SUZANNE DE NAMIEL Mère de CLAUDE SIMON Prix Nobel de Littérature 1985 :
- Cette dame qui a donné au monde Claude Simon Prix Nobel de Littérature en 1985 (et Prix Médicis en France en 1967) est d'origine catalane. Elle est née en 1877 dans une famille d'assez riches propriétaires terriens qui possédaient des vignobles dans l'aire roussillonnaise et de petite noblesse ne remontant qu'au Ier Empire. Mais il me faut dire un mot sur l'origine même de ce patronyme.
- La particule ne signe pas ici nécessairement une origine noble, même nouveau noble; cette orthographe si française n'est qu'une des manières d'écrire dans cette langue un nom bien plus occitan et très ancien celui qualifiant la personne "qui appartient à la famille d'un Mr Amiel", une habitude régionale qui remonte au haut moyen-âge, une façon souvent rencontrée aussi dans les toponymes du midi, particulièrement en Lauragais languedocien, lesquels font référence directement au nom de personne Amiel. La forme simple Namiel est présente comme patronyme tout au long de la chaîne pyrénéenne (Hautes-Pyrénées, Ariège) et en catalogne espagnole. Voilà donc une forme patronymique de notre nom bien et exclusivement occitane.
- Le nom Denamiel fut celui de plusieurs personnages roussillonnais au XIXème S. comme ceux que l'on trouve dans les épisodes locaux de la Révolution Française, le chirurgien Jean-Jacques Denamiel, le juge de paix de Rivesaltes, membre de l'Académie des Sciences, qui fit œuvre de statisticien de la justice de son secteur pour laquelle il fut distingué, Joseph Denamiel qui écrivit un opuscule sur le traitement de l'oïdium en 1856, maladie qui faisait alors des ravages dans les vignes ou l'ingénieur des Ponts et Chaussées et hydraulicien Alfred Denamiel enfin. Alfred fut architecte de la ville de Perpignan et viticulteur : il a l'idée de construire des barrages-réservoirs afin de pouvoir inonder les vignes pour les protéger du phylloxéra : persuadé de sa méthode dès 1877 pour lutter efficacement contre cet autre fléau de la viticulture, fatal pour les pieds de vigne, responsable de l'hécatombe du vignoble jusqu'à l'arrivée des plants américains qui eux, résistants, sauvèrent la grande culture de la région languedocienne. Suzanne est la fille d'Alfred.
- Suzanne De Namiel ou Denamiel eut donc pour père cet homme remarquable et par sa mère elle descendait d'un personnage à l'histoire assez riche : Il s'appelait Jean-Pierre Lacombe St Michel, ce fut un révolutionnaire et un régicide assez rejeté de ce fait par ses proches descendants; il sera élu Député du Tarn à la Convention, puis membre du Comité de Salut Public après la chute de Robespierre en Juillet 1794; sous l'Empire il deviendra un Général de la Grande Armée. Une figure qui tranche nettement avec celle de son frère Jean-Eugène qui, lui, fut royaliste fidèle, une différence qui a fortement intéressé Claude Simon leur descendant; il en a fait même le thème central de son œuvre "Les Géorgiques" dans laquelle il transpose l'opposition entre le général révolutionnaire et son frère légitimiste dans l'opposition plus contemporaine entre George Orwel, un anarchiste et idéaliste anglais et lui-même qui, officier lors de la 2ème Guerre Mondiale fut pris et fait prisonnier en Allemagne dans la rapide débandade qui prit nos armées de court. Par des études généalogiques assez récentes il a été montré que cette famille de noblesse impériale par ce curieux révolutionnaire devenu général d'empire est apparentée à celle d'Honoré de Balzac et que l'on trouve dans leur ascendance un certain Voltaire; cet homme idéaliste et actif politiquement fut enfin l'ami de Choderlos de Laclos, l'auteur bien connu des "Liaisons dangereuses". Enfin bref des références qui porteront leurs fruits quelques générations plus tard.
- Suzanne Denamiel épousera le père de Claude en 1910; il était originaire d'Arbois, dans le Jura et militaire de carrière; le hasard des affectations fera que le petit Claude naitra sur l'ile de Madagascar, alors française, en 1913. Mais arrivera la "Grande Guerre" en 1914 et son père y sera tué. Le jeune bébé ne le connaitra pas et devenu enfant si peu sa mère; elle décèdera d'un cancer en 1925; mais il fera de nombreuses références dans ses œuvres à ses infortunés parents. L'adepte du "Nouveau Roman" d'après-guerre tout en écrivant ses oeuvres deviendra comme ses ancêtres maternels catalans, un viticulteur (enfin propriétaire de vignes) sur les terres maternelles dont il avait hérité. Il finira sa vie en 2005 après avoir connu la plus grande gloire littéraire, entre la Place Monge à Paris et la maison familiale de Salses, dans ces Corbières maritimes accablées de chaleur en été mais jouissant de douceur en hiver, ayant en toile de fond le majestueux Canigou, où la vigne se complait tant, où il voulut s'installer à la fin des années 1970 malgré les mots peu complaisants qu'il eut pourtant pour sa voisine, la Mer Méditerranée.
- Claude Simon n'a donc pas beaucoup connu sa mère (il a douze ans quand elle disparait) mais elle a pris place, avec sa famille paternelle dans beaucoup de ses romans; il partira avec elle à la recherche de son père dans "La route des Flandres" récit qui se superpose avec sa propre expérience de la guerre et il la campera d'une façon saisissante dans son ultime écrit "Le Tramway", la voyant heureuse et sereine à Madagascar, puis après leur retour en France avec lui et encore lors d'un intermède dans le Jura chez la famille de son père; mais bien rapidement sa figure se transformera en celle d'une mère souffrante et à l'agonie; elle est là encore dans "L'acacia" d'une façon directe, on la voit apprendre la mort de son mari au champ d'honneur, il la compare à une sorte d'appareil photo, un art qu'il maitrisait d'ailleurs tout autant que celui de la peinture. De ces quelques dernières années malheureuses pour sa mère ont été étudiées les lettres qu'elle écrivit entre 1914 et 1916 à sa sœur Jeanne. A la mort de sa mère chérie, Claude sera élevé par sa tante, grandira entre l'hôtel familial de Perpignan et la résidence d'été "Les Aloès" de la route de Canet-en-Roussillon. Toujours en filigrane dans ses romans, les références familiales seront de plus en plus importantes au fil du temps, de même que son enfance, surtout à partir des années 1980. La saga familiale proprement dite se déroule depuis "Le vent" édité en 1957 , dans "L'herbe" où elle est le personnage de Sabine ou "Le jardin des plantes", pour culminer dans sa dernière œuvre "Le tranway" dont je viens de parler. Cette mère qui est dans "L'Acacia" comme on l'a dit est aussi là dans "Histoire" même si, alors, l'ascendant sera pris progressivement dans ces œuvres par le côté masculin sur les membres féminins de son clan familial (dans "Histoire" outre sa mère, sa grand-mère a également un rôle notable). Son chef d'oeuvre restera toutefois "Les Géorgiques" (1981) roman monumental basé sur les documents historiques retrouvés de l'ancêtre maternel dont le titre même nous rappelle que Claude Simon fut aussi un latiniste éminent, admirateur de Virgile ou d'Apulée, rénovateur de la manière antique adaptée au nouveau roman de la 2ème moitié du XXème S. Chez lui, la construction graduelle de la famille romanesque ne témoigne pas seulement d'une "écriture à base de documents réels et d'histoires familiales où la part du romanesque se réduit progressivement" mais aussi "de l'importance de l'enquête, de la recherche de l'énigme familiale" (cf. "Le roman face à l'histoire : essai sur Claude Simon et Danilo Kis" Alex. Prstojevic, L'Harmattan, Paris, 2005).
Enfin Claude Simon fut l'ami de personnalités diverses comme Picasso, Prévert ou du troubadour moderne narbonnais Charles Trénet. Anticonformiste, mauvais conférencier et romancier discret, il n'a jamais trouvé, en France du moins, son public, et pourtant...il est l'un des quinze écrivains remarquables français du XXème S. tout à fait digne du Prix Nobel de Littérature qui lui fut décerné en 1985!
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