L'HISTOIRE D'AMIS ET AEMILE
Il s'agit d'une chanson de geste dont la plus lointaine mention date d'environ 1200, une histoire merveilleuse qui appartient à ce que les spécialistes du genre appellent le 'style provincial', et particulièrement à la 'petite geste de Blaives' ou Blayes (une autre chanson en faisant partie, celle de Jourdain de Blaye), située ici dans un cadre littéraire carolingien. D'ailleurs la Chanson de Roland situe curieusement la sépulture du fameux neveu du grand Charles dans ce lieu de Blaye, en Gironde. Cette histoire a une origine orientale et fut ramenée par les Croisés peut-être; elle fut écrite en hexamètres latins, mais on trouve une version grecque et même une version indienne.
C'est une histoire d'amitié indéfectible reliée donc ultérieurement à l'épopée du cycle de Charlemagne, une histoire des suites d'une bataille du grand Charles contre les lombards qui aurait eu lieu en 773 et dans laquelle les deux amis auraient péri. Amile aurait été enterré près ou dans la petite église de San' Eusebio et son ami, Amis, dans celle de San' Pietro de la cité de Mortara où eut lieu la prétendue bataille; un miracle fit que l'on retrouva le corps d'Amis aux côtés de celui d'Amile à San'Eusebio selon la légende et pour commémorer ce miracle aurait été construite l'abbatiale de Sant'Albino, située et ce n'est pas un hasard sans doute sur la Via Francigena où furent transféré les sépultures des deux amis, toujours côte à côte. Ces deux tombeaux jumeaux ont fait l'objet très longtemps d'une dévotion dans ce lieu, étant considérés, on le verra, comme des saints.
-1- Le nom de l'ami d'Amis : Amile :
Tandis que le nom d'Amis ne soulève aucune difficulté, il vient tout simplement d'Ami, du latin 'amicus', celui d'Amile, a au premier abord quelque chose de singulier. Nonobstant sa ressemblance avec Ami, sa forme est toutefois plus proche d'Amelius. Il est vrai que Godefroy de Viterbe écrit lui, Amilius (cité par Bédier, Les Légendes Epiques, II, 172) mais c'est très probablement sous l'influence du français Amile (forme première qui sera supplantée dans cette langue plus tard par Emile); de même il n'écrit pas Amicus mais Amis : "Amis et Amilius parili sunt Marte necati" (soit Amis et Amilius sont semblables, morts à la guerre). Amelius et Amilius sont deux formes identiques romanes, issues du latin Aemilius comme on le sait.
Ce nom d'Amelius auquel les auteurs du Thesaurus Linguae Latinae attribuent une origine grecque (on a vu qu'en effet cette origine latine est éventuellement grecque en réalité, selon les auteurs antiques latins), la faisant venir de Aïmilios, pourrait donc avoir une très ancienne origine : on le rencontre assez souvent à l'époque mérovingienne et aussi en Espagne (cf le Thésaurus); puis on le retrouve du IX au XIème S. et encore dans les siècles suivants, surtout en pays de langue romane d'oc, au sud de la Loire. On sait qu'il a survécu dans la langue parlée dans ces régions sous différentes formes et est resté jusqu'à nos jours comme patronyme, avec les formes courantes de Amiel, Ameil ou même Amel vers la Belgique.
Le nom en lui-même n'a par conséquent rien de spécial; ce qui reste singulier c'est la forme employée en français pour sa désignation, Amile, constamment écrit avec un 'i' et en trois syllabes. La BNF conserve à ce sujet un manuscrit enluminé "Les miracles de St Louis" écrit vers 1330-1340 dans lequel est relaté un miracle touchant Amile de St Mathieu, un bébé dont la mère tombée en se levant la nuit pour lui donner le sein fut guérie sur son intercession. Des savants linguistes du XIXème S. ont vu en Amile une forme savante ou semi-savante dans laquelle le 'i' change de place et devient post-tonique, le 'e' étant relégué à sa place ce qui élimine les restes de la forme latine et francise ce nom par la même occasion. Une forme enfin d'où sera tiré le plus connu nom de Milon autant dans l'histoire que dans les légendes du moyen-âge.
(=> voir rèf. 2).
-2- Résumé de l'histoire :
C'est presque banal à la base, un lieu commun, l'histoire souvent utilisée de l'amitié, une amitié très forte entre deux jeunes hommes qui durera toute leur vie; un sujet édifiant par sa nature autant morale et sociale que religieuse. Une histoire d'un couple d'amis que l'on trouve déjà chez les anciens grecs : celle de Damon & Pythias, d'Oreste & Pylade ou d'Euryale & Nisus...et qui n'a rien à voir avec une quelconque homosexualité impensable moralement, socialement ou religieusement.
Tout commence dès leur naissance : Ils ne sont pas proches par leur conception de parents différents, ni par leur naissance dans des endroits éloignés, mais ils le sont par au moins des éléments liés à leur naissance : Ils ont été conçus et sont nés à la même heure, le même jour, ils ne sont pas jumeaux donc mais c'est tout comme pour l'histoire; ils ont été baptisés le même jour ...et mourront aussi le même jour. Les parents respectifs solliciteront (et obtiendront) que le pape soit leur parrain. Mais comment les différencier , tant ils se ressemblent physiquement? Le pape leur donnera à chacun un 'hanap' (vase à boire) différent dit le texte (ce qui sera bien pratique dans la fin de l'histoire). On voit par la suite qu'ils vont grandir assez éloignés l'un de l'autre : L'un à Clermont-Ferrand, l'autre à Bourges, dans le centre de la France en construction d'alors. A l'âge de quinze ans à peine, voilà que, poussés par la Providence sans doute, ils partent chacun au même moment de leur maison afin bien entendu de pouvoir se rencontrer. Ils ne seront pas toutefois guidés par la même suprême sagesse divine puisqu'ils vont pas mal se chercher, mais enfin ils parviendront à se trouver et émus se jureront une éternelle amitié.
Mais ces évènements, comme on l'a dit, se passent du temps du grand roi et empereur Charlemagne, soit à la fin du VIIIème S. Ils vont devenir de vaillants serviteurs dans ses armées et le suivront dans ses batailles formidables, notamment en Italie. Les faits d'armes des deux amis font des jaloux auprès du futur empereur; le traître Hardré qui est un de ceux-là tente de semer la discorde entre eux pour les discréditer. Il complote mais va être pris à son propre piège. Pour se faire pardonner il va leur offrir la main de sa nièce, Lubias, Dame de Blaye, en Gironde (d'où le rattachement de l'histoire indiqué en introduction). Et Ami va accepter ce mariage qui se révèlera catastrophique. De plus il se trouve qu'Aemile, Amile, dont le nom rappelle beaucoup celui de son ami, Ami (!) est, lui, entre temps, tombé amoureux de la propre fille de Charlemagne qui portait le beau et doux nom de Belissant. Hardré, encore lui, les surprend et pour se venger de son échec précédent va immédiatement annoncer et dénoncer à son souverain cette grave nouvelle. Voilà notre Aemile accusé et qui est tenu de se justifier d'une telle attitude irrespectueuse par un combat judiciaire; mais il ne peut le soutenir car l'accusation est bel et bien exacte, il ne saurait mentir.
Toutefois les deux amis vont tirer parti de leur incroyable ressemblance, ils vont simplement s'échanger leurs vêtements et se faire passer l'un pour l'autre. A partir de là il faut bien suivre! Aemile va se retirer dans le château d'Amis, tous là-bas à Blaye vont le prendre effectivement pour le vrai seigneur des lieux, y compris l'épouse Lubias, auprès de qui il va se coucher et se comporter comme son mari; ah! non cela ne va quand même pas aller jusqu'à... non rassurez-vous, nous sommes au moyen-âge, certaines règles sont inviolables, dont celle de l'honneur : Pour le garder quoi de plus simple que de disposer entre eux, sur la couche, une épée nue, symbole et gardienne de la chasteté. Cependant Amis, se faisant passer pour Aemile, put alors jurer sans se parjurer qu'il n'avait pas séduit la princesse Belissant et effectivement soutenir le fameux combat judiciaire : Il tue l'accusateur, et victorieux épouse sous le nom de son compagnon, la belle princesse. Mais lui aussi, fidèle à l'honneur et à son amitié, il ne la connait pas (comme on disait alors, charnellement) et la conduit à celui qui l'aime, son vrai mari, son ami.
Mais voilà que le ciel s'en mêle, Dieu sans doute mécontent de la ruse, frappe Amis de maladie, il contracte la lèpre. Maladie honteuse, irrémédiable pour longtemps encore, dégénérative pour les membres de ceux qui en sont atteints, et que les bien portants fuient comme la peste. Le voilà chassé par sa femme, errant de pays en pays, pendant des années, réduit à mendier pour vivre, jusqu'au jour où, enfin, il parvient au château de son ami, et où ce dernier, ignorant ses malheurs, vivait en paix. L'amitié indéflectible est toujours là, Aemile reconnaît en ce misérable son ami Amis, notamment grâce au fameux hanap donné par le pape à leur parrainage; il le recueille donc, et le soigne affectueusement.
Un jour Dieu lui enseigne comment guérir de ce mal infamant son ami : Il faut qu'Aemile égorge ses deux enfants (voilà un sacrifice suprême qui en rappelle un autre, bien connu dans les Ecritures) et qu'il frotte de leur sang les plaies purulentes du pauvre hère. Il parvient à s'exécuter de l'horrible remède, il guérit effectivement son ami et comme à Hollywood, un miracle supplémentaire d'origine divine, vient ressusciter les deux enfants, bien innocents vous en conviendrez.
Suprême et ultime preuve de leur amitié décidément indéfectible: Ils meurent le même jour, selon la légende, de retour de pèlerinage en Terre Sainte pour certains auteurs, sont enterrés et par approbation divine de leur amitié si exemplaire, leurs tombes respectives vont se réunir. Leurs tombes jointes auraient été redécouvertes miraculeusement bien plus tard alors qu'ils avaient été oubliés des hommes. Un récit édifiant italien daté de la 1ère moitié du XIIème S. nommé "Vita Sanctorum Amici et Amelii Carissimorum" dit, lui, que les deux amis sont morts dans la bataille où Désidérius le roi du coin fut vaincu par Charlemagne à Mortara; ce qui permet d'insérer l'histoire dans la geste carolingienne.
On montrait parait-il encore au XVIIIème S. dans l'église Sant'Albino de Mortara, les restes des deux corps, révérés comme des saints, ils étaient appelés Amico de Beyre (car époux de la dame de Blaye) & Amelio d'Alvernio (car donné comme fils du comte d'Auvergne).
Et la geste dit : "... Huimais orréz de douz bons compaingnons,
Ce est d'Amile et d'Amis le baron.
.../...
A Mortiers gisent, que de fi le seit on.
Huimais orréz de douz bons compaingnons...".
La belle légende a donné lieu à diverses compositions latines, en prose comme en vers, à un poème anglo-normand, à la chanson de geste carolingienne française du XIIème S. et diverses autres.

(rèf. 1 => "Bibliographie des chansons de geste" L. Gautier, Paris 1897; "A & A Und Jourdain de Blaives" C. Hofmann 2ème ed. 1882; "Histoire des Français au Moyen-Âge" K. Nyrop. trad. italien E. Gorra, Turin 1888; "Les chansons de geste & les routes d'Italie" in "Légendes Epiques du Moyen-Âge" J. Bédier Paris 1917; Encyclopedia Italiana 1929, art. de V. de Bartholomaeis : "Amis & Amile"; "Une extrême amitié" in "Ami et Amile. Une chanson de geste de l'amitié" Etudes recueillies par J. Dufournet, Champion, Paris 1987 (Coll. Unichamp).).
-3- Comprendre la leçon d'amitié et de foi :
Cette fable se déroule dans un climat de religiosité extrême (c'est même Dieu qui l'a voulu ainsi). Tout le sens de l'histoire est dans l'acceptation du sacrifice. Pour Aemile on pense au sacrifice auquel fut exposé Abraham (pour son fils Isaac), celui-ci préfigurant celui à venir du Christ; et l'on pense à celui du Christ dans celle-ci. Au 1er sens il s'agit bien de la fidélité dans l'amitié mais tout va dans le récit dans le sens d'une 'purification' sous le regard divin (les anges, Dieu). Le roman s'achève d'ailleurs par la mort des héros revenant d'un pèlerinage en Terre Sainte selon une forme. Il y a aussi le thème très médiéval de l'altérité féminine (la méchante et l'entreprenante) et d'un autre côté l'amitié fraternelle masculine. Il s'agit de sauver l'ami qui a déjà sauvé soi-même, tout comme Dieu est sacrifiant et sacrificateur par la Rédemption de Jésus-Christ pour l'humanité entière. Fraternité, divinité et sacrifice sont ici intimement lié. L'amitié y est même sacrifiée à la transcendance divine (le pouvoir de Dieu).
-4- Sur l'auteur, l'époque, les suites :
Autrefois on pensait que l'origine était, comme je l'ai indiqué au début, orientale (par les Croisés) ou grecque selon les Frères Grimm, parvenue sous la forme latine ou enfin spécifiquement latine et rattachée après coup à l'épopée carolingienne. On attribuait son écriture en hexamètres latins à un certain Raoul Le Tourtier, qui serait né à Fleury-sur-Loire en 1063, aurait vécu en Normandie et serait mort après 1122. Mais des études récentes ont démontré qu'il s'agit plutôt de répliques de deux chansons de geste françaises. Le manuscrit original le plus ancien est à la BNF : il est composé de 3500 vers écrits vers 1200 en langue francilienne (et non française, on en était encore bien loin), c'est une chanson de geste appartenant au cycle provincial et notamment à la petite geste de Blaives comme on l'a dit. Il est par contre certain que cette fable fut popularisée dans l'Europe entière; Hoffmann en énumèrera trente versions dans presque toutes les langues de l'Ouest et de l'Europe du Nord. Cette chanson eut une suite composée fin XIIème-début XIIIème S. toujours dans la langue francilienne par Jourdain de Blaives (Blaye en Gironde), dans laquelle le dit Jourdain est le petit-fils d'Amis; les histoires pourtant très différentes sont comparables techniquement, artistiquement et thématiquement.
L'origine matérielle, le support ethnologique est à chercher dans l'Italie du nord : A Mortara (entre Verceil et Pavie) sur l'une des routes que suivaient les pèlerins allant de France à Rome, on pouvait effectivement lire, sur deux monuments funéraires, les noms d'Amicus et Amelius (cf. "Romania" , XIV (1885), 318, de G. Paris). On fit par une nouvelle tradition de ces deux personnages au nom si proche et si parlant, deux amis inséparables et un jongleur, un raconteur d'histoires, a pu bâtir sur cette belle donnée colportée par les pèlerins, une édifiante chanson de geste (dans laquelle le jongleur a donné juste un habit poétique à la légende), et qui est la source de tous les récits postérieurs de ce modèle, en latin comme en français et dans les autres langues, en vers comme en prose.
Ce fameux jongleur qui aurait mis en forme le poème-archétype était sans doute un français, trouvère de son état donc : Le nom du traître, Hardré, est traditionnel dans le genre de l'épopée française (latinisé chez Raoul Le Tourtier et dans la légende latine). Et même dans la légende latine les deux héros sont français : Amis est censé être né dans le Berry et Amile en Auvergne comme on l'a vu. Chez R. Le Tourtier si Amile est toujours auvergnat, il donne pour origine à Amis, Blaye, en Gironde (d'où ce que l'on a écrit à ce propos).
Ce trouvère aurait écrit probablement avant l'an 1000; il aurait utilisé, outre la légende nord-italienne (contenant les noms des deux amis, leur amitié indéfectible, le miracle des tombes réunies), des données empruntées à des récits écrits ou oraux, ou encore imaginés de même inspiration.
Enfin on voit dans cette histoire la persistance d'un temps alors bien oublié, celui de la grandeur romaine passée, un souvenir qui n'était alors conservé que par l'Eglise, la Curie Romaine et le Pape; cette image de Rome transparaissant alors dans la littérature en France dans l'Ecole dite de La Loire ou Ecole d'Angers, bien que cette notion soit assez floue; une école dont Raoul Le Tourtier ne fit pas partie car il était moine et que le mouvement poétique du Moyen-Âge était séculier. L'intérêt pour ses Epitres fut éveillé par cette version la plus ancienne qui soit de la fameuse légende. Une histoire merveilleuse insérée par Jacques de Voragine dans sa fameuse recension de vies de saints nommée la "Légende Dorée" au XIIIème S. c'est une légende célèbre encore de nos jours, prise comme exemple dans les universités, je citerai "Epopée médiévale et questions de droit. Règlement des conflits, résolution des tensions : Le cas d'Ami et Amile et de Jourdain de Blaye" à paraître, par le Pr. B. Ribemont de l'Equipe de Recherche Littérature & Histoire de l'Université d'Orléans et les références qui suivent.
(rèf. 2 => "Etude de G. Huet et notes "Ami et Amile, Les origines de la légende" dans "Le Moyen-Âge Revue d'Histoire & de Philologie" Marignan, Prou, Vidier & Wilmotte, 2ème série, T.XXI; Janv. à Juin 1919; Champion, Paris. "Romances en vieux français" W. Monis, Univ. d'Adélaïde Australie, 2004, chap. "L'amitié d'Amis et Amile". "Ami et Amile, une chanson de geste de l'amitié" s/s la direction de J. Dufournet, Champion, Paris, 1987).
- Autour de l'œuvre :
¤ Fruit de trouvères ? :On a pu déduire que le roman de Jourdain de Blaye appartenait aux traditions de Midi de la France donc de la manière des troubadours, pourtant un manuscrit du nord, celui de Tournay, en Belgique, indique quant à lui une façon plus en accord avec les trouvères. Voici les premiers vers de cette dernière version écrits en francilien:
Oiez, Seignor, que Dex vos bénéie,
Li glorioz, li fiz sainte Marie,
Bonne chanson qui est vielle et antie,
Elle est molt bonne, si fait très bien à dire,
D'Ami define et du preu conte Amile... .
¤ L'amitié remède à la mélancolie : Pierre Levron dans "Mourir de mélancolie (ou par la). Quelques morts singuliers dans la littérature... du XII & XIIIème S." note que "l'amitié figure parmi les remèdes traditionnels à la mélancolie; des médecins et des encyclopédistes le soulignent ainsi que des écrivains médiévaux; et parmi toutes les formes d'amitié médiévale, l'amitié héroïque s'en distingue par une contagion de l'amitié fusionnelle, telle celle d'Ami et Amile, avec l'amour héroïque".
¤ Sur la gémellité, procédé littéraire : Un article de Beatrix Koncz de l'Université Eötvös Lorand "Gémellité dans la littérature médiévale. Ami & Amile, vrais ou faux jumeaux ?" dans les comptes-rendu du XIIème Congrès de la Société Internationale de Littérature Courtoise (Lausanne 2007) rappelle d'autres cas de gémellité légendaire dans diverses traditions comme ceux de Jacob & Esaü, de Castor & Pollux ou de Rémus & Romulus; elle s'interroge sur leur gémellité supposée car on peut conclure qu'il s'agit souvent d'un seul et même personnage. Bien qu'accomplissant tous deux la morale chevaleresque et sociale de leur époque, la doublure donne la possibilité d'induire le lecteur en erreur car des apparences trompeuses, des scènes piquantes, de subtils dénouements relèvent effectivement de l'esthétique de la chanson de geste. Et elle émet ces questions : L'auteur voulait-il suivre l'exemple des vieux thèmes populaires des jumeaux et l'amitié est-elle un emblème de la gémellité ?
- Qu'en penser enfin ? :
Beaucoup de spécialistes de ce genre sont dubitatifs sur la façon de voir cette œuvre : Est-ce bien une chanson de geste ou alors une hagiographie voire un roman ? Ce qui est certain en tous cas c'est le charme "au sens propre et fort du terme, de cette œuvre atypique et énigmatique de nous ramener toujours au même problème fondamental humain de notre nature et de notre devenir, oscillant constamment de l'un à l'autre, d'Ami à Amile, ces deux noms emblématiques, semblables et pourtant différents, toujours en quête d'une connaissance et d'une unité impossibles à atteindre ici-bas, que ce soit par le biais de l'amour ou par celui de l'amitié" ("Ami et Amille : une œuvre carrefour" J. Ribard 1990). Voilà en effet qui nous rappelle quelque part ce qu'en a dit le voyant Edgar Cayce à propos des origines mythologiques de l'homme sur terre; si vous avez oublié, revenez-y voir !.
Enfin la dévotion qui fut développée autour des tombeaux d'Amis et Amile à Mortara peut faire penser à celle plus connue de Roméo et Juliette à Vérone bien qu'il s'agisse alors non plus d'amitié mais d'amour; on sait bien que ces sentiments sont quelque part parents ! Il s'agit bel et bien de deux légendes qui ont bien fait profit, chacune à leur époque.
En effet, comme à Mortara où les tombeaux des deux amis ont fait très longtemps l'objet de dévotion religieuse, à Vérone, on visite toujours les prétendus lieux de l'histoire amoureuse moderne des deux jeunes gens qui doivent beaucoup, en ce qui les concerne, leur popularité mondiale à un certain Shakespeare, jusqu'au faux tombeau en pierre de Juliette qui en réalité est une mangeoire, mais le commerce touristique ne s'arrête pas à ces considérations, ce fut autrefois l'intérêt de la religion catholique, de nos jours c'est celui de l'intérêt commercial qui prime.....
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