AMIEL! ...le doux nom ! (il rappelle l'AMI,
L'AILE qui fend l'azur, le MIEL du Mont Hymette),
ELLE ! (Nom ravissant dont tout cœur a frémi)
Et que vous portez bien votre nom, ô poète !

Quatrain sur H. F. Amiel qui lui fut envoyé par Charles-Louis de Bons (noté dans son Journal le 6 juin 1871). Ce contemporain d'Amiel fut un homme de lettres, poète suisse et un homme politique, journaliste aussi.

L'homme honnête est celui qui ne se pique de rien.
L'un de ses aphorismes, à lire (aussi) selon la langue des oiseaux, à propos de ce qui suit.....
HOMOPHONIES AMIELIENNES :
Par cet aphorisme on peut voir combien il aimait les calembours anagrammes et autres amusements littéraires comme charades. Toujours relativement à son nom voici comment il définit la mission culturelle de la Suisse romande : "Appendus au flanc des Alpes, nous pouvons envoyer au Midi, à l'Est et à l'Ouest, des abeilles travailleuses, qui nous rapportent de l'Italie le goût des arts, de l'Allemagne la pensée sérieuse et profonde, de la France l'élan rapide et la vigueur nette, et de tous ces trésors divers composer un miel un peu montagnard et âpre, s'il le faut, mais tonique, salubre, et, à tout prendre, agréable".
Henri-Frédéric Amiel n'a pas échappé, vous vous en doutez, à ces jeux de mots auquel son patronyme se prête si naturellement dirons-nous et dont il n'est donc pas dupe. On a vu dans la partie symboles ce que l'on doit penser de la légère mais originale "langue des oiseaux". Phonétiquement parlant (!) notre nom Amiel ne peut que faire l'objet d'une approche amusante et les auteurs littéraires s'en sont donné à cœur joie à ce sujet, notamment en ce qui concerne notre diariste comme on va le voir. Je reprends ici l'article du même titre que j'ai publié dans mon blog "Le monde des Amiel" y compris quelques éléments généraux concernant nos amies les abeilles sur lesquelles se base l'homophonie sur notre nom et que je n'ai pas inséré dans la partie symboles.
L'homophonie dans les langues correspond aux jeux de mots, paroles à double sens, calembours, quiproquos...Cette "embrouille" linguistique de toutes tournures amusantes, bizarres, inattendues est source de bien réjouissants feux d'artifices et autres embrasements verbaux dont beaucoup d'auteurs y compris des plus sérieux, ont tâté au moins à un moment de leur vie littéraire.
Pour notre sujet patronymique, bien que l'on nomme également d'autres animaux par ce qualificatif (oiseaux ou fourmis 'à miel' par ex.) le plus courant en Europe parait être l'allusion à une certaine mouche, non pas de celles qui nous sont répulsives et sur lesquelles je n'insisterai pas plus longtemps, mais de ces mouches que l'on nomme depuis quelques siècles, abeilles. Ces animaux si industrieux furent, en français, jusqu'au XVIème S. appelés "mouches à miel" et encore de nos jours les scientifiques les nomment ainsi. Pourquoi cette expression a t-elle prévalu si longtemps dans cette langue qui, habituellement, préfère des mots précis pour exprimer ce genre de désignation ? Et bien parce que cet animal si particulier (comme les animaux domestiques, mais en est-il un ?) était l'objet d'un tabou : en utilisant le mot composé avec 'mouche' le mauvais sort n'était pas attiré sur la colonie et la maisonnée, le nom de l'insecte n'étant pas prononcé (à rapprocher du nom de Dieu que les hébreux puis les juifs s'abstiennent de prononcer et le remplacent par seigneur). D'après les linguistes et ethnographes la disparition du tabou à entraîné celle du nom de remplacement. Toujours est-il que l'expression est restée dans la mémoire collective et que pas mal d'Amiel en France en ont fait les frais lorsqu'ils étaient enfants au moins, car, bien entendu, c'est le rapprochement avec ces mouches qui nous pourrissent la vie (lisez bien !!) que nos noms ont été reliés. Cette "mouche à miel" dont le bénéfice pour l'homme est quasi immémorial comme on l'a vu, fut l'objet de pas mal de fables, proverbes, légendes... couchées sur le papier. En voici un petit florilège.
On pensait par ex. qu'il valait une seule mouche à miel que cent bourdons sans miel. Après le grand poète de la Renaissance Ronsard qui a composé en leur hommage le poème "Aux mouches à miel", plusieurs fabulistes, spécialité littéraire des XVII et XVIIIèmes S. ont versifié sur elle; à commencer par l'illustre La Fontaine avec "Les frelons et les mouches à miel" mais encore Gellert (allemand d'origine) avec "La mouche à miel et la poule", Pfeffel (alsacien) auteur de "Le Papillon et la mouche à miel"; Curtil enfin, au XIXème S. avec "La mouche et l'abeille" qui semble, avec ce titre, en finir avec cette désormais ancienne appellation, littérairement parlant du moins.
Et donc on ne peut être surpris de trouver quelques notations concernant Henri-Frédéric Amiel. Sylvain Monod dans "Pastiches" (Ed. Lefebvre 1963) indique l'utilisation à son encontre de l'expression "Ne prends pas la mouche, Amiel" que l'intéressé prit toutefois pour un aimable jeu de mots ! Il est raconté par ailleurs que les gamins de l'un des quartiers genevois qu'il habita l'affublaient de ce piètre calembour; Raymond Queneau le reprend d'ailleurs dans la notice qu'il lui consacre dans son œuvre "Les écrivains célèbres : le XIXème S." (Mazenod, 1953) après l'avoir toutefois affublé du qualificatif d' "original" ! Mais l'allusion à l'abeille peut tout autant être un moyen astucieux de grandir l'individu voire sa famille, s'il a le droit ou s'il acquiert le droit de porter des armes, j'entends par là le droit de porter un blason et on a vu que les Amiel ne s'en sont pas privé sous l'ancien régime. Blasonner son nom par ces mouches si précieuses aux hommes est une allusion homophonique spéciale autant qu'est particulière l'histoire générale des rapports que nous entretenons avec elles.
Le symbole de royauté des anciens peuples de la mouche à miel devient l'abeille par emprunt on l'a dit à l'occitan 'abelha', terme dont la toute première définition se trouve dans le Dictionnaire de l'Académie Française de 1694 comme étant bien la 'mouche à miel', un animal bien défini par son produit, extrêmement populaire, faisant l'objet en ethnologie de nombreuses relations. Populairement elle est en France la "mouche du Bon Dieu" ou "Bête à Bon Dieu". Hormis ce que j'ai déjà dit à ce sujet on peut indiquer encore que lorsque leur maître venait à mourir, on les en informait et un crêpe noir mis sur la ruche indiquait qu'elles aussi étaient en deuil; on leur parlait régulièrement quand on s'occupait de la ruche, le peuple des abeilles étant bel et bien assimilé au 'peuple de Dieu', l'allusion à l'origine hébraïque de notre nom est ici bien plus qu'homophonique ! Les "mouches à miel" faisaient en quelque sorte partie de la famille villageoise : elles étaient respectées, on ne les vendait pas, elles faisaient plutôt l'objet d'échanges car ce n'était pas du bétail ordinaire ! Le miel produit de leur incessant et fastidieux travail était présent dans les gâteaux destinés à l'église, à l'égal du pain; très présent même à Noël où il figurait une représentation du Paradis; on l'offrait autrefois aux nouveaux-nés en Catalogne et il était censé adoucir la vie, semblable à un baume universel....Chez les hébreux ce fut un cadeau divin (rappelez-vous l'Ancien Testament) le miel est toujours présent pour les fêtes juives majeures comme Roch Hachana (le nouvel an) ou Hanouka (commémoration de l'inauguration par purification du Temple après la Révolte des Macchabées)....C'est en raison d'un miracle produit par la lumière de l'huile d'olive qui brûla 8 jours consécutifs sur la Menorah lors de cette inauguration qu'il fut décidé que la lampe juive traditionnelle aurait dorénavant non plus 7 mais 8 branches....elle en a neuf aujourd'hui.
Pour en revenir à l'aspect homophonique lié à notre nom via Henri-Frédéric et les littéraires, on peut noter d'autres exemples savoureux qui témoignent de l'esprit quelquefois 'léger' de son siècle.
En 1854, H-F. Amiel publie son recueil de poèmes "Grains de mil" où se trouvent quelques vers assez pauvres il est vrai sur le chant de son canari (son oiseau en cage sans autre allusion grivoise de la langue des oiseaux!). Marc Monnier, un écrivain genevois de ses amis, lui envoya à ce propos ces vers holorimes du même acabit : Ta muse, Amiel, elle enchante, elle épate / T'amuse. Ah miel et menthe, élan, chante, aile et patte. Pas terrible, je sais !
Robert Caze dans ses "Poèmes rustiques" lui dédie en tant qu' "excellent poète de Genève" ces quelques vers : Amiel embellit ce qu'il touche, / L'harmonie habite en sa bouche; / Il cisèle et polit le vers. / Aucune cheville ne bouche / Sa strophe aux caprices divers. / Il saisit la rime farouche / Dans les buissons et dans les airs. / Il butine comme une mouche / Amiel. Sans être un chef d'œuvre, ces vers-là virevoltent quand même un peu plus haut!
Marc Monnier s'est cependant fendu lui aussi d'un vrai hommage à son ami, paru dans "Vers Belletriens" (Revue des Belles-Lettres; janvier 1869) : Puis au professeur sympathique / Qui sut butiner dans l'Attique / A la fois le sel et le miel / Ici la rime veut Amiel, / Et la raison soit dit sans frime, / Marche d'accord avec la rime... ce qui est encore mieux ! C'était lors d'un banquet et, quelques vers plus loin, l'ami Monnier levant son verre à la santé de son ami conclue par : Je bois donc, qu'on me le permette, / Au professeur qui sur l'Hymette, / Butina le sel et le miel: / Rime et raison disent Amiel. Un mot sur l'Hymette avant que la question ne me soit posée : Il s'agit d'une montagne grecque de l'Attique, située au sud d'Athènes, connue des anciens et de ce mont a été retenu le dessin stylisé de l'abeille de ce nom, dessin épuré qui servit d'élément classique de décoration du style Empire. Plusieurs poètes de la Renaissance ont joyeusement rimé par ce mont avec celui d'une vieille appellation de l'abeille, l'avette; ainsi Pierre de Ronsard : Et du miel tel qu'en Hymette / La desrobe-fleur avette / Remplit ses douces maisons. (Poésies diverses, 1587).
Enfin, dans la "Revue Française" (n° 193 à 195) on trouve un exemple incisif de cette allusion au miel à propos de l'œuvre principale d'Henri-Frédéric, son "Journal Intime" bien sûr : Sa précision est liée à la cire, et le miel sans la cire, le miel sincère, est aussi le miel sans la précision. Je ne hasarde ici qu'une image étymologique. On la réalisera peut-être (et contre moi hélas) en songeant aux imprécations d'Amiel envers la langue française, dont l'exigence de précision dénaturait son être intérieur, au fur et à mesure qu'il l'exprimait. Vous savez ce qu'il peut en être maintenant de cette image étymologique, prétexte comme vous venez de le lire à maugréer, en tant que français bien entendu, sur cet admirateur de la langue allemande qui, pourtant, mania si bien la langue française, la langue de ses pères, ne l'oublions pas ! Fierté et jalousie probablement...mais on a vu qu'il n'aimait pas tellement les français qui le lui rendent ainsi mais d'une piètre manière !
Vous verrez dans la partie sur la relation de notre nom avec le monde de la culture litttéraire, qu'elle soit française ou étrangère, combien notre nom est utilisé dans ce domaine, et quelquefois par homophonie, cela va de soi !
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