**LE MAS AMIEL A MAURY domaine viticole** (66) : Jusqu'en 1816 ce domaine de la plaine viticole de Maury, région située au nord ouest du département des Pyrénées-Orientales, entre Fenouillèdes et Corbières audoises s'est appelé Domaine des Goudous. C'était une propriété de l'évêque de Perpignan qui donnait déjà un très bon vin de messe grâce à des vignes en cépages de Grenache et de Muscat, plantées dans les cailloux du cône de déjection dévalant des falaises calcaires des Corbières, portant sur leur hauteurs le château de Quéribus. Mais pourquoi ce changement de nom au début du XIXème S. ? Il se trouve que l'évêque du moment avait un gros péché mignon, c'était même un démon dit-on, celui du jeu de cartes. Ce jour-là il jouait contre un autre possédé en la personne de Raymond Etienne Amiel ingénieur des Ponts et Chaussées en poste dans le département (c'est lui qui établira par exemple le chef d'œuvre d'ingéniosité de la route du Col de St Louis dans le même coin et qui deviendra ingénieur de la ville de Perpignan). Visiblement le prélat n'était pas dans les grâces divines puisqu'il ne fit que perdre, à tel point qu'il dut gager pour continuer à jouer et assurer ses pertes le fameux domaine viticole. Et bien entendu il le perdit. Les titres de propriété passèrent donc à Etienne Amiel. Mr Amiel reprit avec succès (et ses successeurs durant un siècle) l'exploitation des vignes en étendant la surface plantée d'une façon considérable; en effet alors que le domaine était à l'évêque, il n'y avait que 10 ha en vignes sur 80ha que comptait le domaine, comptant donc environ 70ha de simples garrigues ne servant en réalité qu'à l'élevage de lapins forains, lesquels étaient vendus sur le marché de Perpignan. Toute la propriété fut patiemment donc reconvertie à l'unique production viticole. Mais comme dans toute la région viticole languedocienne et roussillonnaise il y eut la grave crise due au phylloxera; le vignoble fut détruit. Constatant l'effondrement de son propre commerce lié à la viticulture, un négociant en vins de Millas, Camille Gouzy pensa pouvoir recréer ce vignoble grâce à la replantation en plants américains que l'on disait insensibles à l'insecte parasite. Il faut savoir aussi que dans la vallée de l'Agly où se situe Maury, seule la vigne est capable de nourrir les habitants et l'on y mourrait alors de faim. Mr Gouzy décida avec son ami Amiel (fils d'Etienne) d'acheter une minoterie afin de procurer la farine de blé nécessaire à tous; il proposa aussi parallèlement à cette entreprise aux habitants de la vallée de replanter leurs vignes en plants américains et de s'en occuper pendant quatre ans. Pendant ce temps il les aiderait par le truchement de la fameuse minoterie grâce au blé de la vallée de La Têt (66). Bien entendu c'était un marché: en échange ceux-ci devaient s'engager à lui réserver leurs vendanges à l'avenir. Pour pouvoir vinifier toutes les quantités de vendange à venir, le fils Amiel et son associé construisirent au Mas Amiel une cave dotée d'une vingtaine de foudres pouvant contenir sept mille hectolitres de vin (cette cave continue de nos jours à vieillir des productions de Mas Amiel et est la fierté de la maison) ainsi qu'une écurie de quatre-vingt chevaux pour assurer les travaux dans les vignes. Et là alors commence véritablement l'aventure du Mas Amiel, le domaine prospérant de plus en plus, devenant de nos jours une référence internationale incontournable de la région viticole. Tout au long du XXème S. ce fut la famille Dupuy qui le fit prospérer jusqu'en 1999 où il fut vendu à Mr Olivier Decelle, propriétaire d'autres domaines viticoles en France, notamment en Bordelais. Terre de grenaches c'est sur un sol pauvre de schistes emmagasinant la chaleur intense le jour et la restituant la nuit que les raisins mûrissent, les étés y étant caniculaires avec des vents chauds venant de l'E'spagne proche et les hivers pouvant y être de glace poussés par des vents d'est. Un climat d'extrêmes dont la vigne se satisfait, ce qui est sûr c'est qu'il n'y circule que peu de nuages; on peut compter ici sur au moins 260 jours de soleil par an (la seule centrale solaire de France n'est pas très loin de là, à Targassonne). Le domaine est actuellement transformé progressivement en agriculture biologique. On y élabore des vins doux naturels avec le grenache noir par mutage (ajout d'alcool lors de la vinification afin de provoquer l'arrêt de la fermentation, ainsi les levures asphyxiées cessent leur activité et le vin obtenu conserve une part de sucre non transformé). On fait encore des vins doux naturels de muscat. Neuf cépages sont cultivés dont la Syrah, le Mourvèdre, le Carignan et le Maccabeu. Les vins doux naturels signés mas Amiel passent pour les meilleurs de l'Appellation Maury. Une visite de la cave permet de se rendre compte des différentes vinifications entreprises et notamment de voir en pleine nature, comment ici on fait vieillir le grenache au ras du sol dans des bonbonnes exposées non seulement au soleil mais aussi aux vents, aux différences de température, à l'hygrométrie variable...continuant par là une méthode ancestrale de la région roussillonnaise. Pour être complet Mas Amiel produit aussi des vins blancs secs, rosés, un rouge Côtes du Roussillon et des séries limitées Vintage.