approchez, rapprochez-vous, l'Histoire va vous parler !. Et pour commencer vous parler d'histoire mythique et symbolique si je puis dire, de ces antiques légendes et croyances du tréfonds de l'homme qui sont des racines cachées de notre nom; c'est seulement ensuite, que nous mettrons véritablement les pieds dans l'Histoire avec comme prémices d'Amiel le nom Amil dans les premières écritures de l'humanité.
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