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Les MONUMENTS de ROME et LES AEMILII :
Comme on pourra le lire les Aemilii sont à l'origine de constructions édilitaires et utilitaires essentielles à la vie non seulement de la ville de Rome mais aussi à ses relations avec toute la péninsule, puis au rythme des colonisations, avec ce qui deviendra un grand Empire. Il est évident que ces diverses constructions devaient servir la popularité de la gens au moment où la république fut à son sommet. C'est probablement vrai aussi pour les installations frumentaires.
Au sommet du Capitole, le mont qui domine le forum, la colline religieuse insigne, trône le Temple de Jupiter; à droite de lui, lorsqu'on se trouve sur le forum, fut établi l'un des principaux édifices administratifs de la cité nommé Tabularium et comme progressivement partout dans la cité, des temples, surtout dans ce coin de la ville, car on "adoptait" tous les dieux sans restriction.
Le Temple de Jupiter Capitolin fut le plus insigne de ces temples bien sûr, celui vers qui convergeait tout Triomphe, le monument religieux principal de la République. Lors du parcours triomphal sur la Via Sacra, qui passait le long de la Basilica Aemilia, un serviteur portait au-dessus de la tête du triomphateur sans la déposer, une couronne d'or en lui répétant à l'oreille inlassablement qu'il n'était qu'un mortel et non un dieu; ces couronnes étaient en fin de parcours déposées par les vainqueurs honorés dans le sanctuaire. On a pu longtemps y voir celle de Mamercus Aemilius Dictateur en -437 ou celle de M. Aemilius Scaurus à la suite de son triomphe sur les Gaulois Carniques (Ciceron "de Nat. Deor", II, 61) et tant d'autres. Le Temple fut plusieurs fois le bénéficiaire des largesses aemiliennes : plusieurs fois réparé dont une fois en -179 sous la censure de M. Aemilius Lepidus, à cette occasion nous dit Pline (L. XV, 51) ses colonnes furent blanchies et polies; il fut embelli en -142 sous la censure de Scipion Aemilius (Pline "Hist. Nat." XXXIII, 57).
Le Tabularium et les autres temples : Le Tabularium, édifice énorme en taille, donnant sur le Forum Romanum au-dessus de la Curie, fut lui-même construit sous le consulat de M. Aemilius Lepidus. On y conservait les archives de la ville, les traités et autres documents de l'état et dans son sous-sol se situaient les prisons; à ses pieds finissait l'escalier des Gémonies gravissant les pentes de la colline, par lequel les condamnés passaient avant l'exécution de leur peine dans ces geôles infâmes souterraines, lieu carcéral nommé Tullianum. M. Aemilius Scaurus restaura en -115 et pour la 1ère fois le Temple de la Fides (la Bonne Foi) situé aussi sur la colline du Capitole, ce temple était selon Caton, l'un des plus anciens de Rome (cité par Ciceron, "de Offic.", III, 10). C'est encore lui qui fit reconstruire en même temps le temple de la Mens (la Raison) (Ciceron, "de Natur. Deor.", II, 23,61; Plutarque, "de Fort. Rom., X) (cf. "Le Capitole romain antique et moderne..." E. Rodocanachi; Hachette, Paris, 1904).
LA BASILICA AEMILIA :
Située idéalement sur le Forum Romanum, le "centre ville" de la Rome Républicaine, sur sa bordure nord, à droite de la Curie abritant le Sénat, devant elle passait la Via Sacra. C'est l'édifice significatif emblématique pour montrer aux citoyens la grandeur de la gens Aemilia et donc sa puissance tout en servant utilement d'abri aux activités du Forum en cas de mauvais temps. Lorsque sa construction fut décidée les deux censeurs en charge eurent d'abord parait-il à se réconcilier; cette ré-union fut consignée dans les Annales, il y est relaté qu'Aemilius Lepidus eut une noble conduite à cette occasion; une attitude que notera Ciceron près d'un siècle plus tard et qui fut honorée par un grand poète nous dit-il; ce poète étant certainement Ennius (L. XVIII des Annales d'Ennius, aujourd'hui perdu). Pline rapporte que ce fut l'un des trois plus beaux édifices du monde connu; il remarque notamment dans ses écrits les colonnes en marbre de Phrygie dont elle était ornée. Constamment entretenue voire remaniée, elle servit la nation pendant plus de mille ans, jusqu'en 847 si l'on en croit certains, alors que l'empire avait alors vécu. Il ne reste d'elle que la place qu'elle occupait, des colonnes très abimées ceinturant cette place encore dallée de marbre portant des traces d'incendie, un morceau des tabernae qui la bordaient sur le forum, quelques morceaux imposants de la frise qui ornait sa façade et peut-être des portes; des portes en bronze qui paraissent être de nos jours au centre du portail monumental de la Basilique du Latran; c'est ce que l'on veut croire en tous cas !
-1- Architecture de la Basilique :
A son emplacement il semble qu'il y ait eu un ancien portique dit des Gaii et Lucii qui aurait constitué son avant-corps et surtout l'Atrium Regium, vaste cour entourée de portiques de l'époque archaïque qui lui aurait donné sa forme (et ses dimensions ?) . A ses pieds se situait le temple rond et profond (en forme de puits) de Vénus Cloacina, déesse étrusque des profondeurs de la terre, orifice donnant sur la fameuse Cloaca Maxima, formidable égout ayant servi à assécher toute la zone du Forum dès la période royale. Elle est établie à l'arrière des Tabernae Novae (les nouvelles boutiques) reconstruites après l'incendie de -210; c'est la seule des basiliques républicaines dont les restes existent encore dans les ruines du Forum Romanum; les trois autres (Porcia, Sempronia & Opimia) ont totalement disparu. Son élévation nous est connue par une monnaie: elle comportait deux étages et sa façade donnait au sud. Le péristyle comportait des colonnes phrygiennes aux piliers massifs d'où partaient des cintres qui supportaient une frise ornée d'élégants bucranes. Au-dessus étaient placés les imaginae clipeatae ou boucliers représentant les membres éminents de la gens Aemilia, de l'embellissement de -78. Le 2ème ordre était décoré d'une frise ornée de palmes et de feuillages. Ces deux ordres superposés rythmaient les ouvertures de 16 arcs sur déambulatoire, le bâtiment couvrant un rectangle de 70m sur 29m. On y accédait par trois entrées; les trois nefs étaient séparées par de très belles colonnes de marbres de couleurs. Les entablements étaient de marbre blanc très finement sculptés. L'édifice était pavé de larges dalles de marbre que l'on voit encore, très abimées par le temps et les méfaits d'un incendie, et son intérieur était richement décoré (cf. restitutions informatiques). Vers le nord-est un fragment de la frise en marbre a été trouvé, orné de sujets relatifs aux origines de Rome. Côté place du Forum, la rangée de boutiques neuves s'ouvrait par un portique. Je pense qu'on peut avoir une idée, une idée seulement, de l'élévation de sa façade en allant à Venise, sur la Piazzetta San Marco, en regardant la façade à deux étages d'arcades de la Biblioteca Marciana, située face au Palais des Doges, en ayant le Grand Canal devant soi, bien que ce bâtiment ne date que du XIXème S. !.
-2- Histoire de son œuvre :
Construite par Marcus Aemilius Lepidus et M. Fulvius Nobilior en -179, elle prit le nom de ces deux censeurs mais quelques dizaines d'années plus tard on ne l'appellera plus que Basilica Aemilia. Restaurée à plusieurs reprises durant sa longue histoire, en -54 elle est même reconstruite par L. Aemilius Paulus en même temps que l'on construisait la Basilica Iulia en face d'elle (voir en fin d'article). Ce patricien ne put la terminer, c'est son fils L. Aemilius Lepidus Paullus qui la consacrera après son achèvement, lors de son consulat en -34. Son autre nom pourra dès lors être Basilica Pauli. A nouveau restaurée en -22 par M. Aemilius Lepidus, voilà qu'elle brûle en -14 ! C'est toujours la gens Aemilia qui s'occupera de sa reconstruction effectuée cette fois aux frais de l'empereur Auguste et d'amis de la gens Aemilia, la splendeur financière de la gens commençant à décliner. C'est sans doute à cette dernière importante restauration que l'on doit attribuer les magnifiques colonnes phrygiennes dont parle Pline, qui faisaient de la basilique Paulli, l'un des plus magnifiques monuments de Rome. On retiendra enfin que sous Tibère, Aemilius Lepidus obtint la permission de la réparer et de l'embellir à ses frais, malgré son peu de fortune, pour perpétuer le nom et la gloire de sa gens.
Dans une lettre datée de 700 AUC soit de -54, Ciceron envoie à Atticus les nouvelles de Rome : Paullus a déjà presque achevé sa Basilique, il emploie les anciennes colonnes; mais quel beau monument, agréable au peuple, glorieux pour celui qui le fait construire. Plutarque et Appien loueront aussi la magnificence du nouvel édifice. On n'a des nouvelles (tristes) d'elle ensuite qu'en 410 où le sac de Rome par Alaric, roi des Wisigoths, provoque l'incendie de son toit en charpente, ses ailes et ses boutiques. Enfin, en 847 suite à un tremblement de terre elle ne sera plus qu'un tas de ruines, mais il en restait des morceaux importants encore au XVème S. jusqu'à cette Renaissance qui la transforma en une carrière pour les nouvelles constructions qui feront renaître Rome. Elle était un lieu de rassemblement, de discussions, un tribunal aussi et sa galerie donnant sur le Forum abritait entre ses arcades (portique) des boutiques, des changeurs et banquiers, des commerçants (tabernae). Ce bâtiment a quand même traversé plus de mille ans d'histoire !
En face d'elle se situa du temps de César, qui en commanda la construction à la place de la basilique Sempronia, sur un modèle similaire, la Basilica Iulia, nom de sa gens; c'est aussi L. Aemilius Paulus qui en dirigea l'établissement à cet endroit après -52 avec l'énorme butin de la Guerre des Gaules (cf. Tite-Live "Hist. Rom."), César donnant pas moins de 5000 talents pour que le même Aemilius puisse restaurer la Basilique Aemilia, geste très intéressé du futur dictateur pour obtenir au moins l'abstention d'un homme important jusque là hostile à ses vues personnelles.
-3- La clepsydre de la Basilica Aemilia : C'est la première horloge permanente de la ville dont on connait l'existence par le témoignage de Varron puis celui de Pline l'Ancien. Les Romains héritèrent des grecs ce système de décompte du temps par une machine mue par l'écoulement de l'eau. Varron dans sa "De lingua latina" (6,4, trad. P. Flobert; Paris, Belles-Lettres, 1985) dit : On appelle solarium le cadran sur lequel on voyait les heures au soleil ou bien l'horloge que Scipion Nasica, censeur en -159 mit à l'ombre de la Basilica Aemilia et Fulvia. Jusqu'à cette date il n'y avait en effet, sur le Forum, près des Rostres, qu'un cadran solaire (solarium) pour compter le temps de parole des rhéteurs et avocats, ou lors des comices dans le Comitium. Comme on éprouva le besoin de ne pas être gêné par les caprices du ciel en s'abritant dans des basiliques, il fut aussi nécessaire de pouvoir compter le temps à l'intérieur et sans l'aide du soleil. D'ailleurs le cadran solaire installé en -263 était loin d'être précis, mais ce n'était pas sa faute : pris comme butin lors d'une bataille en Sicile, ses lignes n'étaient pas adaptées à la latitude de Rome; on s'en contenta quand même pendant un siècle, jusqu'à ce qu'un cadran plus précis ne le remplace en -164. Et puis enfin le summum : les plaidoiries des jugements, les palabres de toutes sortes purent non seulement avoir lieu par tout temps à l'abri mais on sut dès lors où l'on en était du temps qui passe, de jour comme de nuit, l'heure exacte étant enfin à la portée de tous grâce à cette clepsydre. C'est ce que raconte Pline dans son "Histoire Naturelle" (7, 214-215, trad. Schilling; Paris, Belles-Lettres, 1977). Cela en chagrina quelques uns comme le poète Plaute regrettant ce progrès (on lui attribue des vers à ce sujet rapportés par Aulu-Gelle dans ses "Nuits Attiques", III, 3) mais tous s'y résolurent (c'est sans doute la force du progrès toujours actuellement).
LA "COLUMNA ROSTRATA" à ROME:
A l'origine avec d'autres de la "Tribune aux Harangues", l'estrade monumentale où l'on vit tant d'orateurs galvaniser les citoyens de Rome, endroit central du Forum de la République, au fond de la place, où se tenaient les foules pour tous les évènements essentiels comme pour tous autres, d'où vint l'expression populaire"monter aux Rostres" pour indiquer qu'untel allait faire un discours.
Cette colonne (la 2ème plus ancienne connue) fut érigée sur le Capitole par ordre du Sénat pour honorer Marcus Aemilius Paulus, Consul en -255, qui avait alors remporté une bataille navale mémorable sur les carthaginois, durant le 1ère guerre punique, victoire, qui, avec celle de son collègue consul permirent de prendre la cité de Cossyra. Pourtant leur flotte qui défit celle des ennemis au large du Cap Bon fut finalement détruite lors d'une tempête; flotte perdue mais triomphe maintenu. Les 'rostres' sont les 'becs' des bateaux, ces excroissances de forme effilée placées à la proue des navires pour agir comme des lances dans les flancs des navires ennemis, une invention romaine. La colonne à laquelle furent donc fixés ces rostres de bateaux ennemis fut la première du genre. Elle fut malheureusement détruite par la foudre en -172 selon Tite-Live. Mais il y en eut d'autres, celles-là furent érigées sur le forum lui-même, en une sorte de 'décor' de la fameuse tribune qui prit donc son nom devenu générique .
(=> "Dictionnaire topographique de la Rome Antique" L. XVII. 20.1 p.134 S. Boule Plarner revu par Th. Ashby. Presses Univ. d'Oxford Londres 1929).
On peut voir de nos jours de modernes colonnes rostrales décorant le pourtour de la Piazza di Spagna à Rome, servant à leur sommet de lampadaires.
EMBELLISSEMENTS DE LA BASILICA AEMILIA : CLIPEATAE et FRISE MONUMENTALE:
Ces clipeatae sont des écus ornés des représentations des ancêtres de la gens. Cette idée de placarder des images en forme d'écus sur un édifice parait être parvenu à Rome suite à leur victoire des Macédoniens (voir Aemilius Paulus Macedonicus) par la transmission ou imitation d'une habitude vue à Délos qui semble bien avoir joué ce rôle. (cf. "Bulletin de la Soc. des Antiquaires de Fr." 1977, p.71). Marcus Aemilius collègue au consulat de Quintus Catulus et son acharné adversaire plaça des écus à l'image de ses ancêtres aemiliens sur toute la façade de la Basilique Aemilia et dans sa maison, en -78, selon un usage martial (imposé par le plus fort, mot d'origine militaire dont la racine est le dieu Mars), comme le cite Pline (35,13). Lors de cette restauration furent aussi utilisés des marbres de plusieurs couleurs pour les colonnades et surtout ces nouveaux boucliers de bronze portant les bustes de ses ancêtres dont les monnaies de son fils nous font voir encore l'effet produit sur le monument.
Pline l'Ancien y voit des reproductions des combattants de la guerre de Troie. On sait que les Aemilii disent descendre à la fois d'Enée et de Romulus, lesquels servent ici à cautionner l'engagement politique de la gens. Voilà donc un monument public qui sert de lieu d'exposition permanent à la gloire d'une famille patricienne, qui s'identifie à une dynastie royale grecque et à l'origine de Rome, en mettant en publicitaires avant l'heure des images identiques à celles qui appartenaient au sanctuaire privé de la domus principale de la gens. On peut se référer aussi à ce Mamertus de l'une des origines qui aurait vécu du temps du roi Numa, un habile artisan bronzier qui aurait donné à la gens son nom insigne personnel (cf. onomastique latine de notre nom).
Quelques dizaines d'années plus tard l'embellissement de l'édifice continuera. En -55 Lucius Aemilius Paullus, lors d'une nouvelle rénovation, ornera l'ordre corinthien de la nef centrale d'une frise en marbre pentélique représentant les épisodes marquants de la légende des origines de Rome, un peu comme le firent plus tard Auguste (Ara Pacis) ou l'église (mosaïques, fresques...) ou comme sont analogiquement nos plus modernes B.D. historiques par ex. On a pu reconstituer plusieurs panneaux comme Rémus & Romulus, l'enlèvement des Sabines, le châtiment de la vestale Tarpeia (précipitée depuis la roche homonyme en punition de son forfait, coté Tibre du mont du Capitole). Une véritable histoire sculptée, semi-mythique, semi-réelle qui donnait à voir à tous les citoyens leur histoire, mise ensuite par écrit par les historiens. Enfin toujours dans le même ordre d'idées, on pouvait encore voir sur des consoles saillant sur la corniche de l'ordre inférieur des statues d'orientaux évoquant les Troyens, et dont on a retrouvé quelques fragments. On peut imaginer ce que cela donnait en regardant les frises retrouvées et réassemblées de l'Ara Pacis d'Auguste, toujours visibles à Rome.
Voilà tout un programme iconographique qui est la revendication publique de la noblesse immémoriale de la gens Aemilia par elle-même mais pour tous les romains et que copiera pour son propre compte le 1er empereur.
(=> "Rome. Paysage urbain et idéologie : Des Scipion à Hadrien..." N. de Chaisemartin; Paris, A. Colin, 2003).
PONT MILVIUS près de ROME:
Sur ce pont célèbre eut lieu en 313 le fameux combat entre Maxence et Constantin qui vit la victoire de ce dernier avec aussi la victoire annoncée du christianisme sur les multiples cultes romains ancestraux. C'est au cours de cette bataille que Constantin fut subjugué par une immense croix dans le ciel, signe pour lui d'une volonté divine éclatante: Il n'y aurait qu'un seul Dieu (enfin pour le moment un autre culte admis, parmi tous les autres), et Jésus son envoyé serait venu apporter aux hommes son Amour infini et universel avec son pardon (l'empereur ne se convertira qu'au seuil de la mort toutefois). C'était le début d'une nouvelle ère pour toute l'humanité, dans laquelle nous sommes toujours, deux mille ans après, qu'on le veuille ou pas. Et ce fameux pont qui fut le théâtre de cet évènement, très vieux pont romain, fut, au moins une fois, en -109, plus de quatre siècles avant, reconstruit en pierre (auparavant les ponts étaient tous en bois) par le censeur Marcus Aemilius Scaurus (-163 à -88) du temps de la dictature de Sylla. Cet homme, le premier de la famille Scaurii et qui appartenait à la gens Aemilia fut l'époux d'une Caecilia Metella. Leur fille Aemilia fut l'épouse en seconde noces de Pompée, l'adversaire de César. Du temps de l'empereur Néron, de sinistre mémoire, l'endroit fut alors un rendez-vous célèbre pour les plaisirs nocturnes; Néron lui-même s'y rendait souvent pour s'abandonner à la débauche hors de Rome.
Situé à 3km seulement du centre de la ville, sur la route de Viterbe, Via Flaminia, c'est le passage obligé sur le Tibre pour tout voyageur venant du nord. Connu de nos jours sous le nom de Ponte Mollo, c'est un monument assez remarquable, ses rampes sont énormes et ses cinq arches gigantesques; il est toujours en fonction. Il fut reconstruit donc par le premier Aemilius Scaurus avec des pierres de Tibur et des briques réticulaires puis réparé sous Auguste; deux bastions crénelés en défendaient l'approche. Outre le fameux combat entre Constantin et Maxence, il a été aussi le théâtre d'un autre mémorable évènement; les romains conjurés alliés aux Allobroges furent pris sur le pont même par l'armée romaine du consul Ciceron au début du Ier S. av. notre ère; c'est à ce moment-là que fut découverte la conjuration de Catilina qui fit l'objet d'un des plus célèbres procès de Cicéron et dont le plus connu des conjurés proscrits fut le Souverain Pontife lui-même, un certain Jules César !
(=> "Les mystères de Rome" Vol. VI, F. Deriège; Ed. Souverain, paris, 1851; "Ponts en maçonnerie" T. I E. Degrand & J. Berat; Paris, Baudry, 1887).
VIA AEMILIA et REGGIO N'ELL EMILIA (plaine du Pô, fleuve de l'Italie du nord):
La construction des premières voies romaines (dont celle-ci) fut la réponse initiale au changement de mentalité du à l'hégémonie des Romains provoquée par les Boiens et les Insubres après les Guerres Puniques. Les premières colonies au nord de la péninsule furent Crémone et Placentia créées peu après la construction de la Via Flaminia (~-218). Mais les peuples que je viens d'indiquer détruisirent Placentia, bien conscients que les romains voulaient par ces routes les contenir sous leur coupe. La répression, en -191 les incita à installer 6000 nouveaux colons (Tite-Live, 37-46.9 à 11). Strabon (5-1.6) et Polybe (2-35.4) nous disent que les deux peuples furent expulsés totalement. Il fallait contrôler efficacement le territoire; en -189 à nouveau 3000 colons viennent s'installer à Bologne (Tite-Live 37-57.7) et enfin en -187 est établie la fameuse voie émilienne.
C'est M. Aemilius Lepidus qui fit construire cette majestueuse voie antique de circulation (remarquablement quasiment rectiligne sur des centaines de km) qui relie les villes de Plaisance au sud de Milan à Rimini sur la Côte Adriatique (Tite-Live 39-2.10) et dessert les villes de Parme, Reggio nell' Emilia, Modène, Bologne et Forli en suivant le pied des Apennins. Reggio nell'Emilia, rappelle bien les Aemiliens et ce n'est que justice; anciennement elle était appelée d'ailleurs "Regium Lepidum" ou "Regium" (ses habitants étant les 'regienses'), (rèf. Junius Brutus, correspondant de Ciceron in "Fam." 11,9,2 et 12,5,2; Tacite "H." 2,50; Festus 270,34). On y adjoint des routes secondaires très rapidement (en une génération selon les auteurs anciens) irrigant toute la Cisalpine jusqu'à Aoste et, par les Apennins, l'Etrurie et Arretium, Lucca au nord. Rome fut ainsi reliée à ces provinces lointaines septentrionales. La cohésion romaine avec son maillage de communications était ainsi en marche; la centuriation (cadastre) s'y appuyait, ce sera une grande voie militaire mais aussi commerciale et administrative.
(=> "The roads of Roman Italy : mobility and cultural change" R. Laurence).
- Bien entendu ces voies étaient régulièrement entretenues voire restaurées (il y eut des cataclysmes aussi dans l'Antiquité, j'en cite un). On a trouvé dans le lit de la rivière Reno, près de Bologne, une borne miliaire datée de +2 disant L'Empereur Caesar Augustus, Pontifex Maximus, dans son 13ème consulat, sa 22ème année de pouvoir et de tribun, a restauré la Via Aemilia de Rimini à la rivière Trebbia - Mile 79. mais Bologne possède aussi une autre borne de sa Via Aemilia plus ancienne (ILLRP 450), qui indique clairement son constructeur : M(arcus) Aemilius M(arci) f(ilius) M(arci) n(epos) Lepidus, co(n)s(ul) et sa signalétique : CCLXIIX - XV soit à 268 miles de Rome et 15 de Bologne. On sait que cette route, pour gagner la Narbonnaise et l'Espagne, fut préférée à la plus courte mais difficile Via Aurélia car elle traversait des lieux moins insalubres et donc moins touchés par les maladies (malaria).
(=> "Roman Italy" T W Potter; Californ. Univ. Press, 1987).
- A propos de ces bornes on pourrait citer aussi celle trouvée à Ostie (ILLRP 16), le port de Rome, qui indique le même Aemilius Lepidus conjointement avec le nom de son collègue au consulat C. Papillus Laenas, consul pour la 2ème fois. Sans doute s'agit-il là d'une réparation.
AEMILIA FOSSA en AEMILIA :
Il s'agit d'un véritable canal navigable qui fut creusé peu de temps après la Via Aemilia et près d'elle pour supprimer les inondations qu'elle subissait et les sources de maladies sans fin de ceux qui l'empruntaient. Car la région est couverte dans l'antiquité de marais importants pris dans une véritable plaine aquatique s'étendant assez loin dans la Gaule Cispadane. L'armée d'Hannibal eut par ex. toutes les peines pour arriver via les Alpes, par là en Etrurie; Strabon dit que le grand général y perdit même un œil ! Beaucoup d'eaux non seulement du Pô mais aussi de ses affluents notamment la Trébie se déversaient là et y croupissaient. C'est Aemilius Scaurus alors censeur, il s'agit de celui qui sera consul peu après, en l'an 638 Auc, qui eut l'idée de génie de faire creuser ce canal pour assécher la zone entre Parme et Plaisance, en longeant la Via. C'était donc en l'an -115 et 71 ans seulement après l'édification de la Via Aemilia si l'on en croit Tite-Live (L. XXXVIII). (cf. Encyclopédie méthodique... de Ch. J. Panckoucke, Paris). Les italiens demeureront des spécialistes de ces travaux d'assèchement (dont les Marais Pontins sous Mussolini): ils viendront assécher dans l'Aude, au début du XIXème S. l'étang de Marseillette qui était alors la surface d'eau la plus étendue dans l'intérieur de la France.
VIA AEMILIA SCAURA (en Ligurie):
Cette voie antique complète à l'ouest de Pise, la vieille "Via Aurelia" (qui débute à Rome, au pied du Tibre et du Pont Aemilius qui joint le Forum au quartier de Trastevere). Depuis Pise elle suit fidèlement la Côte Ligure, dessert Gênes et de là remonte vers Plaisance, au nord-est pour retrouver l'autre voie Aemilia (cf. ci-dessus). Elle a été construite par Marcus Aemilius Scaurus à la même époque où il fit en pierre le Pont Mulvius. Cet homme de valeur servit militairement en Espagne et en Sardaigne sa nation; puis il devint édile, préteur et enfin consul en -115. Durant son consulat il célébra un triomphe sur plusieurs tribus alpines du nord de la péninsule. En -112 il sera l'un des commissaires ambassadeurs de Rome envoyés en Afrique pour arranger la querelle des rois Jugurtha et Adherbal. En -109 il est donc censeur et fait établir cette voie. Enfin il fut récompensé et honoré par une insigne et encore rare nomination, celle de "Prince du Sénat", octroyée par les censeurs de -115.
AEMILIANA (Faubourg de Rome):
Il s'agit d'un 'vicus' (quartier) de Rome appelé aussi Aemilianorum. Le territoire qu'il recouvre appartenait à la gens Aemilia depuis quelque temps. Quelques uns disent qu'ils y eurent leur résidence, d'autres leurs tombeaux; il se peut fort qu'avant d'en faire un quartier d'habitations de rapport ils aient créé là un vaste jardin d'agrément. Ce lieu fut souvent mis entre la colline du Capitole et le Champ de Mars (à l'est des deux) et à l'intérieur du Pomérium (l'enceinte originelle de Rome close par le Mur de Servilius). Mais on ne sait pas trop véritablement où le situer car une inscription suggère plutôt le bord du Tibre et, si l'on en croit Varron, par "extra portam Flumentanam aut in Aemilianis", c'est vers le 1er port romain et cette porte Flumentana qu'il faudrait le voir; une autre possibilité le long du Tibre est la zone d'horrea (entrepôts souterrains) trouvés sous l'immeuble de l'Anagrafe (état-civil municipal), proche de ce 1er port de Rome, au niveau de l'Ile Tibérine, ce qui correspondrait assez bien avec un fragment du plan de marbre de la ville qui porte vers cet endroit l'inscription "Aemil...". Dernière possibilité une horrea proche du Porticus Aemilia; mais en ce dernier endroit furent aussi les "praedia Tigellini Aemiliana" connus par l'incendie de Juillet 64 (Annales de Tacite 15,40) qui semblent différents, pourtant ce nom parait en garder une trace ? Une hypothèse met le quartier vers l'actuelle Place d'Espagne, tout au nord du Champ de Mars (cf. Pierre Grimal "Les jardins romains.." P. U. F., 1969), ce qui correspondrait bien à l'Amnis Petronia dont on parle dans le § suivant, ce ruisseau descendant du Pincio, colline surplombant à l'est le Champ de Mars.
- Le vaste terrain initial aurait été attribué en récompense de son mérite républicain à Scipion Aemilien, le destructeur de Carthage, fils du grand Paul-Emile, époux de Sempronia, la sœur des frères Gracques. Il y aurait tracé un jardin d'agrément. Se souvenant de ses voyages en Grèce avec son père, il voulut réaliser là un aménagement de la nature comme il en avait vu dans ce pays; et le résultat fut sans doute magnifique. Ce jardin passait pour être le plus grand et le plus beau jardin privé romain. Et il y avait de quoi : Sur l'arrière de la maison, l'espace était suffisamment plat pour qu'un grand portique entoure des arabesques géométriques savamment taillées dans les buis par les mains du topiaire. On adossa aux pentes de la colline des grottes en forme de rocailles que les Nymphes n'auraient pas hésité d'habiter, alimentées en cascades par la petite rivière "Amnis Petronia" qui passait tout près parait-il. De larges allées de sable s'enfonçaient sous de belles frondaisons, se croisaient en des carrefours ponctués d'Hermès sur piliers de pierre, dont les bustes sans bras étaient surmontés du visage de Mercure, son autre nom. Des allées qui aboutissaient à des sortes de kiosques de verdure où Scipion, toujours en digne fils du grand Aemilius Macedonicus, aimait à recevoir ses amis du fameux Cercle Aemilien. (=> d'après "Cornelia, mère des Gracques" M-F. Rouvière, L'harmattan, Paris, 2006).
- Mais Rome grandissant, tout finit par être loti, cette partie de la Subura (banlieue) devint un quartier d'habitat dense, bruyant, avec des tavernes malfamées, couvert d'immeubles de rapport qui exista sous l'Empire. Par une épitaphe on connait au moins un ménage qui vivait dans cette insulae : C'est un couple d'affranchis, lui était barbier et elle "coiffeuse pour dames"! Ce quartier fut la proie des flammes en 38 de notre ère sous le règne de Claude, évènement malheureux décrit par Suétone ("Vie des douze césars; Vie de Tiberius Claudius Drusus Caesar" L. 18, § 1&2): Cet incendie énorme détruisit des réserves alimentaires; le peuple se souleva et Claude dut s'enfuir du Diribitorium proche d'où il a essayé, parait-il de maîtriser l'incendie pendant deux jours et deux nuits. Il se réfugia au Palatin, colline éloignée du feu et consentit à donner les instructions nécessaires pour approvisionner en grains la ville car, en plus l'hiver approchait. Pour lutter contre les flammes qui progressaient les soldats et gladiateurs furent mobilisés en plus des 'vigiles' (nom toujours actuel des pompiers en Italie). Il fit même appel aux magistrats et au peuple, allant dans les rues avec des sacs d'argent encourageant tout un chacun à faire l'impossible et disant qu'il récompenserait chacun sur place selon ses efforts. Il dut encore garantir les commerçants des pertes probables et accorda un bénéfice aux navires en cas d'avarie en mer. Une véritable catastrophe pour ses finances.
AEMILIUS PONS (ROME) :
Le premier pont de Rome était le Pont Sublicius qui fut bâti en bois et 'sur pilotis' au IIème S. av. J. C. à peu de distance; il a longtemps été confondu avec lui depuis la renaissance. A la suite d'une inondation qui aurait eu lieu avant -180, le Pont Fabricius (en bois aussi) fut abîmé et le Pont Sublicius fut détruit. On bâtit en -179 un pont de pierre, du moins un pont avec des piles en pierre à la place du pont Sublicius; c'est le Pont Aemilius qui sera donc le premier à avoir de solides assises dans le fleuve Tibre (les romains savaient déjà cimenter dans l'eau !). Le vieux pont détruit débouchait sur la rive gauche près de la Porte Trigemina et dans le clivus (quartier) du Janicule sur la rive droite; c'est le roi de haute antiquité Ancus Martius qui l'avait construit en bois et selon les auteurs qui soulignent le fait, "sans aucune pièce d'airain ni de fer" et il subsista ainsi jusqu'à la grande crue du Tibre qui l'emporta comme je viens de l'indiquer.
C'est ensuite le censeur Marcus Aemilius Lépidus qui entreprit la reconstruction enfin bien plus tard en pierres, du moins en ce qui concerne aussi ses arches: c'est ce que rappellent des deniers d'argent retrouvés à son nom. Il aurait été dédicacé par un autre aemilien, Q. Aemilius Lepidus et son collègue consul Lollius en -129 comme on peut encore le voir inscrit sur le Pont Fabricius. Le nom du censeur lui est resté longtemps; par un de ces jeux de mots dont raffolaient les latins (langue des oiseaux !) il fut aussi nommé Pons Lapideus ce qu'il était, le pont de pierre matriciel, jusqu'à ce qu'il devienne à force de crues et d'inondations suivies de réparations, une ruine à la Renaissance que l'on ne répara plus; pauvre hère de nos jours, pas entretenu ni restauré, seule une arche résiste encore aux assauts du temps, fièrement, près du moderne et svelte pont de fer dit du Palatin qui l'a remplacé et qui semble le dominer voire même le bousculer; il n'est plus désormais que le Ponte Rotto, le pont rompu, délaissé de tous, la végétation le mangeant peu à peu mais son arche restante est si romantique.
Depuis les ponts furent jetés des humains en sacrifice aux dieux dans les temps très anciens; on les remplaça ensuite par de simples effigies. Mais il y eut quelques exceptions comme celle du corps d'Héliogabale, empereur détesté et décédé, qui fut jeté depuis le Pont Aemilius, (cf. "Hist. Aug." "Elag." 17, 1-2). C'est aussi depuis les ponts que déjà l'on se suicidait; quelques vers de Juvénal (6, 30-32) parlent de cette possibilité : Tu peux supporter d'être sous la coupe d'une femme / Alors que tant de cordes peuvent te servir.../Que le Pont Aemilius est à ta disposition tout près de chez toi ?. Près du Pont Aemilius se déroulaient enfin les Portunalia ou Tiberinalia au mois d'Août, selon tous les calendriers, car c'est entre lui et l'Ile Tibérine que se situait l'unique Temple de Tiberinus-Portus ou Portunus, sur la rive gauche sans doute, à l'extrémité du Forum Boarium, sans doute s'agit-il du petit temple rectangulaire magnifique qui peut encore se voir près du temple d'Hercule Vainqueur.
(=> "L'Ile Tibérine dans l'Antiquité" M. Besnier; Paris, Fontemoing, 1902).
PORTICUS AEMILIA et EMPORIUM à ROME:
- Son origine doit être vue comme due à la volonté de la gens Aemilia de procurer du blé à Rome, en un temps où la crise frumentaire commençait à être vive, durant les deux derniers siècles de la république. Pas moins de quatre Aemilii s'y sont attachés, non seulement avec la construction de cette super structure immense pour l'époque mais aussi par la loi frumentaire de -78 ou la remise en culture intensive des terres très riches de Carthage ou encore les trop peu citées Horrea Aemiliana (voir ce nom; rèf. à ce nom).
- Construite au sud de la ville le long du Tibre, il s'agit des nouveaux entrepôts alimentaires de la ville; ville qui se développant ne pouvait plus se satisfaire du vieux port du Forum Boarium (place des boeufs) au débouché du Forum sur le fleuve. De plus on avait besoin là aussi de lotir les espaces libres c'est ce qui arriva à ce vieux marché si proche du 'centre ville' antique et c'est aussi au cours de ce IIème S av. JC. que l'on commença à bâtir au-delà du Tibre (Trastevere). Ce nouveau port ne pouvait être établi qu'au sud et après les pentes abruptes de l'Aventin tombant dans le fleuve. La zone très large de l'Emporium fut aménagée par deux cousins, édiles curules, M. Aemilius Lepidus et L. Aemilius Paulus entre -193 et -174 grâce aux énormes moyens financiers qu'ils surent dégager, avec l'appui du sénat, en condamnant beaucoup de fermiers généraux des biens publics qui, comme de coutume ailleurs (en France entre autres au XVIIIème S.), surent détourner ces revenus à leur propre avantage (ne cherchons pas loin de notre époque non plus!). Les deux jeunes édiles entamèrent leur carrière ("cursus honorum") sous les auspices des Scipions auxquels les Aemilii étaient déjà liés; leur carrière double sera brillante pour tous les deux. Leur "insignis aedilitas" comme la définit Tite-Live fut riche de plusieurs constructions entreprises en cette année -193.
- L'entrepôt lui-même ou Porticus mesurait 487 m de long sur 60 m de profondeur soit environ 25.000 m2 de surface utile!. On peut en avoir une idée en pensant analogiquement à nos modernes sheds abritant des ateliers. Parallèle au fleuve, la Porticus était divisée en 7 nefs ou travées longitudinales qui descendaient deux par deux (sauf la 1ère) jusqu'au fleuve, cloisonnées en 50 nefs perpendiculaires surmontées d'arcs; chaque nef longitudinale était séparée de la suivante par un mur pourvu d'ouvertures (pour éclairer l'intérieur). Les arcs supportant les murs longitudinaux et transversaux ainsi que le toit de tuiles étaient soutenus par pas moins de 294 pilastres ! L'ensemble s'ouvrait sur le Tibre par une pente étagée sur quatre niveaux. Cet immense bâtiment fut la plus grande surface couverte en dur de l'antiquité romaine, construite en ciment et opus incertum dont on a là la première attestation technique. Ce mode de construction rapide, utilisant beaucoup la technique de blocage et la brique, peu la pierre de taille fait que, malheureusement peu de restes nous sont parvenus, de plus non mis en valeur; ces pauvres restes sont en un endroit isolé et peu visité des touristes, occupé de nos jours par un vaste quartier d'immeubles d'habitation. Il en ira ainsi de nos constructions contemporaines qui, bien que coûtant fort cher mais mal construites, révèlent rapidement de nombreuses malfaçons !
- Cette manière de bâtir à peu de frais nommée aussi "opus caecimenticium" était un mortier de sable (ou pouzzolane) et de chaux liant entre eux des petits blocs de roche concassée, mis en place par la technique du blocage (coulage, coffrage); véritable révolution technique dans l'art de construire, cette nouveauté permit de bâtir facilement, rapidement et à moindre coût de grands édifices à l'architecture audacieuse ainsi que des constructions nécessaires à la vie quotidienne (en partie ponts, aqueducs...).
- Ce bâtiment incroyable était accompagné d'un Emporium (Tite-Live, 35, 10,12) c'est-à-dire d'une place 'franche' extérieure au "Pomérium", la limite de la ville constituée par le Mur dit de Servien; cette place destinée au commerce et juridiquement protégée (le nom lui vient du grec) constituait la zone portuaire proprement dite. Les marchandises amenées par des barques depuis le port de mer d'Ostie, où se trouve l'estuaire du Tibre, étaient débarquées (ou embarquées pour les produits manufacturés) et réparties dans des zones de la Porticus. En face d'elle se trouvait, rive droite, le port aux pierres de construction.
(=> "La ville de Rome sous le Haut-Empire" revue Pallas Univ. du Mirail-Toulouse 2001. Article de F. Zevi, "Topographie des ports de Rome").
- les deux mêmes édiles construisirent aussi un autre portique qui allait de la Porte Frontinalis à l'Autel de Mars, par où on pouvait se rendre au Champ de Mars et nommé la Porticus Aventinus car il était adossé à ce mont, le long de la Via Ostiensis, la voie qui menait à Ostie, le port de Rome sur la Méditerranée.
- enfin on doit encore à ces censeurs la construction des quais de débarquement des marchandises de l'Emporium; on a retrouvé au début du XXème S., toujours en place, les énormes anneaux de pierre figurant des gueules de lion qui amarraient les bateaux sur la rive gauche du Tibre.
HORREA AEMILIANA à ROME et le BLE de CARTHAGE :
Peu connues car disparues, il s'agit de greniers ou entrepôts que Scipion Aemilianus édifia lors de sa censure en -142. Ces greniers à grain comme on voit encore à Narbonne des restes souterrains, étaient situés près de la rive du Tibre, en amont de la Porticus Aemilia, "inter duos pontes" entre les Forum Holitorium et Boarium, là où a été construit l'actuel Palazzio dell' Anagrafe (état-civil municipal). Ces horrea servaient donc aussi à la remise des grains, aux frumentationes romaines. Ces horrea subirent en +38 un incendie sous Caligula et à nouveau en +54 lors du fameux incendie de Néron.
Et dans ce cadre, il ne faut pas sous-estimer le rôle que tint l'Afrique carthaginoise dans l'approvisionnement en blé. Cette région surpassa même l'Egypte sur ce point et devint dès le règne de Tibère la source principale de cette denrée essentielle à la vie romaine; l'acheminement était de plus bien plus rapide et sûr via la Sicile que depuis Alexandrie, les terres plus riches, plus productives aussi. Quant au promoteur de cette production et son acheminement, Lépide le Triumvir, il espérait par là retrouver la popularité auprès de la plèbe mais ce ne fut pas le cas; on sait qu'il fut purement et simplement écarté de son gouvernement africain.
(=> "Les Aemilii-Lepidii et l'approvisionnement en blé de Rome (IIè- Ier S. av. J-C.) article d'A. Allely in Revue des Etudes Anciennes - 2000, vol. 102, n°1, pp. 27-52).
LUDUS AEMILIUS à ROME:
Il s'agit d'une école de gladiateurs fondée par un Aemilius Lepidus mais on ne sait pas lequel (certains disent le Triumvir). Ce lieu n'est connu que par les mentions qu'en font Cicéron (Cat. 2,9), Horace ("Ars Poetica" 32) et Porphyrion ainsi que tardivement Publius Victor. Le poète Horace au Ier S. av. J-C parle d'un statuaire (sculpteur) qui se targue de reproduire dans sa fonderie de bronze les ongles et la souplesse des cheveux mais il ne sait pas son nom; il indique alors l'endroit de son atelier: "Aemilium circa ludum faber unus et ungues / Exprimet et molles imitabitur aere capillos" soit 'près de l'école aemilienne de gladiateurs' ce qui signifie qu'elle était bien connue et reconnue en son temps. Porphyrion, commentateur d'Horace au IIème S. de notre ère, en parla pour sa part ainsi : "Aemilius ludus locus dicebatur, in quo Aemilius quidam gladiatores suos habuit". Il y eut bien une telle école avant l'Empire et dans le centre même de la ville. Par un dernier témoignage, celui de Publius Victor, historien du IVème S., on sait dans quel arrondissement de Rome elle se trouvait: Cet auteur a en effet établi un liste des lieux de Rome par "régions" (c'était le terme employé alors); il y répertorie six 'ludus' dont le 'Ludus Aemilius' qu'il met dans la "Regio VIII", soit celle du "Forum Romanum" en plein centre de la ville antique (ref "De Regionibus Urbis Romae" S195 de Publius Victor cité par Lipsius dans "Saturnales Sermones qui de gladiatoribus" Ch. XIV, 4 et 5). Enfin ce ludus fut transformé en ce même IVème S. en bains municipaux que l'on baptisa Balneum Polycleti. Rien à voir avec les bains suivants.
(=> "Mémoires de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres" Ière série, T. VIII, Paris, Imp. Nationale, 1874).
BAINS DE AEMILIUS PAULUS à ROME :
Pendant longtemps on a beaucoup ergoté sur ces Bains aemiliens, n'ayant que peu de renseignements autant sur leur importance que sur leur localisation et aucune preuve tangible. Il existe toutefois une gravure conservée à la bibliothèque de l'Université de Chicago, nommée "Thermae Lateritiae Pauli Aemili propre Traiani Forum ad radices Quirinalis montis" (datée de 1569 et tirée de "Urbis Romae Aedificorum Illustriumque supersunt reliquae" (les restes les plus célèbres des monuments de la cité de Rome) qui en parle. Un historien chercheur contemporain a trouvé dans l'œuvre de Valadier qui intervint vers la fin du XIXème S. dans les ruines antiques, qu'il les aurait restaurés, indiquant qu'ils se seraient trouvés à l'est du Forum de Trajan (cf. G. Matthiae "Restauri del Valadier...", Rome, 1942). C'est bien ce qu'indique aussi le titre de la gravure du XVIème S. que l'on vient de citer, et qui précise encore que ce lieu est au pied du mont Quirinal.
Et c'est désormais une réalité car on a enfin retrouvé récemment des bandeaux des arcs, des bases de pilastres, des chapiteaux et des piédestaux, éléments qui ont permis une restitution de leur élévation.
Mais l'histoire du nom lui-même que l'on a tenté si longtemps de localiser vaut d'être relatée : Des Balnea Pauli au nom déformé par les siècles en Magnapoli situés sous la caserne de la Milizia romaine semblent avoir été une invention du XVIème S. se fondant sur une lecture erronée du texte de Juvénal (VII, 233) : Balneum Phoebi (cf. Adinolfi "Roma nova Francia di mezzo II" pp. 43-47); Hülsen cite, lui, un privilège de 938 parlant de "banneo Neapolim", puis "balnei Neapolis et au XIIIème S. d'un "mons Manianapoli". (rèf: "Dictionnaire topographique de la Roma Antique" Ball Platuer révisé par Ashby, Londres, Oxford University Press, 1929). Mais que vient faire cette dénomination pour ces bains ? Le nom de Magnapoli fut donné à une partie du Quirinal et il signifie littéralement Naples la Grande; le rapport avec les Balnea Pauli antiques est du au fait que ces bains étaient le nom de ceux qui étaient près du Marché de Trajan et du Quirinal. Plus récemment ce nom de Balnea Pauli est cité comme étant bien les thermes édifiés par Paul-Emile là où fut bâtie plus tard l'église San Domenico selon l'hebdo d'infos du Diocèse de Rome du 12/2/2007.
Les AEMILII et les TEMPLES, STATUES et autres BATIMENTS PUBLICS de ROME :
- La construction et la dédicace de temples à Rome était un acte religieux mais aussi un acte civil, civique et social. Comme les autres œuvres d'intérêt public c'étaient souvent les gens riches et bien en vue qui accomplissaient ce genre d'action publique. Au IIème S. par exemple on a de nombreux témoignages de ces édifices. En -189 Lucius Aemilius Regillus construit un temple aux Lares Permarini; il s'agit là d'honorer des dieux qui sont sur la mer et c'est un de ses parents un Aemilius Lepidus, censeur, qui le dédicacera en -179; au-dessus des portes de ce temple fut fixée une plaque en marbre portant le rappel de la victoire navale : La flotte du roi Antiochus jusque là invaincue a été dispersée, écrasée, mise en fuite et ce jour-là, ...42 navires de guerre ont été pris, avec leur équipage... (cf. Tite-Live, 40,52, 4-7).Le Sénat décerna à une forte majorité le Tromphe Naval à Aemilius Regillus (-189) (cf. Tite-Live 37,58,3). En -146 P. Scipion Africanus Aemilianus fait édifier son temple à Hercule Victor, le dieu victorieux, sur le Forum Boarium, près de celui de la Pudicité Patricienne , il sera connu sous le nom de Temple d'Hercule Aemilien; il le dédicacera dès -142; c'est peut-être le temple rond décrit dans l'article suivant. Ce phénomène de construction suivi de dédicace fut très en vogue à Rome durant les trois derniers siècles de la République et c'est surtout par l'hellénisation des latins que l'on en prit l'habitude.
- Les auteurs latins citent aussi les statues qui ornaient en nombre les artères et places de Rome : Pline dans son Histoire Naturelle (34, 54 & 60) cite par exemple une Minerve sculptée par Phidias qui fut dédiée par Aemilius Paulus près du temple de la Fortune de ce Jour. Il y avait aussi les statues de héros légendaires et de grands hommes comme celle de ce jeune Aemilius qui avait vaincu assez jeune des ennemis, près du Temple de Jupiter Capitolin, ou celle de L. Aemilius Paullus consul en 572 Auc (-181) qui, avec celle de son fils P. Cornelius Scipio Aemilianus, consul en 607 Auc (-144), orneront le Forum d'Auguste. (cf. "Le Forum Romain et les Forums Impériaux" H. Thédenat, Hachette, Paris, 1898).
- Vers la 2ème moitié du IIème S av. notre ère. on construit plutôt des bâtiments profanes comme les fornix (dont le français gardera le verbe forniquer, cherchez pourquoi ?), ces arcs de triomphe dont le 1er connu fut celui élevé par Quintus Fabius Aemilius Allobrogicus en -120 suite à sa formidable victoire sur les Gaulois dans la vallée du Rhône (voir cet épisode). Et par ce monument glorifiant un héros on a là une invention purement romaine. La plupart des généraux qui ont obtenu le Triomphe, l'acclamation du peuple de Rome par un défilé éclatant sur la Via Sacra, vouèrent des temples. L'un va souvent avec l'autre. Il y a même quelquefois des problèmes de dates entre les différents protagonistes, la gestion du calendrier pouvant avoir des répercussions sur la notoriété politique de ceux qui accomplissaient ces gestes démonstratifs; n'oublions pas que le calendrier est aussi une affaire de religion dépendant des pontifes. M. Aemilius Lepidus dont on n'est pas certain qu'il ait obtenu le Triomphe (droit octroyé par le Sénat) vouera deux temples après -187, l'un à Junon Reine l'autre à Diane, qu'il dédicacera en -179, comme le 1er que j'ai indiqué (cf. Tite-Live 40,52,1-2), dédicace pour laquelle on sait qu'il demanda au Sénat une allocation pour célébrer les jeux qui l'accompagnaient. Cet Aemilius Lepidus était l'ennemi de Fulvius Nobilior et ce dernier avancera la date de son propre triomphe au 10 des calendes de Janvier (soit le 25 Décembre) pour empêcher apparemment celui de son opposant. Mais en -179 ils seront réconciliés: Aemilius dédicacera son temple à Junon juste à côté de celui d'Hercule bâti par Fulvius, au n-o du Circus Flaminius. Car intervient aussi dans ce calendrier le "dies natalis" l'anniversaire de naissance : vous l'avez compris l'anniversaire de cet Aemilius est le 25 Décembre; d'autre part le dies natalis du temple des Lares Permarini est lui le 22 Décembre. Ces dieux Lares divinités familiales liées au 'foyer' dans tous les sens du terme (maisonnées et biens), sont l'interprétation romaine des Cabires de Samothrace grecs, assimilés à Rome aux Pénates troyens et aux Castores (dont Castor & Polux), des divinités très liées à la Concordia, cette réconciliation et entente fraternelle qui deviendra essentielle à Rome à/c de la 2ème guerre punique. Le calendrier permet donc de jouer habilement sur ces dates essentielles de la vie des grands hommes, leurs triomphes comme leurs dédicaces des temples qu'ils donnent à Rome. Toute cette mise en scène bien ordonnée ne pouvant que rejaillir sur le prestige de leur gens et de son nom!
- Mais tout cet échafaudage bien huilé, propre à chaque gens, évoluant avec les générations, de temple en temple sera balayé par le 1er empereur, Auguste et ses proches au début de son règne, ou lors de la reconstruction des temples (et donc de la modification de leurs jours anniversaires), une modernisation voire une révolution dans ce domaine. Il faut quand même aussi avouer que ces élaborations gentilices n'avaient souvent plus de sens profond, faute d'avoir été laissées à l'abandon depuis plusieurs générations; certaines familles patriciennes n'avaient même plus de représentants, d'autres étaient en voie d'extinction, la République des anciens n'ayant plus aucun sens, ses noms glorieux appartenant au passé. Le rouleau du temps faisait son œuvre !
(=> "Temples votifs..." M. Alberson p. 141-144. "Les temples votifs de la Rome Républicaine...." J-L. Bastien; Univ. Reims-Champagne-Ardennes).
LE TEMPLE D'HERCULE AEMILIEN à ROME :
Le héros grec devint une divinité romaine et plusieurs sanctuaires à sa dévotion verront le jour. Bien que plusieurs ne datent que du siècle d'Auguste, certains remontent à une période plus ancienne comme ces temples qui se dressaient à la porte Trigemina (celui d'Hercule Invictus ou Victor) et près du Circus Maximus où se trouvaient les "aedes" d'Hercule Aemilianus (cf. article précédent) et Pompeianus, lesquels faisaient cortège, encadraient l'Ara Maxima, le grand autel sur lequel était rendu l'hommage religieux de l'état.
Le temple d'Hercule Aemilien était rond (Tite-Live 10; 23,3), Festus le nommait "aedes Aemiliana Herculis", termes communément pris comme se référant au fondateur, membre de la gens Aemilia. Il semble que seuls deux noms peuvent être proposés pour avoir présidé à leur construction: L. Aemilius Paulus, le vainqueur de Persée (-168) ou Scipion Aemilianus, son fils adopté dans la gens Cornelia si l'on se réfère à Plutarque ("Mor." 816 b-c) dont une histoire raconte que cet Aemilianus n'invita pas son collègue censeur Mummius à un dîner par lui donné lors de la dédicace du temple d'Hercule en -142. Servius indique lui, que les temples ronds étaient adaptés aux cultes d'Hercule et de Vesta. Un autre temple d'Hercule Vainqueur semble attesté au même endroit par Macrobe mais on ne sait s'il faut ou non les confondre. Ce temple rond dont parle Tite-Live a semble-t-il été identifié au moins jusqu'à la renaissance avec une rotonde découverte alors située sur le côté nord de la Piazza Bocca della Verita. Cette rotonde fut par la suite malheureusement partiellement démolie mais on peut toujours en voir les beaux restes près du temple de Portunus.
(=> "Scipio Aemilianus & the round temple to Hercules Victor in the Forum Boarium" L. Rios Rodrguez Hinojosa, Univers. of Virginia, 2011).
Les MAISONS des AEMILII à ROME :
On connait l'emplacement de plusieurs résidences d'Aemilii à Rome durant l'Antiquité. On pense que l'Aemiliana, au nord immédiat du Capitole et à l'est du Champ de Mars a pu être anciennement leur "terre privilégiée" ayant abrité le tombeau de leurs ancêtres (voir ci-dessus toutefois les questions de sa situation); mais la résidence la plus significative fut sur l'Aventin, près du Mur Servien, au sud de la ville donc, encore au début de l'Empire. Aemilius Juncus eut lui sa maison sur le Mont Oppius (sud de l'Esquilin, à l'est de la ville). Quant à l'éphémère empereur Aemilius Aemilianus on pense qu'il eut la sienne près des Thermes de Dioclétien, dans son angle nord, entre les Monts du Quirinal et du Viminal.
MAISON ou PALAIS DE M. AEMILIUS SCAURUS et la DOMUS PUBLICA :
Située dans le centre près du Forum Romanum et côtoyant la "Domus Publica" elle se confondra progressivement avec elle : La Domus Publica fut occupée depuis le mandat de Cornelius Scipio Nasica en -153 jusqu'à la mort de M. Aemilius Lepidus en -12; c'était la demeure du Pontifex Maximus, le plus haut sacerdoce de Rome et l'on sait que cet Aemilius en fut le dernier de la République, la charge passa à sa mort à l'Empereur. La maison eut des fortunes diverses et son sort suivit celui de sa voisine; on en voit des restes importants; elle devint privée et c'est elle qui est bien identifiée comme ayant été celle d'Aemilius Scaurus entre -74 et -53. Bien qu'ayant subi l'incendie de Néron on peut voir au rez-de-chaussée un sanctuaire aux dieux-lares, plusieurs petites salles destinées sans doute au logement des esclaves et une salle de bains ! Il s'agit là de la seule maison du quartier résidentiel où sera construit plus tard le Portique Margaritaria près de la Nova Via, avec la Domus Publica elle-même à avoir été épargnée par le fameux incendie. Les restes des deux maisons ont été restaurés dont notamment les atriums. Cette maison qui était luxueuse a fait l'objet d'un roman archéologique dirons-nous de François Mazois publié en 1819 qui fut célèbre durant tout le XIXème S. : dans un dossier spécial je parle de celui-ci et du personnage historique qui a réellement été à l'origine de la construction selon toute vraisemblance.
Le THEATRE EPHEMERE d'AEMILIUS SCAURUS :
Et oui la magnificence pouvait aller jusque là, jusqu'à l'éphémère ! C'est l'édile curule Aemilius Scaurus, le même que ci-dessus, qui en fut le mécène; c'était en 694 ou 696 Auc (-57 ou -55) et on dit qu'aucun édifice du même genre ne l'égala alors ! Complètement démontable ce théâtre avait un mur de scène composé des trois ordres architecturaux, soutenu par 360 colonnes, le rang inférieur étant en marbre de Crète, le 2ème en "cristal" (verre ou marbre très blanc ? plutôt erreur de transcription) et le plus élevé en bois doré. Entre ces colonnes figuraient 3000 statues de bronze, une infinité de tableaux peints par l'école de Sicyone qui passait alors pour être la plus célèbre de Grèce. Les gradins richement décorés également pouvaient contenir 80.000 spectateurs. Et les décors et les costumes des acteurs allaient de pair. Tout cela fut décrit par Pline dans son Hist. Nat. ch. XXXVII.15. On sait aussi qu'après le démontage de ce fameux théâtre provisoire, Scaurus utilisa de nombreuses pièces pour orner son palais de Rome et le reste fut transporté à sa villa de Tuscullum, le Nice des romains de son temps. Malheureusement on sait que cette maison brûla, sa perte fut estimée (et il n'y avait pas d'assurance) à 100 millions de sesterces !
(=> "Palmenor ou la magie naturelle" T. III d'un auteur anonyme; Bechet, Paris, 1813).
SCORRANO Ville fondée par un AEMILIUS :
La ville italienne de Scorrano située dans la province de Lecce forte de 7000 habitants de nos jours fut fondée au Ier S. av notre ère par Marcus Aemilius Scaurus (-169 à -90) Consul en -115, de qui elle tire son nom.
AEMILIUS PAULUS Propriétaire foncier à VELIA :
Un Aemilius Paulus possédait à Velia, en Lucanie, au IIème S. av. notre ère, un domaine qui fut confisqué, deux siècles plus tard par César, car la gens s'était liée entre temps avec les Scipions comme on le sait (voir Scipion Emilien).
La gens AEMILIA à ATESTE (Italie):
La gens Aemilia est en effet attestée à Ateste, en Vénétie. Le nom emprunté à Rome peut aussi être ici le souvenir d'un éventuel patronyme local de forme "Aimio-" (voir à ce sujet les origines onomastiques latines de notre nom).
(=> "Ateste à l'heure de la romanisation" M. Lejeune; LS Olschki, 1978).
Des AEMILII à ANTIUM (Italie):
Cette ville était une des villégiatures favorites des patriciens; nombre de familles aristocratiques de Rome ainsi que des gens bien en vue comme Cicéron ou Mécène possédaient des biens à Antium. Les Aemilii Paulii y étaient présents non seulement pour cette raison mais aussi parce qu'ils y géraient avec les Pompeii la production de tuiles !
FORUM AEMILII à MONTALTO (Italie) :
Il est habituellement nommé Forum Amelii ou Amelium et situé à Montalto, en Etrurie, sur la Via Aurélia.
FORUM AEMILIANUM à TERRACINA (Italie) :
Terracina est dans le Lazio (région latine) au sud de Rome; on sait que c'est un Aemilius qui construisit son forum à la fin de la république; il dota ce Forum Aemilianum d'un portique et d'édifices civils et religieux autour. On voit encore de nos jours la Via Appia qui passait sur ce forum antique. (cf. "Storia di Terracina" A. Cianchini; Terracina, 1952).
La gens AEMILIA à VENISE (Italie) : (voir Ateste ci-dessus aussi).
On verra que des Amelii sont connus à la Renaissance dans la Sérénissime mais les antiques Aemilii y furent déjà présents au moins dès la fin de la république romaine. Le "Sépolcreto" (petit sépulcre, reste d'un cimetière qui fut bien plus étendu alors) longeant une véritable voie sépulcrale à Aquilea (province du Frioul, Venise Giulia) daté de cette période comporte cinq enceintes funéraires dont l'une appartenait aux Aemilii et Cestii ainsi qu'une inscription sur une cippe l'indique.
AMELIA en OMBRIE (Italie) :
Ville très antique dont Caton ou Pline disent qu'elle fut créée pas moins de 694 ans avant la guerre contre Persée (donc vers -850 !); son nom dans ces temps-là aurait été Ameria, c'est du moins ce que nous disent Cicéron et Ptolémée. Dans la notice que je lui consacre dans la partie toponymie Europe j'indique une raison qui aurait pu présider à ce changement de dénomination. Située sur une éminence c'était sous les romains une ville avec 'municipe' selon Ciceron, qui se gouvernait elle-même. Plus tard, sous Auguste elle sera une colonie de vétérans de l'armée (selon Frontinus).
La PILE d'AEMILIUS PAULUS MACEDONICUS à DELPHES (Grèce) :
Le vainqueur de Persée, qui ouvrit vers le Levant les conquêtes romaines, éleva (ou plutôt reconvertit comme on va le voir) une pile d'une dizaine de mètres de haut pour célébrer sa victoire au IIème S. av. notre ère. Ce monument avait en effet été précédemment construit par le roi Persée lui-même sur l'esplanade du temple d'Apollon à Delphes. Cette appropriation martiale constitue une humiliation supplémentaire infligée au roi de Macédoine, qui s'ajoute à celle qu'il dut subir lors du Triomphe magnifique d'Aemilius à Rome avec ses enfants. Cette pile rectangulaire recouverte de marbre blanc comportait à sa base l'inscription de dédicace conservée suivante : "L. Aimilius - L - f - Imperator - de - rege - Perse Macedonibusque - cepet. "; au sommet une frise faisant le tour, en marbre bleu, décrivait la bataille (conservée en grande partie au Musée de Delphes avec la dédicace) et sur la plate-forme sommitale avait été
installée la statue dorée du vainqueur à cheval (disparue).
(=> "Fouilles de Delphes : Epigraphie" Ecole Française d'Athènes, Théophile Homolle; Boccard, 1930).
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