LES PIPES AMIEL à PHILLIPEVILLE (ALGERIE) puis à BAUMES-LES-DAMES (25) :
- Commençons par la fabrique de Baumes-les-Dames. On la trouve Rue des Pipes (cela ne s'invente pas!); Baumes-les-Dames, est assez proche de St Claude, la capitale des pipes en France; malheureusement comme dirait l'autre, elle n'a fait que passer.
Située plus précisément au lieu-dit Gondé, où l'on se consacre depuis le début du XXème S. à cette activité, nommée fabrique ou usine de tabletterie de pipes, créée par l'industriel Ropp de Besançon, ce fut un important site de production faisant partie de tout un ensemble d'industries liées au bois depuis un siècle donc.
On sait qu'en 1923 par exemple on y produisait pas moins de 530.000 pipes Ropp; mais après 1945 les premières opérations de travail des têtes de pipes seront réalisées à St Claude, on ne fera à Baume que le finissage. En 1938 il n'y a déjà plus que 200.000 pipes fabriquées ici, moitié de bruyère, moitié de merisier et après-guerre l'activité se réduit encore; dans les années 1970 encore plus.
- Un peu d'histoire technique ensuite : Vers 1900 les ressources en bruyère, bois noble, deviennent rare en Europe et, parallèlement la demande en pipes de cette matière sont fortes. En 1905 de nombreux lieux possédant des bruyères sont repérés en Algérie, alors française et en seulement quelques années, le département devient un important producteur d'ébauchons de pipes, lesquels sont envoyés dans le monde entier. Environ 80 % de la bruyère pour pipes provient de là-bas. En 1923 la 1ère manufacture pipière d'Algérie commence son activité avec Raoul Amiel, en lien étroit avec la capitale mondiale de St Claude et son savoir-faire autant pour la technique que pour les débouchés commerciaux mondiaux. La marque des "Pipes Amiel", fut fondée à Philippeville, de nos jours Skikda (Algérie). Cette fabrique d'ébauchons de pipes réalisait à partir du bois de bruyère ou de fougères arborescentes des morceaux juste équarris de tuyaux de pipes (d'où le qualificatif d'ébauchon); supervisée par le père de Raoul, Pierre Amiel qui était très au courant de ce genre d'activité car il avait été pendant 36ans directeur des Maisons Vassas Frères qui en fabriquaient en Italie, l'entreprise employait une trentaine d'ouvriers au début des années 1960 mais les évènements qui conduisirent à l'indépendance amenèrent à sa fermeture. Les Amiel rejoignirent comme tant d'autres la France continentale. Un stock de ces ébauchons se trouve chez Pijpenkabinet à Amsterdam mais non estampillées Amiel (cf. Pipe gazette n° de 2009; Pipedia, site internet).
Ils purent tenter de reprendre cette activité manufacturière si particulière sur le sol européen. L'usine Ropp, outil industriel remarquable est rachetée, en 1988, par Bernard Amiel, fils de Raoul, au groupe Oppenheimer qui la possédait jusque là après son achat au petit-fils du créateur. Dès 1989 la production reprend sous le nom de Amiel Diffusion mais ce n'est qu'un feu de paille car la société est mise en liquidation dès Septembre 1991. La mairie de Baume rachète alors les bâtiments et les loue à Bernard Amiel; deux ouvriers seulement continueront à fabriquer des pipes en sous-traitance d'une société de St Claude jusqu'en 1998. Et depuis c'est un Musée qui a été créé sur ce site où tout rappelle cette activité: on y voit par exemple une turbine mise en route en 1896, un moteur à gaz pauvre de 1907 et tout un tas de machines du XXème S. comme si la production venait juste de s'arrêter, tout étant figé à jamais. Il y eut pourtant là 110 ouvriers en 1906 et dès 1912, 140 mais dans l'après 2ème guerre mondiale il y en eut deux fois moins jusqu'à tomber à seulement 24 en 1991 et finalement 2 à la fermeture définitive.
On y déambule depuis l'atelier de fabrication proprement dit, à la chaufferie, la salle des machines, l'atelier de réparations, les bureaux, magasins, d'autres ateliers, l'infirmerie et même la salle de spectacles (devenus la salle d'archives du musée) située à l'étage. On voit aussi la cheminée de 28m de haut, la conciergerie, le château d'eau et les garages, enfin l'entrepôt de séchage à claires-voies où le merisier séchait pendant 5ans. L'heure est désormais plutôt aux cigarettes électroniques qu'à ces vieilles pipes de bois.
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