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//La beauté est une des rares choses qui ne font pas douter de Dieu.//
Jean Anouilh

**LE CANTIQUE DES CANTIQUES ET SA SIGNIFICATION** :
- Le nom de ce poème probablement archaïque, repris oralement pendant plusieurs siècles avant d'être définitivement fixé par l'écrit au Vème S. avant notre ère porte en français ce superlatif correspondant bien à sa signification hébraïque de chant suprême.
- Ce poème est le plus beau chant d'amour de l'Ancien Testament; on le dit de Salomon et non de son père David tous deux Rois d'Israël, même si l'on sait que traditionnellement David est donné comme l'auteur de très nombreux psaumes (150!) et qu'il s'accompagnait sur sa fameuse harpe pour les chanter. C'est donc plutôt une simple attribution à Salomon. Bien sûr on pense aux nuits que passa Salomon avec la reine de Saba (la fiancée du cantique est une belle noire) mais il y eut auparavant la belle mais aussi tragique histoire de la rencontre et de l'amour que David porta à la non moins belle Bethsabée; ces deux histoires d'amour peuvent, l'une comme l'autre se traduire par l'invention de ce poème; poème dans lequel les vers sont d'une puissance évocatrice extraordinaire d'un tel amour, autant physique que sentimental. Le Cantique peint en effet entre autres dimensions, cette histoire singulière et immorale en soi de l'amour fou qui s'est emparé de chacun des deux rois à la vue de la beauté féminine à laquelle ils ne purent résister. Bien entendu les exégètes bibliques, religieux juifs comme chrétiens veulent surtout voir en ce poème l'interprétation allégorique déchiffrant dans le dialogue de l'amant et de l'amante une parabole de l'Alliance unique liant le Dieu d'Israël à son peuple (Am-i-El, faut-il le rappeler) véritable fil rouge de la Torah pour les premiers, soit le pur chant d'amour essentiel entre Dieu et son église (et ceux qui la composent) par son fils Jésus pour les seconds; le commun des hommes y verra plus prosaïquement à première vue, le lien conjugal unique, la notion de l'amour vrai qui ne peut être que monogame comme le vrai dieu ne peut être qu'unique; un amour sensuel, hétérosexuel, érotique même.
- Il peut être aussi le fruit d'une compilation de plusieurs poèmes, le résultat d'une joute poétique entre plusieurs poètes de la cour de David ou Salomon, un défi dont le thème semble trouvé dans les trois énigmes finales opposant la puissance artificielle à la simple présence des deux amants. Non seulement admis dans le canon biblique, il y est exalté; chez les juifs il est récité lors de la Pâque et à l'entrée dans le Chabbat dans certaines communautés. (cf. "Le cantique des cantiques ..." J. Cazeaux; Lectio Divina, n°222; Le Cerf, 2008).
- D'ailleurs cette 'peinture' de l'amour pris dans son sens littéral, car il s'agit tout autant et plus basiquement d'une description d'un amour purement physique aussi, a, par exemple, notamment été compris et représenté ainsi par Chagall dans une série de 5 toiles et ces toiles expriment bien la violence de l'histoire biblique; sans entrer dans la description de ces oeuvres on y remarque toutefois un camaïeu de rouge et de rose évoquant la sensualité et la douceur de la chair mais aussi celle du sang, de la braise qui consume comme peut consumer l'amour de ce(s) roi(s), la vie humaine ou Dieu! (cf "Musée National Marc Chagall de Nice" présentation générale du Cantique des Cantiques). Dali a aussi réalisé une série de douze gravures assez explicites sur ce texte célébrant l'amour humain; la série fut tirée par les Editions Léon Amiel en 1971 (voir cet éditeur important de lithographie).
- Mais c'est aussi et avant tout une peinture symbolique réunissant la famille royale: Il célèbre et unit David et Béthsabée pour aboutir à Salomon ou les amours furtifs de ce dernier avec la reine de Saba. C'est David (roi de -1004 à -965) qui conçoit le 'Temple de Dieu' et fait construire l'Arche d'Alliance qui en est le premier réceptacle, tabernacle permettant d'abriter et de protéger le 'trésor' religieux des Hébreux, les Tables de la Loi, sans oublier la Ménorah ou chandelier à sept branches. C'est par contre à son fils Salomon (que sa mère arrivera à faire nommer à la succession de son père David) que reviendra l'honneur de faire construire par l'architecte Hiram le fameux unique et riche, précieux même, 'Temple' de Jérusalem. Hiram est cet homme dont se réclament encore de nos jours les francs-maçons, qui se disent héritiers eux-même des constructeurs des cathédrales gothiques; il fut le lien physique entre le père concepteur et le fils réalisateur. Symboliquement le Temple est le fruit pensé pour l'un, réalisé pour l'autre de l'amour , de la relation éternelle entre Dieu et les hommes. C'est la réalisation symbolique du cantique qui appartient donc autant à David qu'à Salomon (et qu'à Bethsabée qui en est l'objet premier et le lien entre les deux hommes, la reine de Saba n'ayant été que de passage). Si toutefois l'explication n'est pas convaincante et que l'on tienne à n'y voir que l'oeuvre de Salomon, en ce cas il y a lieu de ne retenir que l'amour en former d'acmé que celui-ci porta à la non moins fameuse Reine de Saba.
- Salomon n'oubliera pas ce que sa mère fit pour le mettre sur le trône : la reine-mère aura une réelle importance durant son règne; son fils fit mettre un trône pour elle à sa droite, reconnaissant de son action, faisant éliminer le fils aîné Adonias qui s'était auto-désigné. Peut-être même est-ce elle qui incita son fils a entreprendre un rapprochement avec la reine de Saba, par suite d'un aveu de ses propres origines ? Car enfin il faut remarquer que Bethsabée dont la traduction littérale du nom signifie "fille de l'opulence" rappelle bien par -sabée ce royaume situé au sud de la péninsule arabique (et corne de l'Afrique ? comme on va le voir) un peu mystérieux mais dont on connaissait l'existence dans le royaume juif.
Le royaume de Saba était bien alors le royaume de l'opulence (et ce pour cinq siècles) situé au carrefour de routes maritimes essentielles, on y rencontrait déjà beaucoup de produits et d'épices, transitant entre l'Egypte et les Indes, il fut très florissant entre ~ -900 et -450. On peut le situer autour du détroit incontournable de Bab El Mandeb sur la Mer Rouge, lequel sépare l'est de l'Afrique de la péninsule arabique (de nos jours Yémen du sud arabique et Ethiopie, Erythrée de la corne d'Afrique). Dans le nord de l'Ethiopie, la tradition très forte encore de nos jours veut que cette reine fut de cette région des confins du Nil. Une région difficilement pénétrable à la géographie tourmentée qui a toujours été isolée et considérée comme mystérieuse et propice à l'imagination. Considérée par les égyptiens de l'Antiquité comme le Pays du Pount, monde exotique où le Nil naissant s'écoulait par des fontaines, il sera pour les Européens du Moyen-Âge le pays des licornes et des dragons volants, le lieu de naissance d'un personnage curieux et fascinant pour eux, le fameux prêtre Jean dont parlent de multiples contes, gardien de la Fontaine de Jouvence, protecteur du Saint-Graal et descendant (supposé) des...Rois Mages ! Mais je rêve moi aussi et m'égare de mon sujet....
La reine de Saba vint chez Salomon en une visite officielle éblouissante. On dit qu'elle mit trois ans à se préparer, à réunir des vaisseaux chargés de nombreux et précieux présents. L'Ancien Testament parle qu'elle arriva "accompagnée d'une très grande suite, avec des dromadaires portant des épices, et beaucoup d'or et des pierres précieuses". C'était un reine guerrière qui parvint à imposer la paix dans son fabuleux royaume neuf siècles avant notre ère, mais sa plus belle bataille fut celle de l'amour et de l'intelligence mêlés. Venue dit-on pour tester la sagesse proverbiale du roi, on dit qu'elle défia Salomon par le jeu des énigmes qu'elle perdit (sur sa propre préparation?) et qu'elle se donna à Salomon pour seulement trois nuits que le Cantique peut avoir inscrit pour l'éternité dans la mémoire amoureuse de tout l'occident en raison de leur extrême densité. Son nom était Makéda; de cette union provisoire elle aurait enfanté Ménélik, premier roi d'une très longue lignée, les Salomonides, qui se serait continué jusqu'à nous par les "négus" d'Ethiopie dont le dernier représentant fut Haïlé Sélassié, le "Roi des rois", lequel s'est éteint en 1974. Remarquons qu'une communauté de juifs éthiopiens existe toujours, ceci expliquant cela ?
- Il y a aussi une explication kabbalistique juive enfin : Le Cantique des Cantiques est comme tous les écrits insérés dans la Torah, saint, et celui-ci est le plus saint des saints dit rabbi Aqiba, mort Martyr des romains en 135 et à qui l'on doit l'intégration du Cantique dans le canon biblique. Au XIIème S. le Zohar (grand livre de la Kabbale judéo-espagnole) précise lui aussi qu':"A l'époque du Roi David, le Temple n'était pas encore dressé et il n'était pas convenable de se servir du terme "Cantique des Cantiques" qui équivaut au nom "Saint des Saints". Ce cantique renvoie ainsi à la présence-même du "Dieu-Un" suprême, s'offrant comme l'essence de la vie à ses créatures. Ainsi l'érotisme décrit dans le Cantique est-il l'érotisme même de cette présence. En la présence divine est l'éros de toutes les relations humaines: en nous ouvrant à notre féminité (sens de l'ouverture à autrui en chacun de nous tout autant que de la femme à l'homme et inversement), nous pouvons ainsi épouser cet éros et fonder toutes nos alliances (amour, amitié comme foi). Cet éros divin est (était et sera) le 'Chant des Chants' qui nous traverse et nous unit, nous réunit en désirant réellement nous épouser dans toutes nos relations (et dimensions) pour retrouver l'Un Divin (rappelez-vous ce que dit le vieux mythe des origines humaines à ce sujet).
- L'éros divin fonde l'éros humain et lui donne son ampleur véritable. Le Cantique est alors par là révolutionnaire et très moderne; la sensualité grâce à lui entre ainsi de plein pied dans la religion avec aussi la foi et l'amitié. Le cantique invite finalement à une subtile et profonde analyse psychologique de l'amour et de la féminité (et partant de la masculinité).
(=> pour les deux derniers § d'après : "Le Cantique des Cantiques ou la psychologie mystique des amants - Introduction" P. Trigano & A. Vincent Reel Ed. Lyon 2007).
- Le chant des chants a été magnifiquement mis en musique et "slamé", interprété par des répons pleins de grâce et de sensualité entre Alain Baschung et Chloé Mons à l'occasion de leur mariage en 2001. Cette interprétation a été éditée et est consultable sur internet.
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