L'imagination est plus importante que la connaissance, car la connaissance est limitée, alors que l'imagination peut embrasser l'univers entier.
Einstein.

NB : Analogiquement avec la "théorie des âges de l'humanité" que les anciens avaient en faveur, dont nous avons déjà parlé, il faut bien avoir à l'esprit, je me répète mais c'est essentiel, qu'alors, en ces temps archaïques, on avait devant soi non l'avenir comme de nos jours, mais le passé, le passé supposé, imaginé, celui des mythes; c'est à lui que l'on se référait exclusivement, oserais-je dire un "passé présent", le futur ne préoccupait pas du tout nos ancêtres.

MYTHES DU PROCHE-ORIENT, DE SUMER A UGARIT :
Je ne manquerai donc pas de remonter aussi loin que possible pour étayer mon discours sur ce sujet si difficile des origines de nos propres mythes, en sachant bien qu'il y a toujours quelque chose avant...à découvrir. En ce qui nous concerne les vieux mythes des premières civilisations, ces éclats du passé, d'un passé imagé, nous ont été transmis depuis la Mésopotamie par les sémites, puis les grecs et les romains et particulièrement par les écrits bibliques de l'Ancien Testament. C'est cette transmission qui constituera les bases de notre civilisation occidentale dont j'ai dessiné les contours dans la 1ère partie. Remontons donc au moins jusqu'au prémices de l'histoire dont les plus vieilles traces sont au Proche-Orient et un point d'ancrage mythique incontournable que l'on nomme déluge universel.
- La première civilisation éclot:
Avant l'histoire proprement dite il est certain maintenant que la région des origines fut bien celle, avant l'écriture, où éclata également la fameuse révolution néolithique. Il se pourrait d'ailleurs selon plusieurs historiens qu'il y ait une relation de cause à effet entre le (ou plutôt l'un) des déluges et cette révolution. Déjà et on a là les prémices de la civilisation, à l'épipaléolithique final, vers 12 à 14.000 ans avant notre ère, quelques millénaires après la dernière glaciation, s'est développée en Palestine la culture dite de Natouf, le natoufien. On a là les tout premiers villages permanents à ce qu'il semble, les premiers débuts de la sédentarisation qui ne s'épanouira que quelques millénaires plus tard dans le croissant fertile. Bien que ces communautés de vie aient été encore plutôt des chasseurs-cueilleurs on voit chez eux des indices de cette sédentarisation; outre les villages formés de huttes rondes, ils domestiquaient le chien et avaient des pratiques funéraires. Dans le même coin il faut ensuite parler du site sous-marin de Atlit-Yam, à seulement 400m du rivage méditerranéen de la localité actuelle d'Atlit, au sud immédiat d'Haïfa, en Israël (le nom donné au site signifiant l'Atlit de la mer, revoyez ce que signifie Yam) d'une superficie incroyable de 40.000 m2 et qui est exceptionnel à plus d'un titre. Son âge d'abord, entre 9000 et 10.000 ans, au moment de l'invention de l'agriculture, de l'élevage, période faste pour l'humanité dont le philosophe Michel Serres affirme qu'elle vient seulement de s'achever ! Des outils rudimentaires de ce temps, en pierre taillée ont été remontés par milliers des faibles profondeurs où ils dormaient depuis que le village côtier fut submergé par les eaux fondues de l'ultime glaciation; celle-ci contraignit ses habiles habitants à tout abandonner y compris leurs morts dont les crânes préparés et décorés pour trôner chez eux comme étant leur garantie de propriété ont été retrouvés aussi. Beaucoup pensent que la religion est une invention corrélative à la création de la société, les puissants (devenus tels par suite d'accumulation de meilleures récoltes sur de meilleures terres par ex.) quels qu'ils soient, ayant eu besoin d'asseoir leur puissance par la création de classes assujetties de divers niveaux; on peut le voir par exemple dans le fameux Code d'Hammurabi; de la propriété commune on est ainsi passé à la propriété privée, source des premiers conflits et d'une vie plus ou moins communautaire vaguement familiale (autour de la mère gravitaient avec les enfants les frères et sœurs de la mère) s'est imposée la cellule familiale dirigée par le père.
- Traces certaines de déluge(s) et d'un autre type de catastrophe avant l'histoire ou dans ses débuts :
° Que s'est-il passé lors de cette lointaine fin de glaciation, probablement une énorme catastrophe planétaire: cet évènement qui eut lieu à la fin du paléolithique, début du néolithique, il y a 18 à 20.000ans provoqua une hausse considérable du niveau des mers d'~120m selon tous les géologues, ce qui ne peut qu'avoir laissé des traces mémorielles fortes dans l'histoire des hommes.
Une tablette cunéiforme datée de -1750 (cf. hebdo "Le Point" du 12/04/2015) parlerait des origines possibles du récit biblique du Déluge, qui, si on le rapproche des autres récits le racontant (sumériens, africains, européens ou chinois) n'aurait, quant à lui, eu lieu qu'environ ~ -3500 ou -3000 ans avant notre ère; mais près de trois fois plus anciennes sont des traces géologiques d'inondations immenses trouvées en 1929 dans la plaine mésopotamienne (datées d'~ -7500 ans à ~ - 7900) comme au fond de la Mer Noire où ont été localisées en 1998 des dunes qui ne peuvent avoir été formées qu'à l'air libre (antérieures à ~ - 7100 ans); ces informations géologiques corroborent une ou des catastrophes naturelles qui peuv(en)t avoir duré longtemps, très longtemps même. Le voyant Cayce dont je reparle plus loin situe quant à lui le Déluge biblique vers - 10500, mais ce n'est qu'une vision.
° Bien plus loin dans le temps encore : la terre aurait conservé les traces d'une énorme collision avec une météorite d'une taille exceptionnelle. Cette catastrophe se serait produite, selon les chercheurs de l'Université du Kansas (site de l'université, article du 02/01/2018 publié avec les réserves d'usage) qui ont étudié des restes de calcination dans 70 sites très éloignés, vers -12800 ans avant notre ère. Le terre aurait été frappée par un corps céleste, un astéroïde d' ~100km de diamètre, qui aurait éclaté en de nombreux débris en pénétrant notre atmosphère et provoqué de gigantesques incendies sur tous les continents (et ce qui va avec, fumées, air vicié, chaleur...), un évènement exceptionnel majeur qui aurait eu un impact très important sur l'espèce humaine. Le scientifique Melott pense que nos lointains prédécesseurs ont été en grande partie décimés lors de cet évènement mais ce que ceux-ci et leurs propres ancêtres avaient dessiné dans les abris des grottes ne fut heureusement pas détruit. Un évènement qui, selon les scientifiques, aurait été à l'origine de l'époque géologique du Dryas Récent.
° Plus près de nous, une catastrophe planétaire astronomique ? : Celle-ci aurait pu de par son impact également laisser des traces dans les mythes de par le monde : il s'agirait d'une collision de notre planète avec Vénus ! Curieusement dans pratiquement toutes les traditions mondiales les mythes ne font référence qu'à quatre planètes. La cinquième, Vénus n'apparaissant que plus tard et à peu près en même temps dans toutes les civilisations. Et dans les mythes cette apparition coïncide avec des récits d'une ampleur fantastique et fort effrayants. Les ressemblances d'une mythologie à l'autre sont si frappantes qu'elles ne peuvent être fortuites. Il ne peut s'agir que de phénomènes cosmiques majeurs pour lesquels les scientifiques n'ont pas encore prouvé la réalité mais qu'ils ne tiennent pas pour invraisemblables car de nombreux indices semblent pencher en cette faveur. De plus les calendriers sont modifiés un peu partout à la même époque. Et dans de nombreux textes on peut voir des remarques sur des anomalies survenues dans le parcours de plusieurs astres, dont le soleil, la lune et certaines planètes. On comprend dès lors d'autant mieux la place que va prendre dans ces vieux récits la fameuse Vénus, qui avant de devenir la belle Aphrodite grecque fut peut-être Athéna, qui apparut chez eux sortant directement de la tête de Zeus "sous la forme d'une étoile flamboyante qui envoyait d'énormes étincelles par milliers...". Chez les sumériens, akkadiens et babyloniens si elle est déesse de l'Amour elle est bien aussi celle de la guerre...l'étoile du soir après avoir été celle du matin... Parmi les phénomènes heureusement exceptionnels qui accompagnèrent son douloureux passage près de la Terre on parle dans les mythes d'énormes langues de feu à faire fondre notre planète, des bruits assourdissants, tremblements de terre bien sûr qui pulvérisent les montagnes, des vagues "hautes comme des montagnes", des raz-de-marée aussi, des fleuves de sang, des pluies de pierres...succédant à des périodes sans soleil et sans lune : c'est bien ce que l'on peut lire aussi dans l'Ancien Testament. Voilà sans doute des cataclysmes cosmiques qui se seraient réellement produits à une époque protohistorique et qui auraient laissé ces traces dans la mémoire des survivants, lesquelles auraient traversé les siècles sous la forme d'un être céleste monstrueux qui aurait pendant des jours et des nuits "attaqué" la Terre et manqué de très peu de la réduire en cendres, causant en tous cas des ravages considérables et faisant périr la presque totalité de l'humanité et de la vie; sans doute dans cette hypothèse Satan (Lucifer) fut-il lui aussi associé à cette planète, symbole alors du mal ?
- Les premiers écrits de l'humanité et les plus vieilles croyances religieuses attestées :
On pense généralement que les peuples des premières écritures venaient d'Asie centrale et qu'ils amenèrent avec eux quelques inventions géniales de leur cru comme la roue; ils paraissent avoir émigré jusqu'au Moyen-Orient vers - 6600 là où quelques temps plus tard commencera enfin l'histoire, car là seront retrouvés les toutes premières preuves écrites de l'humanité. Souvent ce sont des comptes relatifs à des transactions diverses (bétail, céréales...) mais on s'en servira aussi pour des motifs politiques et religieux.
Lorsque l'on parle de religions on voit quasiment toujours les dieux être au masculin; pourtant il y a des civilisations, encore de nos jours, qui mettent au moins un dieu principal au féminin, c'est ce que l'on nomme impersonnellement la "déesse-mère", que l'on pourrait nommer selon la langue des oiseaux "l'Eternel (au) féminin" ! . Cette déesse des origines humaines finalement, a pu judicieusement être écartée par les hommes (de peuples colonisateurs ?) dans les premières cités du Proche-Orient comme on le verra ci-après; mais il n'en reste pas moins que chez les peuples ancestraux elle pouvait occuper la place ultime, au sommet de la pléiade divine ! Et finalement quoi de plus logique suivant l'analogie évidente qu'il y a dans le rôle essentiel de la mère, sur la terre, chez les humains comme sur leur environnement. Cette déesse-mère fut souvent évoquée dans le symbolisme vivant de l'arbre, qui, lié au sol, produit feuilles, fleurs et fruits, lesquels donneront à leur tour les mêmes résultats, tout comme le fait la femme par l'enfantement. Certains auteurs disent que cette déesse-mère-arbre s'est muée dans la Bible, en ce bâton d'amandier miraculeux de la verge d'Aaron, futur bâton pastoral chrétien (la crosse), un symbole fort dont on reparlera. Comme par un subterfuge de baguette magique, ce symbole de vie si féminin s'est donc nettement et définitivement masculinisé, accompagnant donc la probable mutation de l'organisation sociale humaine ou une colonisation par des populations patriarcales. On peut le deviner déjà dans la cosmogonie babylonienne qui fait remplacer la déesse originelle Tiamat, par son descendant Mardouk, celui-ci tuant la vieille génitrice pour devenir, avec l'assentiment de ses autres descendants divins le dieu supérieur. Le film symbolique et cosmique "The tree of life" de Terence Malick (Palme d'Or à Cannes, 2011) parlant de la création du monde, de la naissance de la terre puis de l'homme, du mystère de la vie, de sa confiance en elle aussi, du sens de l'existence enfin, développe tout cela par des images modernes saisissantes; et bien entendu il commence par une citation tirée du Livre de Job (38, versets 4 à 7), c'est un américain très empreint de spiritualité biblique qui réalise !
- Les plus vieilles attestations de civilisations et leurs dieux :
C'est dans le véritable creuset civilisationnel de ce Proche-Orient que furent donc inventées, suite à l'agriculture et à l'élevage, la sédentarisation conduisant à la création de cités, au commerce et donc à l'écriture (il a bien fallu compter et certifier les biens). Depuis 3300 ans avant notre ère ces premiers peuples civilisés de la riche région d'entre les fleuves Tigre et Euphrate nous sont, grâce à leurs écrits, assez bien connus, ce sont les sumériens puis les sémites qui fondèrent Babylone, puis les Assyriens qui s'en empareront. Ces peuples sont à l'origine de la Mésopotamie, le grand et si vieil empire de la région; il se dotera d'une civilisation qui influencera ses voisins d'Asie Mineure, de Palestine, de Syrie et de Perse mais pendant près de 3000 ans ce sont les systèmes religieux et politiques sumériens qui demeureront à sa base. En caractères cunéiformes (création sumérienne) sur de nombreux supports dont les fameuses et très nombreuses tablettes d'argile, les scribes érudits, lettrés, rédigèrent des témoignages d'une vie sociale et intellectuelle variée, riche et complexe. Les archives de temples et bibliothèques de cités comme Babylone, Ur ou Ninive ont livré un important corpus mythologique même si l'on n'est pas d'accord souvent sur leur interprétation.
- L'écriture cunéiforme était composée à son origine d' ~ 30.000 syllabes que l'on combinait pour former les mots; par ex. En + ki désigne le 'seigneur de la terre', En + lil est le 'seigneur du souffle' et El + u + him correspond aux 'puissants élevés qui ont mélangé l'argile' (la vocalisation 'o' n'existait pas encore, ce sont les Elohim bibliques); à la base de cette écriture sont les langues sumériennes et akkadienne qui sont par là retransrites, ce qui représente une très grande évolution humaine. Toutes les autres langues sémitiques du Proche-Orient en dérivent : ougaritique, assyrien, babylonien pour les premières qui les suivent, puis cananéen, amorite, arabe, puis encore les moins anciennes comme phénicien, hébreu, moabite, éthiopique, sudarabique, guèze ou proto-amharique. La quasi dernière à avoir utilisé le cunéiforme pour écrire la langue parlée est le perse; l'alphabet le supplantera chez eux avec l'adoption de l'araméen. Les juifs parleront hébreu mais écriront en araméen. Enfin l'arabe par les conquêtes finira au VIIème S. par s'imposer effaçant le grec d'Alexandre le Grand. L'alphabet qui fut une création phénicienne tout à fait originale est dérivé d'un alphabet ougaritique et d'un autre proto-sinaïque archaïques. C'est cet alphabet phénicien qui sera l'ancêtre de quasiment tous les alphabets du monde dont le grec. Les caractères latins étant adaptés de l'alphabet étrusque, lequel dérive du grec ! Mais revenons aux premiers écrits cunéiformes.
- Les textes de Nippur : Les premières cités sumériennes ont laissé d'importantes traces de cette civilisation reconnue seulement il y a quelques décennies; sa durée s'étalant sur plusieurs millénaires prouve sa valeur mais on se heurtait à la lecture de son système d'écriture. Les textes de Nippur, le haut lieu religieux de Sumer, dans lesquels il est question de mythes parmi les plus anciens du monde après ceux d'Egypte sont à remarquer. Ces textes de la IIIème dynastie d'Ur révèlent un système cosmogonique et théologique devenu le fondement même des croyances et des dogmes du Proche-Orient ancien. Même si ce système n'apparait pas toujours cohérent il est homogène car il offre la vision d'un ordre cosmique finalement harmonieux. Le panthéon divin et la création ayant émergé sans heurt de l'océan primordial, l'homme ayant ensuite été conçu pour servir ces dieux dans un univers régi par eux.
Par exemple la légende de Dumuzi et Enkimdu qui met en scène la rivalité ancestrale entre élevage et agriculture, un thème que l'on retrouve dans la Bible avec la lutte entre Caïn et Abel, ou celle plus connue de l'épopée du roi Gilgamesh et sa lutte avec les dieux. Les pages mythiques de la Genèse biblique sont aussi déjà dans l'épopée babylonienne de la création du monde et de l'homme. Le fameux Déluge aussi; sans doute inspiré par des cataclysmes d'ampleur inouïe comme on peut le supputer (cf. ci-dessus) ou de plus proches évènements locaux (inondations dévastatrices du Tigre et de l'Euphrate; rupture du mince cordon de terre qui séparait éventuellement encore dans cette très haute antiquité la mer Noire de la Méditerranée, actuel détroit du Bosphore, évènement considérable qui a pu être connu dans la région), il est décrit dans cette version paléo-babylonienne de l'histoire originelle de l'humanité nommée "Le poème d'Atrahasis" apparu vers -1700 (dont la tablette de Nippur) et copié ou transposé ensuite pendant plus d'un millénaire. La colère divine (celle du dieu-souverain Enlil) y présente, tout autant que dans la Bible, la cause de la punition : un cataclysme qui dura sept jours et sept nuits; il y est aussi question d'un bateau appelé Sauve-vie construit pour l'occasion sur lequel le Noé sumérien nommé Atrahasis embarqua les siens et tous les animaux envoyés par le dieu bienveillant Enki. Heureusement les dieux réalisèrent qu'ils faisaient une énorme bêtise en détruisant l'humanité qui pourvoyait à leur symbolique entretien. A la fin du déluge, le bateau échoua également sur une montagne, Atrahasis libéra les animaux et offrit un grand sacrifice aux dieux affamés. Enlil, le dieu rival d'Enki fut furieux de ce qu'on l'avait berné et pour l'apaiser la déesse-mère Nintu eut l'idée de limiter la prolifération des hommes en limitant leur vie par l'introduction de la mort naturelle et autres malédictions comme la stérilité, la mortalité infantile ou l'interdiction aux prêtresses de procréer.
Et ce fameux déluge se retrouve de même dans l'épopée de Gilgamesh déjà citée : cette épopée écrite sur 12 tablettes aux environs du XIIIème S. avant notre ère raconte dans la 11ème qu'un homme nommé Utanapishtim fut informé par le dieu de la sagesse que l'assemblée divine avait décidé de détruire l'humanité: le dieu conseille à l'homme "Démolis ta maison pour faire un bateau ! Renonce à tes richesses pour sauver ta vie ! Détourne-toi de tes biens pour te garder sain et sauf ! Mais embarque avec toi des spécimens de tous les animaux....Six jours et sept nuits durant, bourrasques, pluies battantes, ouragans et déluge continuèrent de saccager la terre." Il s'agit toujours du même récit et comme Noé dans la Genèse, Utanapishtim lâche une colombe afin de repérer la terre émergée et accoste sur une montagne.
Comme le texte biblique ce dernier récit date d'au plus la fin du Ier millénaire av. J-C; l'inondation servant de prétexte pour montrer ce qu'il en coûte à l'humanité de déplaire à la divinité. Ce mythe d'une humanité finalement régénérée par le déluge a été réactualisé au cinéma récemment dans le film catastrophe "2012". On est bien loin alors de la dernière glaciation mais voilà comment a été intégré et phagocyté par un mythe majeur un phénomène naturel exceptionnel, soit pour expliquer certaines modifications religieuses radicales soit pour l'intégrer dans la vision du monde soumis au divin afin de l'exorciser.
- Les tablettes d'Ugarit : Trouvées par milliers et un peu plus récentes elles n'ont été déchiffrées qu'en 1930. Datant du XIV ou XVèmes S. avant notre ère quand même elles sont écrites en une écriture alphabétique originale mais encore de nature cunéiforme et là il est déjà question d'un dieu nommé El. Ce nom d'un dieu qui deviendra celui de Dieu vaut que l'on s'y arrête (et que l'on y revienne aussi puisqu'il figure dans notre nom); ce premier nom divin connu est l'abréviation d'Elohim (pluriel, nom déjà rencontré plus haut) et d'Eloha (au singulier); sa racine n'est pas certaine, un mot le caractérise fortement, celui de 'puissance'; il peut avoir d'autre part quelque parenté avec le verbe arabe "alih" qui signifie être égaré, effrayé, chercher refuge contre la peur; et sans doute est-ce pour se rassurer que les hommes des anciens temps ont cherché sa protection contre les éléments de la nature et autres calamités (exorcisation encore). C'est (déjà aussi) ce vénérable barbu présenté comme le Créateur, le père des dieux et des hommes (je vous rappelle que en hébreu ancien, le 'Am' de Amiel signifie une relation familiale proche, proche de El), El est l'autorité suprême du panthéon de cette cité dans lequel on trouve Baal dieu de la vitalité lequel combat Yam, l'Océan et Mot, la Mort; il y a aussi des déesses dont Ashérat épouse d'El et mère des dieux, laquelle évoque Ishtar (cf. Vénus) la mésopotamienne. Les tablettes sont le support de poèmes mythiques constituant quasiment les seuls témoignages directs de la religion cananéenne, les Cananéens étant ce peuple qui vivra en Palestine avant les hébreux. Là aussi les mythes ont une plus ancienne origine; les légendes rapportées évoquent beaucoup celles de Mésopotamie tout en ayant des traits bien distincts. Deux textes en particulier témoignent d'aspects originaux de la société cananéenne : la légende du roi Keret dans laquelle le dieu suprême El lui prodigue en rêve des conseils dynastiques, dans laquelle aussi le roi désobéit à la déesse Ashérat, le récit montrant comment était conçue la royauté dans le Proche-Orient ancien; la légende d'Ahat ensuite, le fils unique concédé par El, à l'instigation de Baal, au roi Danel ("Justice du Très-haut") dans laquelle il faut voir sans doute le mythe relatif à la succession des saisons sèche et humide, symbolisées par la mort et la résurrection d'Ahat (on connait cela aussi en Egypte, c'est une histoire qui fera plus tard florès avec le Christ !). Un autre mythe raconte comment de l'union du dieu El avec les déesses Ashérat et Anat naquirent les autres dieux du panthéon d'Ougarit. El, en tous cas dans ces textes est le Roi, Taureau, Très-Saint, Bonté et Compassion, tout au masculin ! Voilà qui annonce le futur dieu unique que définiront plus tard les hébreux et que reprendront à leur compte autant les chrétiens que les musulmans quelques mille et mille six cent ans plus tard encore !
- Dans la même région : Un peu plus au septentrion (de l'Asie Mineure et en descendant jusqu'au nord de la Mésopotamie) le peuple hittite de haute culture, du IIème millénaire précédant notre ère, aura lui aussi un panthéon important, dans lequel se trouveront des dieux mésopotamiens et babyloniens (cet empire s'éteignit vers -1225). La Perse développera quant à elle le combat entre le Bien et le Mal, thème essentiel repris par plusieurs religions postérieures dont tardivement le catharisme occitan; un thème traduit par la mise en place d'une pléiade d'anges contre autant de démons, (lesquels voyageront tant bien que mal (!) jusqu'à nous via les hébreux) et enfin Ahura Mazda deviendra chez eux la divinité suprême avec le prophète Zoroastre au VIIè-VIème S. avant J.C.; le Bien triomphera à la fin du monde, un thème repris et bien connu dans les Apocalypses hébraïques et chrétiennes qui s'en empareront. Quant au culte du dieu Mithra il se répandit jusqu'en Europe, objet d'un culte ésotérique dans l'Empire Romain, adopté déjà dans la Rome antique, mais étant compris dans le panthéon anti-chrétien il disparaitra avec toute la pléiade divine devant l'exclusivité proclamée du seul vrai Dieu définitif.
- En conclusion : On le voit, les mythes ont non seulement perduré sous des formes différentes adaptées à chaque civilisation, soutenant les récits des religions originelles, mais ils ont aussi voyagé et se sont propagé certains sans doute jusqu'à nous notamment par des représentations tendant à les annuler édifiées par les religions dites du Livre héritières, passeuses souvent inconscientes et involontaires de ce vieux fonds mythique proche-oriental. Ces représentations cryptées ne peuvent les effacer, seulement les cacher ou les réinventer par leur propres références car, comme le dit justement le romancier Robert Marteau dans "Mont-Royal" : "Pour détruire la racine du mythe, il faut anéantir la semence même de l'homme".
(=> pour partie "Mythologies du monde entier" Chap. sur le Proche-Orient, voir rèf. page précédente).
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