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"Ecoute, mon peuple ! et je te parlerai, Israël et je t'avertirai.
Je suis Dieu, ton Dieu.""
Psaume 50, 7.

**LE NOM DE DIEU NE PEUT ETRE PRONONCE**
Le nom est ce qui nous caractérise par rapport à nos congénères; il nous est précieux hier comme aujourd'hui, et peut-être encore plus de nos jours, tant de sujets y étant attachés et pas seulement administratifs. Pour Dieu c'est un peu la même chose même si, étant seul dans sa catégorie, finalement un nom le désignant particulièrement ne s'impose pas et pourtant et c'est un paradoxe, l'expression de son nom constitue une belle polyonomie comme on va le voir. Quoi que l'on en dise toutefois, quel que soit le nom par lequel on l'appelle, Dieu ne pouvant être connu, c'est sans doute la dernière chose qu'il peut nous donner à connaître. Dieu ne peut être connu parce qu'il ne peut être défini, et le seul nom en vérité ne saurait suffire pour le définir. Comment l'indéfinissable par essence pourrait-il se mettre à la merci du vulgaire, tout juste peut-il être accessible et réservé aux initiés.
Dans les temples romains bien plus tard, comme sous les pharaons plus tôt, le dieu est non seulement "ranimé par le sacrifice" qui lui est offert, mais, "à l'appel de son nom, il sort de son sommeil" (cf. Franz Cumont). Car ce nom, comme chez les hommes, est indissociablement lié à sa personnalité; celui qui sait prononcer le vrai nom d'un individu ou d'une divinité se fait obéir de l'un comme de l'autre, comme le fait un maître de son esclave (pour la divinité, en tous cas, elle l'écoute ou simplement l'entend). Il y a donc nécessité de conserver la forme verbale originale du vocable mystérieux et si précieux. C'est par ce souci de limiter l'utilisation de ce nom divin (pour le conserver), de le taire même carrément, que l'on explique la présence du mot "sûmu" soit 'le nom', dans un certain nombre d'anthroponymes ouest-sémitiques du temps de la Ière dynastie babylonienne. Son fondateur s'appelle "Sumu-Abum" soit "le nom est père" et son successeur "Sumu-la-El" soit "le nom n'est-il pas Dieu ?"; un contemporain voisin, roi de Larsa, se nommait "Sumu-El" ou "Sumu-Ilum" que l'on peut traduire par "le nom est Dieu". C'est un nom d'autant plus remarquable qu'on le retrouve dans le nom biblique de "Shamû-'El", Samuel, soit "le Nom est Dieu". Les innombrables tablettes de Mari (IIème millénaire avant notre ère) fournissent aussi des noms propres dans lesquels "Sumu", 'le nom', se substitue au nom divin.
Mais c'est chez les hébreux que ce nom sera véritablement ineffable, imprononçable absolument. Le tétragramme divin de IHWH qui est pourtant bien connu et utilisé dans les inscriptions (à Mesa ou Lachis) écrit dans les manuscrits de la Mer Morte, mais seulement par les consonnes, ne nous permet pas de connaître sa prononciation véritable; on n'a là qu'une forme verbale à la 3ème personne du singulier de l'imparfait. Et la superstition éliminera la prononciation de la tradition orale, seule source de transmission, il sera uniquement conservé dans son expression par les prêtres comme je l'ai déjà dit ailleurs. Publiquement (et encore de nos jours chez les juifs) la lecture des textes à voix haute donne le fameux mot Adonaï, le seigneur, voire mon seigneur. C'est en référence aux voyelles possibles que, sous l'influence du réformateur Luther, à la Renaissance, le dieu des juifs devenu le dieu de tous les hommmes se vocalisera en Jehovah. Ce nom sera mis en honneur au XVIIème S. et exalté ensuite par les écrivains romantiques. De cette qualification de seigneur sortit très tôt, au IVème S., le terme latin de Dominus avec St Jérôme tout comme le qualificatif honorifique et déférent des maîtres de la société civile du moyen âge quelques siècles plus tard. Il apparait donc, selon l'histoire, que le terme de Yahveh est plus convenable que celui de Jéhovah.
Le fait que le terme corresponde à la 3ème personne semble indiquer que c'est Moïse qui reprend simplement ce qu'il a entendu : "Il est" est la traduction logique de "Je suis"; de même Dieu ne peut dire "Je suis celui qui est" car là aussi ce serait une allusion à un autre que lui-même; il dit au prophète : "Je suis qui je suis" que Moïse traduit en "celui qui est".
Finalement Yahvé signifie simplement "Il est"; on ne peut affirmer que cela, "il existe", il est entièrement dans cette expression; expression dans laquelle être et essence sont quasiment confondus, c'est selon St Anselme la preuve ontologique de l'existence divine. C'est ce que précisera St Jean dans son Apocalypse (I, 8): "Je suis l'Alpha et l'Omega, celui qui est et qui était et qui vient". Cette définition de l'être suprême rappelle étrangement des paroles prêtées à Isis et inscrites au fronton de son temple à Saïs selon l'historien romain Plutarque : "Je suis tout ce qui a été, tout ce qui est et tout ce qui sera", la déesse ajoutant "Et mon voile, jamais aucun mortel ne l'a soulevé !" (cf. "Traité d'Isis et d'Osiris", trad. M. Meunier, 1924, p.24, n. 1). Le Dieu du Sinaï est lui aussi couvert d'un voile, son mystère reste intact; ce sera là une recherche constante des prophètes et des sages qui ne cesseront de se pencher dans les arcanes de la nature divine. En tous cas si Hamlet avec son auteur Shakespeare se pose l'éternelle question si humaine de l'être, Moïse aura eu, lui, le mérite de l'affirmer, mais pour le seul dieu, le dieu d'Israël.
(=> "Le nom du dieu d'Israël" E. Dhorme in Revue de l'Histoire des Religions, 1952, Vol. 141 (1), pp. 5-18, Collège de France, Paris).
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